Bon, après quelques critiques d’œuvres récentes… Revenons donc aux bons vieux classiques-qu’il-faut-à-tout-prix-lire-mais-que-j’avais-encore-jamais-lus-mais-je-me-rattrape. Au programme, Le Cycle des Princes d’Ambres. Et une fois n’est pas coutume, je vais chroniquer le cycle entier et pas uniquement le premier volume
Œuvre
Titre : Le Cycle de Corwin (The Corwin cycle)
Cycle : Le cycle des Princes d’Ambre (The Chronicles of Amber) – Tomes 1 à 5
Auteur : Roger Zelazny
Première publication : 1970
Synopsis personnel
Un homme se réveille dans un lit d’hôpital. Sans savoir qui il est ni ce qu’il fait là. Ce qui ne l’empêche pas de s’évader et de se mettre en quête de son identité.
Une quête qui lui rappellera qui il est – Corwin, l’un des neuf princes d’Ambre, ce monde dont tous les autres ne sont qu’un pâle reflet – et ce qu’il veut – le trône d’Ambre. Ses souvenirs incomplets, sans savoir où en est la situation dans ce nid de vipères qu’est sa famille, sans savoir à qui il peut se fier – et plus important encore, de qui il doit se défier – Corwin repart pour Ambre, accomplir son destin... et récupérer le trône qui lui revient.
Un extrait pour se mettre dans le bain ?
Ainsi ce cher Random avait des ennuis ! J'avais le sentiment qu'il ne fallait pas m'en inquiéter outre mesure. Mais il était l'une des clés de mon passé, et très probablement de mon avenir. J'avais donc tout intérêt à l'aider par tous les moyens possibles, jusqu'à ce que j'apprenne de lui tout ce dont j'avais besoin. Je savais qu'il n'existait entre nous aucun amour fraternel. Je savais aussi qu'il avait oublié d'être bête (homme de ressource, perspicace, curieusement sentimental pour les choses les plus inattendues), que sa parole ne valait pas un pet de lapin et qu'il était capable de vendre mon corps à une faculté de médecine s'il pensait en tirer un maximum d'argent. Je me souvenais très bien de ce petit salaud, avec une légère pointe d'affection, sans doute à cause des bons moments que nous avions dû passer ensemble. Mais quant à lui faire confiance, jamais. Je décidai d'attendre la dernière minute pour prévenir Flora de son arrivée, je pouvais m'en servir comme d'un as, à la rigueur d'un valet.
Je versai donc un peu de café chaud dans ma tasse et le but lentement.
Qui fuyait-il ?
Certainement pas Eric : il n'aurait pas appelé chez Flora. En apprenant que j'étais là, pourquoi avait-il demandé si elle était encore en vie ? Etait-il donc de notoriété publique, dans la famille que j'étais capable de la tuer à la première occasion à cause de l'alliance qu'elle avait conclue avec un frère que je haïssais. Il avait bien posé la question. Etrange.
Et quel était l'objet de cette alliance ? Quelle était la source de cette tension, de cette opposition ? Qu'est-ce qui faisait fuir Random ?
Ambre.
Voilà la réponse.
Impression générale
Pas un immense coup de cœur… mais j’aurais quand même dû le lire bien avant. C’est inventif, prenant, empli d’intrigues et de personnages ambigus… C’est bien écrit, même si dans un style assez classique, et certains passages sont juste sublimes (bon, je l’ai lu en VF, pas en VO, donc je parle ici du style de la traduction).
Bref, je veux la suite !
Ce que j’ai aimé
C’est différent ! Le monde d’Ambre, son fonctionnement, les pouvoirs « basiques » des princes d’Ambre, tout est juste tellement différent de ce qu’on peut lire en fantasy que ça fait du bien. Pouvoir se promener à sa guise entre toutes les réalités possibles et imaginables (qui ne sont qu’un reflet du monde originel d’Ambre), voire même pouvoir les créer, leur donner une substance par sa simple présence, aller de l’une à l’autre, lentement, en changeant peu à peu le paysage autour de soi pour le rendre à chaque pas plus proche de celui que l’on souhaite rejoindre… Mais c’est juste brillant, comme concept ! Sans parler des Atouts, ou de la Marelle… Non, sérieusement, c’est brillant !
Corwin ! Le personnage principal, dont on ne sait pas si on doit l’aimer ou le déteste. C’est un personnage ambivalent, désabusé, presque (voire totalement) amoral, qui se soucie avant tout de ce qui peut jouer en sa faveur. Un maitre de la réflexion et de la joute verbale, capable de tromper son monde – et surtout sa famille oh combien dysfonctionnelle – avec une facilité qu’on en viendrait presque à lui envier. Bref, un personnage sombre, mais qu’on ne peut s’empêcher de bien aimer. Ne serait-ce que pour ces quelques preuves d’humanité qu’il a parfois…
Au niveau personnage, j’avoue également un léger faible pour Benedict, le spécialiste en arts de la guerre, et pour Julian, le chasseur perdu dans sa forêt… En revanche, léger bémol pour les personnages féminins, trop effacés.
Sinon, d'un point de vue intellectuel, j'ai beaucoup apprécié les intrigues qui se croisent, s'entrecroisent, se font et se défont, se modifient selon celui qui les raconte... La famille royale d'Ambre ne semble vivre (voire mourir) que pour les complots et les luttes de pouvoir...
La narration à la première personne. Qui fait qu’on découvre (ou redécouvre) Ambre et ses intrigues en même temps que Corwin. Et certains passages (les transitions entre les mondes, et la fin du tome 5, par exemple…) sont juste… prenants. Ça noue les tripes, c’est dingue. Et l'évolution morale de Corwin n'en est que plus intéressante, alors que l'on suit les moindres de ses pensées et de ses réflexions. Aussi, on ne voit pas le temps passer à la lecture, et on dévore les cinq tomes (250 pages en moyenne par tome) en un rien de temps, tellement on veut savoir comment tout ça va se terminer.
Ce que je n’ai pas (ou moins) aimé
Des personnages féminins trop effacés, donc, comme vu plus haut, même si elles ont un rôle indéniable et non négligeable pour l’intrigue… J’aurais aimé avoir plus d’informations sur certaines d’entre elles, Llewella, notamment.
La brièveté des tomes ? Ce cycle se lit décidément trop vite… Et à part ça je ne vois pas.
Sinon, je suppose que certaines personnes pourraient être déstabilisées par le manque de description du monde et de son fonctionnement. Il est vrai que Zelazny ne donne pas toute les clés de son monde, mais ça fait partie du jeu, vu que les personnages eux-mêmes ne sont pas au courant de toutes les subtilités d'Ambre et de son cortège d'Ombres. Après, je trouve personnellement que ça fait partie du jeu... Mais je conçois que ça puisse ne pas plaire à tout le monde.
Donc, au final, quel verdict ?
Un monde inventif, maitrisé, complexe, qui ne se dévoile que petit à petit, lui et les multiples intrigues et faux-semblants qu’il abrite. Bref, de la très bonne fantasy, et très certainement une valeur sûre. Foncez ! Et laissez-vous emporter en Ambre…
Mais encore ?
Pas grand chose, si ce n’est que les préquelles écrites pas Betancourt semble décidément de moins bonnes factures que l’œuvre originale. Hélas, n’est pas Zelazny qui veut...