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par Elsa - le 25/11/2013
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par Elsa - le 25/11/2013

Charly 9, la critique

Entre les œuvres de Jean Teulé et les éditions Delcourt, cela ressemble un peu à une jolie histoire d'amour. Après Je, François Villon, Le Montespan et Le Magasin des Suicides, c'est au tour de Charly 9 d'être adapté en bande dessinée, cette fois-ci par Richard Guérineau.

Quand l'Histoire est la plus inspirée des scénaristes

Le règne de Charles IX fut aussi court que désastreux. Sous la pression de sa mère et de ses conseillers, il ordonna l’assassinat de tous les protestants de Paris. En quelques heures, le sang de milliers de victimes teinta de rouge les rues de la ville. L’Histoire retiendra ce drame sous le nom de Massacre de la Saint Barthélémy. Pendant que les intrigues continuent en coulisse, le jeune souverain de seulement 22 ans ne se remet pas d'avoir commis un tel crime, et sombre peu à peu dans la folie.

L'histoire de France recèle bien des personnages hauts en couleur, aux destinées souvent tragiques. Dans Charly 9, Jean Teulé dresse le portrait de ce roi-pantin qui perd la raison, et l'on pourrait presque croire à une farce pour amuser le lecteur si cela n'était pas la sombre réalité. Le talent de l'écrivain a toujours été de saisir le comique même dans l'horreur. Richard Guérineau (le Chant des Stryges, Le Casse - le Troisièmre jour) prend donc sa suite pour mettre en image ce récit violent, sombre, et pourtant parsemé de gags frôlant l'absurde.

Une adaptation aussi surprenante que réussie

La narration est fluide, rythmée, les dialogues très vivants et l'enchainement de scènes est parfaitement maitrisé. L'auteur a su prendre l'essence du roman pour la retranscrire en bd. Graphiquement, Charly 9 est tout aussi intéressant, et, si le trait reste classique, mais très beau, Richard Guérineau s'autorise des fantaisies rafraichissantes.

Car au milieu d'un récit au dessin réaliste plutôt premier degré, le dessinateur s'amuse à changer brutalement de traitement graphique, pour mieux appuyer son propos. Parfois seule la colorisation, ou l'importance de l'encrage changent, parfois il s'amuse carrément à rendre hommage à quelques grands noms du neuvième art. Ainsi Charles IX se retrouve-t-il tout à coup parachuté dans une aventure à la Johan et Pirluit, et quelques autres facéties du même acabit. C'est une expérience de lecture qui décontenance, mais cette astuce a bien des avantages. Elle permet d'abord d'offrir au lecteur quelques bouffées d'air frais bienvenues au milieu d'un récit toujours plus dur. Au fil des pages les cadavres s'accumulent et la violence est omniprésente. Quelques petits clins d’œils souriants rendent l'insoutenable bien plus lisible. Mais ces moments un peu saugrenus renforcent aussi l'immersion dans la folie du roi. Car très vite Charles IX perd complètement pied, et si cela se caractérise d'abord par quelques absences et hallucinations, son quotidien vire bientôt au grand n'importe quoi, entre chasse aux lapins dans la chambre de sa maîtresse et confection de pâté aux alouettes en compagnie de son cuisinier. Quand le dessin change, il y a ce petit moment de flottement, comme si l'on expérimentait soudain les moments de délire du roi, en se retrouvant projetés dans une autre réalité, moins concrète mais peut-être plus heureuse.

Avec cette adaptation de Charly 9, Richard Guérineau retranscrit l’œuvre de Jean Teulé avec talent, suivant ses traces en alliant le sérieux d'un cadre historique, d'une atmosphère propre au XVIème siècle, à l'humour et à la fantaisie de ceux qui savent donner naissance à des sourires même au milieu des drames. Cette bande dessinée est dure, sombre, mais aussi passionnante et parfois très drôle. Un cocktail comme seule sait en produire la vie.

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