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par JPF - le 31/10/2013
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par JPF - le 31/10/2013

Ex Machina , tome 1

Après Y, le dernier homme, et le plus récent Saga, Urban comics poursuit la publication des travaux du scénariste Brian K. Vaughan avec Ex Machina, série en 50 épisodes initialement parue chez Image entre 2004 et 2010 (et ayant connu deux précédentes éditions françaises inabouties). Une série dense et passionnante, où les auteurs trouvent le juste équilibre entre fable politique, variations sur le thème du super-héros, et entrelacs soap du meilleur aloi.

Le volume ici présenté par Urban (premier sur trois prévus pour une intégrale) contient les deux premiers arcs de la série, des épisodes 1 à 11. Suite à un accident, Mitchell Hundred, un ingénieur civil, se voit doté de la capacité de dominer télépathiquement toute technologie humaine. Sous le nom de « la grande machine », il entame alors une carrière de super-héros, avant de se rendre à l’évidence : ses quelques coups d’éclat, au mieux, ne font que préserver le status quo. Pour changer vraiment les choses, il se lance dans la course à la mairie de New-York, improbable outsider sans étiquette. Le 11 septembre 2001, il use à nouveau de ses pouvoirs et parvient à sauver une des tours jumelles. Les New-Yorkais l’élisent en masse au poste de maire.

Le récit débute quelques semaines après la prise de fonction de Hundred. Vaughan l’écrit lui-même en postface : il construit son récit en suivant trois lignes de force narratives : les combats du maire dans la sphère politique, privée et super-héroïque. Trois dimensions qui forment l’espace du récit, à quoi il faut rajouter celle du temps, puisque le lecteur est invité à de fréquents retours dans le passé super-héroïque de Mitchell, passé non sans répercussions sur le présent, et entaché d’une ombre dont le lecteur ignore encore la teneur. Ce jeu sur les différentes strates de récit, cet hybridation des genres, est une des spécificités du travail de Vaughan : on la retrouve notamment dans Y et le récent Saga, où cohabitent également considérations politiques, appropriation pleine des codes d’un genre (Zombies, Space Opera), et romances soap. Le tout servi par de rares qualités de dialoguistes, en enlevé par un sens réjouissant du feuilletonnesque et du mystère (qui, et pourquoi, a donné ses pouvoirs à Hundred ?).

Hundred, comme Yorick dans Y, mais aussi Alana et Marko dans Saga, incarnent un rapport confiant en la capacité de l’homme à réinventer un collectif, souvent face ou en regard d’une communauté plus vaste rongée, elle, par de froids intérêts. Loin d’être individualistes, ils manifestent au contraire un retour à une conception de l’homme comme animal politique. Hundred croit en sa capacité à agir en tant que maire. Mais ni Vaughan ni ses personnages ne sont des candides, et c’est bien là une ornière que contourne brillamment le scénariste : créateur et créatures sont conscients des compromis nécessaires, et prêts à composer avec leurs principes, marquant, à ce titre, une ambivalence qui fait toute leur humanité. Nous sommes aussi loin d’une naïveté béate que d’un cynisme paresseux.

Tony Harris et J.D Mettler assurent une narration claire. Chez le dessinateur, l’expressivité des personnages est mise en avant (c’est d’ailleurs une caractéristique commune aux dessinateurs associés à Vaughan de privilégier l’humain), et il alterne avec un égal bonheur les scènes de bureau comme les tueries les plus sanglantes. Aux couleurs, Mettler assure une différenciation limpide entre les différentes époques, et livre un ensemble d’un chatoiement discret, qui rend cohérent la présence dans un même univers d’éléments fantastiques, horrifiques ou purement quotidiens.

Urban nous gratifie encore une fois d’une belle édition relativement peu onéreuse, mais dont les bonus, passionnants (on a droit notamment aux pitchs préliminaires de Vaughan et à sa conception du projet), laissent un goût de trop peu… Qu’on espère voir comblé dans les tomes 2 et 3. À suivre, donc…

JP Fermet

Ex Machina, tome 1, Brian K. Vaughan (scénario), Tony Harris (dessin), J.D. Mettler (couleurs), Urban Comics, coll. Vertigo Essentiels, 288 pages, 22,50 €.

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