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par Alfro - le 3/12/2013
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par Alfro - le 3/12/2013

Les Aigles de Rome - Tome 4, la review

L'expansion de Rome est un sujet qui a été souvent traité, même en bande dessinée. Cette civilisation a toujours fasciné, ne serait-ce que par la taille impressionnante que finit par prendre son Empire tentaculaire. Pourtant, rarement on a vu le sujet traité avec une telle virtuosité graphique que dans les Aigles de Rome. En abordant ce quatrième tome, on se doutait bien qu'il n'échapperait pas à la règle. Qu'en est-il du reste ?

"Nous devons d'abord tuer la Louve, après nous nous occuperons de ses petits"

Rendu à ce stade de son histoire, Enrico Marini a noué des fils et des nœuds dans tous les sens. Les personnages sont tous plus ou moins liés entre eux, chacuns tirant la couverture à eux pour servir des intérêts personnels qui ne seront pas sans conséquences. En bref, nous sommes tout près du point d'implosion où il y aura forcément des dégâts collatéraux. Ainsi, Marcus a découvert à la fin du précédent tome que son ami et frère d'arme Arminius se prépare à trahir Rome, et par là même leur lien qu'il pensait pourtant si fort. Mais le Germain est un monstre d'ambition, il le démontrera tout au long de ce volume où les obstacles seront effacés dans le sang. Toute la galerie de personnages qui s'agitent autour de lui ne semblent d'ailleurs être que de simples pièces sur un échiquier dont Arminius est le seul à voir l'ensemble.

Ce qui dérange ici, c'est que l'on sent que Marini a bien construit son récit, définissant les tenants et aboutissants de celui-ci. Nous voyons un peu trop les ficelles qui entourent ses personnages. Tout le défi qu'impose la tragédie, puisque c'est cela dont il s'agit (dans la plus pure tradition classique), c'est d'arriver à lier le théâtre des événements historiques ou mythologiques avec le drame familial qui se joue en parallèle, tout en les mêlant dans un même élan. Sauf qu'ici, on voit beaucoup trop les ficelles de marionnettiste que déploit Arminius et par extension le scénariste. Si bien que l'on se doute où le récit se dirige, quels seront les effets découlant des causes. L'intrigue autour de Lepidus par exemple est assez prévisible et sa résolution ne surprend pas le moins du monde (surtout que l'on a déjà vu ce même jeu scénaristique se mettre en place auparavant), détruisant toute la tension qui avait été mise en place. La lecture est agréable, sans que l'on soit pour autant jamais véritablement surpris.

"Tu raisonnes en étant plus Romain qu'un Romain."

Il faut être honnête, quand on ouvre une bande dessinée d'Enrico Marini, c'est d'abord pour s'en prendre pour les mirettes, pour qu'il nous délecte de son trait à la fois fin et puissant. Ici, pas de surprise, il est toujours aussi fort, son excellence académique associée à une puissance directement tirée d'une inspiration manga, ce style hybride si dynamique qui a fait sa marque de fabrique est encore vivace. Ce dessin associé à des couleurs aussi bien distillées que d'habitude est un argument suffisant pour parcourir ces pages. Certes, les paysages germains sont moins propices au déballage de virtuosité que l'architecture romaine, qu'elle soit antique ou celle de la Renaissance qu'il avait su saisir avec génie dans les pages du Scorpion. Il n'y a rien à y redire techniquement, mais c'est sûr que cela fait moins fantasmer l'imaginaire.

Le talent graphique de Marini lui permet de rendre avec un réalisme cru la violence de l'époque. D'ailleurs, il n'y a pas qu'en dessin que cette époque sauvage ressurgit. Les têtes volent dans des giclées de sang, les organes volent et les cadavres s'entassent tout au long de l'histoire, mais la violence réside aussi dans les rapports humains. C'est l'une des forces de ce récit : nous montrer et nous rappeler qu'à l'époque, sans faire de distinction entre Germains et Romains, l'homme était un loup pour l'homme. Après tout, cette citation est apparue pour la première fois chez Plaute (-254 avant J.C). L'Empire Romain a beau être magnificient, il s'est construit sur un amoncellement de massacres sanglants. Le réalisme du récit, pas forcément historique même si on sent qu'il a fait un grand travail de recherche, offre un théâtre cruel à des intrigues toutes aussi viles.



La descente dans les plus sombres recoins de l'humanité continue pour Les Aigles de Rome. Si ce tome n'est pas le mieux écrit de la série, il a le mérite de nous amener près du point de rupture qui dynamitera le récit. Ce qui ne va évidemment pas nous aider à attendre le prochain volume.

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