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par Cryma - le 23/12/2013
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par Cryma - le 23/12/2013

La BD et les Arts Plastiques 1

S'il y a bien un domaine artistique qui est délaissé depuis pas mal de temps, c'est le domaine des Arts Plastiques.

Aujourd'hui, peu de personnes parviennent encore à s'extasier devant une toile de Picasso ou trouver une signification à une œuvre de Pollock. La peinture est bel et bien délaissée par toute une frange de la société et cela pour une raison très nette : Nos contemporains baignent bien souvent dans des œuvres empreintes, sinon d'une laideur aberrante, d'une insignifiance artistique marquée. La faute à qui ? La faute aux artistes qui ne savent plus capter le public ? La faute aux médias qui ne savent plus intéresser la populace ? Ou la faute au spectateur, qui ne sait plus regarder une toile pour ce qu'elle est avant tout: une beauté purement visuelle.


 

En tant que grand amateur d'art, je déplore totalement cette absence croissante d'intérêt de mes contemporains pour l'art ! Car sans les arts plastiques, il n'y aurait pas d'arts visuels tout court ! Il n y aurait pas de cinéma, pas de séries télévisées et surtout, pas de bandes dessinées !

Pourtant, les arts visuels se parlent, se répondent, dialoguent entre eux. Être sensible à une lumière, un trait, une composition ou des couleurs peut tout à fait s'apprendre par d'autres médias que les Arts Plastiques !


 

C'est pourquoi j'aimerais aujourd'hui tenter d'éveiller votre fibre artistique à l'aide de la bande-dessinée. Il n'est pas question ici d'aborder des BD qui ont su parler d'art ou narrer la vie d'un artiste, non non, il s'agit ici de créer des liens visuels entre des artistes de BD et des plasticiens célèbres. Il s'agit de vous permettre de comprendre pourquoi tel plasticien est un génie en vous le comparant à quelqu'un que vous connaissez et aimez.


 

Je travaillerai cet article en trois temps, d'abord les dessinateurs de Comics, ensuite les dessinateurs de Franco-belge, et enfin les dessinateurs de Manga.

Chaque plasticien abordé sera mis en lien avec une oeuvre particulière et (bien évidement) son dessinateur. Les comparaisons seront accompagnées d'un petit texte explicatif et de quelques visuels parlant.

 


 

John Everett Millais – Swamp Thing (Bissette)

Millais est l'un des plus beaux préraphaélites ! Ce mouvement britannique privilégiait le réalisme, le sens du détail et les couleurs vives. Dans les planches de Swamp Thing, c'est ce sens du détail qui ressort, ces nuances de couleurs osées et surtout, cette sensibilité du trait destiné à refléter le réalisme des scènes. On retrouve également dans les deux œuvres cette intention onirique et poétique. Une réalité, certes, mais une réalité fantasmée, presque décidée par l'artiste, qui s'encombre des détails et de la saturation, allant parfois jusqu'à transformer la végétation en une espèce de motif...

 

 

     

 


 

Francis Bacon – Un long Halloween (Sale)

Bacon est le maître quand il s'agit de représenter ce qui se trouve au plus profond de nos entrailles. Préconisant les portraits à l'ambiance sombre, glauque et torturée, Tim Sale le rejoint parfaitement dans son travail sur Batman. On y retrouve également cette délimitation des espaces très pragmatiques chez les deux artistes, définissant une pièce par ses simples contours, ne s'encombrant pas de la « dessiner » au sens strict du terme. Enfermant très souvent ses personnages dans des cages (réelles ou symboliques), Sale reprend la définition plastique de l'espace de bacon et de son symbolisme torturé.

 

  

 

 


 

Gustave Courbet – Killing Joke (Bolland)

Le réalisme des expressions, le détail du regard, la représentation des émotions négatives : la peur, la détresse, la folie, l'anxiété. C'est là tout le talent de ces deux grands artistes ! Afin de percer à jour les émotions des personnages, Courbet et Bolland préconisent des vues de face, guidant le spectateur vers le regard ainsi que vers les détails maniéristes de l'image : Les mains, la bouche, les cheveux en batailles... Une intention d'hyperréalisme et de subtilité relie les deux artistes, préférants sans doute capter les émotions du sujet avant de capter l'intention du spectateur.

 

  

  

 


 

Frank Stella – Batwoman (JH Williams III)

Deux artiste qui ont ceci en commun : Esthétiser l'incohérence et organiser le désordre. Un travail qui, dans les deux cas, se veut complètement paradoxal et pourtant d'une beauté sans nom. Varier les techniques, les textures, les motifs, les sensibilités et les allier sur une même image, tel un patchwork de leurs envies esthétiques. Les éléments ne sont dés lors plus raccords dans leur représentation mais bien dans leur organisation. Car c'est bien là le secret de ces deux génies de la composition : Organiser des éléments non-harmoniques de manière parfaite afin de leur donner une force d'expression et une signification particulière. Ainsi, l'absence de cohérence devient une force, une diversification plastique, une nouvelle harmonie créant un dynamisme incomparable.

 

 

 

 


 

Otto Dix – La Splendeur du Pingouin (Kudranski)

Une fascination pour la laideur et les formes « tordues » joue énormément dans les deux œuvres. Otto Dix a peint énormément de portraits boursouflés et/ou empreints d'une laideur atypique, sans doute dans le but de les nuancer et de leur rendre justice. Comme une espèce d'envie de capter ce qui rend les « freaks » si dérangeant et attrayants à la fois. Kudranski retrouve ce principe de « tordre » ses formes, de torturer ses visages, de capter l'essence même de la laideur pour mieux l'esthétiser. Toujours dans cette optique de nuancer, l'utilisation de couleurs détaillées et...nuancées (justement) permet un réalisme mais aussi un apport de sensibilité qui concorde avec le dessin. Les deux artistes font le choix d'une palette vive mais réaliste, d'une gamme de couleurs indirectes.

 

 

  

 


 

Eugène Delacroix - La mort de Superman (Jurgens)

Delacroix, c'est le torrent pictural, c'est le mouvement fort qui guide l'ensemble des éléments de la toile ! Comme si tous les éléments de l'image étaient entraînés dans un courant pour lui donner ce souffle épique et dynamique. Les fabuleuses planches représentant le combat de Superman (au corps à corps) ainsi que son trépas sont les dignes héritières de Delacroix ! Tout y est mouvement, tout y est épique ! L'ensemble des éléments représentés sont tous emportés dans une même direction, on a même parfois l'impression que les personnages luttent contre un vent de face. Toujours dans cette sensibilité romantique, nous retrouvons les sentiments acerbes (Loïs Lane pleurant Superman), magnifiés par l'environnement, comme si le décor, les vêtements et les traits pleuraient avec elle. Car c'est aussi ça le romantisme (notamment chez Delacroix), représenter les sentiments de manière exponentielle à l'aide de l'environnement complet, telle une allégorie ultime de l'émotion...

 

  

 

 


 

Edward Hopper – Kingdom Come (Ross)

Ce n'est pas un soucis de réalisme ou de détail que nous retrouvons chez ces deux artistes, c'est une chose plus simple et plus complexe à la fois : Capter le vrai ! Personne n'est jamais parvenu à expliciter ce qui rend les toiles de Hopper si sensibles, si vraies, si naturelles. Alex Ross possède, lui aussi, ce talent pour rendre les choses sensibles et vraies, nous donnant envie de les toucher comme si elles existaient. Les deux artistes ont su parfaitement représenter des personnes empreintes de vie. On les observe et on sent qu'elles existent, qu'elles ont une vie, une existence, un quotidien. Est-ce par la couleur ? La lumière si particulière ? Les poses statiques ? Cette impression que le protagoniste se fond avec son environnement ? Ou encore la vraisemblance des décors ? Tout cela à la fois sans doute, et c'est ce que l'on retrouve chez les deux artistes.

 

 

    

 


 

Pieter Bruegel l'Ancien – Top 10 (Gene Ha)

Dans les deux œuvres, nous retrouvons ce talent si particulier pour raconter des histoires. A travers ces toiles saturées de monde, de détails et de micro-événements, Bruegel peint des images où fourmillent la vie, le quotidien et l'insolite. Dans cette œuvre colossale qu'est Top 10, nous retrouvons parfaitement ce soucis de dépeindre un environnement dans ses moindres détails, le désir de raconter milles histoires par images et de caractériser parfaitement une situation de manière visuelle. Regarder une toile de Bruegel, c'est passer des heures à imaginer la vie des gens, à théoriser sur leurs intentions, à se narrer leurs aventures. Lire Top 10, c'est exactement pareil, nous avons le récit principal, et chaque personne, chaque référence, chaque apport visuel est une occasion de découvrir une existence, une situation, une histoire, une vie.

 

  

  

 


 

William Turner – 30 jours de nuit (Templesmith)

Tout se passe dans la sensibilité de la couleur, du trait et de leur fusion. Turner est considéré comme un précurseur de l’impressionnisme, en témoigne le travail de la lumière et des coloris. Chez lui, tout semble flotter dans une espèce de brouillard, rien n'est vraiment défini, on ne voit pas le décor, on le ressent. Chez Templesmith, nous retrouvons totalement cette capacité à sensibiliser ses environnements, à les faire exister sans les montrer, à noyer ses décors dans une brume de couleurs d'une incroyable nuance. Les deux artistes sont des maîtres lorsqu'il s'agit de créer une ambiance, une atmosphère, de montrer sans montrer, de ne rien concrétiser dans les environnements, de les laisser flotter dans une vapeur colorée afin de mieux nous y plonger.

 

 

 

 


 

DIE BRÜCKE – Hellboy (Mignola)

Ce mouvement expressionniste allemand (œuvrant notamment dans la gravure) fait preuve d'une force et d'un sens de la couleur encore jamais égalé ! Mignola les rejoints en cela, dans sa capacité expressionniste à ciseler ses formes, à simplifier ses images pour mieux les laisser s'exprimer. L'utilisation des noirs et des couleurs saturées est l'une des forces des deux œuvres ! Alliant une espèce de géométrisation plastique, une excellence dans la composition et une cohérence graphique exceptionnelle, les images sont empreintes d'une atmosphère, d'une exactitude et d'une expression brute assez incroyable !

 

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Le Caravage – La tour sombre (Jae Lee)

Énormément d'éléments relient ces deux artistes : Le travail impressionniste des couleurs, l'absence de décors et de profondeur, et surtout, l'utilisation magistrale du clair-obscur ! L'utilisation de l'ombre et la lumière a atteint une maîtrise presque parfaite sous le pinceau du Caravage, plongeant ses toiles dans une pénombre et une noirceur sans égales, instaurant ainsi des atmosphère lourdes et presque oniriques. Jae Lee est bel et bien le digne héritier de ce génie dans sa capacité à éclairer ses personnages, à les placer dans des environnement non définis, les mettant ainsi en valeur. Les deux artistes nous livrent ainsi des images à la fois légères (peu d'éléments) et pourtant bouchées (tons sombres, absence de profondeur), dans des compositions centrales iconiques et magistrales !

 

 

 

 


 

Sol Lewitte – Sin City (Miller)

Si il y a bien une notion essentielle dans l'art, c'est le rythme ! Que ce soit en musique ou en peinture, l'alternance du plein et du vide, c'est la base fondamentale de l'harmonie et de l'équilibre. Sol Lewitt a basé sa carrière sur l'étude de cette notion si importante. Ces toiles (ou fresques) sont abstraites et permettent une étude inédite de la rythmique qui fait exister l'équilibre pictural. Franck Miller, avec son travail sur Sin City, à atteint quant à lui une maîtrise encore jamais égalée en matière de rythme entre le noir et le blanc (pouvant ainsi être également comparé à Daniel Buren). La composition des pages ne repose que sur cela et l'excellence atteinte permet quelques unes des plus belles images de sa carrière. Plus accessible car figurative, l’œuvre de Miller est un superbe parallèle au travail de Lewitt, qui lui, travaille essentiellement l'abstraction.

 

 

 

 


 

Sandro Chia – Battling Boy (Paul Pope)

Cet artiste contemporain italien représente l'être humain sous ses aspects les plus charnels. Alliant des éléments protéiformes à des couleurs vives et saturées, la force et la dynamique de ses images rejoignent parfaitement le travail graphique de Paul Pope. Chez les deux artistes, chaque forme se veut organique, traitée de manière sensible, fluide et pulpeuse. Les images figuratives que créent ces personnages (créatures) tout en masses rondes et déliées s'approchent parfois de l'abstraction tant elles se fondent les unes dans les autres. Dans les images des deux artistes, rien n'est droit, la géométrisation n'y a pas sa place, la structure est présente mais non claire, les éléments ne s'organisent pas, ils grouillent. Une seule chose domine : la vie, le mouvement, l'organique.

 

 

  

 



 

Gustav klimt – The return of Bruce Wayn (Frazer Irving)

Les deux artistes se rejoignent sur beaucoup de points. En effet, dans leurs œuvres respectives, on retrouve l'utilisation du motifs à foison, l'amour et la précision du portrait, ou encore l’excellence des ambiances colorées. Artistes travaillants davantage par la forme que par le trait, leurs images sont structurées en zones différenciées par leur aspect. En effet, sur une même image, on retrouvera tantôt une zone traitée en aplat, tantôt une zone agrémentée de motifs et tantôt une zone matiériste. C'est ce mélange des techniques, des rendus, qui donnent toute leur force à ses images. Ajoutons à cela la prédominance du symbolisme, la récurrence des compositions centrales ainsi que l'absence occasionnelle de réalité physique et nous avons un parfait rapprochement entre les deux artistes.


  

   

 


 

Le Fauvisme – Watchmen (coloriste : John Higgins)

Ce mouvement artistique court et fulgurent est avant tout caractérisé par l'utilisation audacieuse des couleurs ! Usant de coloris Vifs, saturés et criards, combinant des chauds et des froids de manière osée, cassant complètement les harmonies colorées calmes de son époque. John Higgins a eu une idée de génie lorsqu'il décidé d'user de ces même concept pour représenter les ambiances nocturnes oppressantes de Watchmen. Nous retrouvons ainsi dans ce livre l'utilisation de couleurs vives, hyper-saturées et juxtaposées de manière totalement folles. Ce rendu donne une force exceptionnelle aux images, les rendant violentes et dynamiques. Pourtant, l'utilisation des couleurs fortes du fauvisme conserve son aspect évocateur et atmosphérique, mêlant habilement les coloris entre eux afin de plaire à nos yeux.

 

 

 

 


 

Franz Kline – Punk Rock Jesus (Sean Murphy)

Kline est l'un des grands représentant de l’expressionnisme abstrait, ce mouvement qui désirait s'exprimer par l'aspect purement visuel de la peinture. Lorsque on lit une œuvre de Sean Murphy (particulièrement en noir et blanc), on se rend vite compte que l'aspect visuel est presque plus important que ce qu'on y raconte. Cela est dû à la force évocatrice et expressionniste qu'il parvient à infliger à ses planches. Son trait est incisif, vif, dynamique, d'un noir intense, nerveux, rejoignant en cela parfaitement Kline. Car ces deux artistes enragés, c'est avant tout la dominance du trait, la puissance du geste, le rapport de force entre un fond blanc et une trace noire, l'évocation d'une composition et la signification d'une expression !

 

 

 


 

A bientôt pour le franco-belge !

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