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par Cryma - le 1/03/2014
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par Cryma - le 1/03/2014

Jazz and Cases 7 : INTERLUDE : Ces dames qui donnent de la voix

De 1940 à...aujourd'hui : Le Jazz n'appartient pas qu'aux hommes !

Si être noir dans les années 30 n'était pas une promenade de santé, être une femme noire était bien pire ! Il est toutefois à noter que les communautés de l'époque, blanches ou noires, bien qu'encore machistes, n'ont pas hésité à mettre en avant le talent de quelques figures féminine, et encore davantage dans le Jazz qu'ailleurs. Ainsi, nous avons pu nous bercer des voix (inédites pour l'époque) décontractées, parfois abîmées, souvent habitées. Ces interprètes exceptionnelles ont su, chacune à leur manière, transmettre la souffrance de leur condition mais aussi toute la beauté de la vie et l'insouciance propre à la communauté noire et sa musique. Des femmes au parcours souvent tragique mais passionant, reflet de leur époque. Dans le monde de la BD, la révolution » féminine s'est réalisée bien plus tardivement, notamment dans les années 70 avec plusieurs mouvement féministes et homosexuels aux états-unis, mais également en Europe, un peu plus tardivement, avec des auteure d'une grande sensibilité, petit tour d'horizon par associations.

 


 

BILLIE HOLIDAY (associée à TRINA ROBBINS)

Cette jeune fille de Baltimore n'a pas eu une vie facile, elle n'aura d'ailleurs de cesse de déformer la réalité, réécrivant sa propre histoire, l'idéalisant souvent. Enfermé en prison en 1928 pour prostitution, elle est repérée à sa sortie et travaillera avec Benny Goodman (voir articles précédents). Elle se liera d'amitié avec Lester Young (pareil) et réalisera plusieurs tournées à ses côtés. En 1935, elle accède à une renommée sans équivalent à l'époque, travaillant avec Ellington. Le succès (qu'elle ne contrôle pas) la pousse à consommer de plus en plus d'alcool et à enchaîner les liaisons, surtout homosexuelles (on la surnommera à cette époque « Mister Holiday »), très mal vues à l'époque. En 1939, elle interprète le fameux « Strange Fruit », texte-métaphore du lynchage des noires à cette époque (pendus et lapidés, on les laissait agoniser jusqu'à la mort), fait qui la touche tout particulièrement, ayant perdu un membre de sa famille de cette façon. Elle enchaîne avec « Gloomy Sunday », une chanson sur le suicide, bref, elle n'est pas au mieux de sa forme. Les années passent et Billie enchaîne les succès, mais elle enchaîne aussi les substances, d'abord de l'opium, puis de la cocaïne. Elle dira à cette époque qu'elle est « l'esclave noire » la mieux payée du moment, riche mais privée de toute liberté. Dans les années 40, elle fait à nouveau de la prison et se voit retirer son permis de travail, mais les années 50 renouent avec l'espoir et Billie réalise un vieux rêve : une tournée en Europe. Elle enchaînera alors les cures de désintoxication, sans succès. 1959 voit le crépuscule d'une voix d'or, toujours alcoolique et atteinte d'une cirrhose avancée, s’ajouteront des œdèmes et une insuffisance rénale qui l'emporteront pendant l'été. Elle est aujourd'hui adulée pour sa voix unique, aux phrasés décontractés et swinguant, qui a su, malgré son manque de puissance, exister grâce à son incarnation sans pareil. Voici donc son magnifique « Strange Fruit » : http://www.youtube.com/watch?v=Web007rzSOI . Trina Robbins est sans doute l'une des auteure de comics underground les plus connues, notamment pour son engagement auprès des communautés homosexuelles, dont elle fait partie. Elle créera, dans les années 70, un magazine uniquement dessiné par des femmes. Elle possède un style très glamour mais empreint d'une vraie force de caractère qui sied parfaitement à Holiday.

 

  

 


 

SARAH VAUGHAN (associée à MARJANE SATRAPI)

Issue d'une formation religieuse, elle est non seulement chanteuse mais également pianiste de talent. Elle sera vite repérée par Ella Fitzgerald (ci-dessous) ainsi que par Earl Hines (articles précédents). Influencée par Parker et Gillespie, elle enregistre une superbe version de « A Night In Tunisia » en 1944. Elle travaillera avec les plus grands, alternant disques commerciaux (chez Mercury) et projets plus artistiques avec des musiciens comme Clifford Brown (...) ou Count Basie (...). Elle est l'une des première artiste féminine à revendiqué son autonomie artistique et signe, en 1982, un album très personnel où elle parviendra à maîtriser toutes les étapes de la création, choisissant les musiciens, les arrangements et même la pochette, cet album mythique se nomme « Crazy and Mixed Up ». Son style est assez unique tant elle possède une voix extrêmement modulable, pouvant se permettre des sauts de registre d'une amplitude rare, modifiant constamment le volume et le dosage. Elle est aujourd'hui présentée comme la meilleure chanteuse de Bebop, pouvant faire preuve d'improvisations plus belles les unes que les autres, osant également l'humour et la performance, qui la porteront aux nues et feront d'elle l'une des meilleures chanteuses de Scat, aux côtés de Fitzgerald. Le choix fût rude afin de vous remplir les oreilles de sa maestra, sa fougue et sa liberté artistique, mon choix s'est finalement porté sur « Tenderly », à regarder autant qu'à écouter : http://www.youtube.com/watch?v=qNi6M_A9AzU . De par son besoin de liberté et sa force créatrice, complètement autonome, Marjane Satrapi est la digne héritière de Vaughan en matière de bande-dessinée. De plus, son style épuré, aéré et simple sans être simpliste porte parfaitement les variations subtiles du génie de Vaughan.

 

  

 



ELLA FITZGERALD (associée à ROY THOMAS)

D'abord connue sous le surnom « The First Lady of Swing », Ella Fitzgerald a bien plus d'une corde à son arc. Elle sera vite reconnue à sa juste valeur (et quelle valeur!) pour son talent d'improvisation, notamment en Scat, mais surtout pour la pureté de sa voix, répartie sur trois octaves. Très vite livrée à elle-même, un père presque inconnu et une mère décédée trop tôt, elle réalise plusieurs concours musicaux et s'y fait vite repérer. Dans les années 30, elle accompagne un orchestre de swing, livrant quelques unes des ses meilleures performances, l'orchestre reprendra d'ailleurs son nom à la mort de Chick Webb, le fondateur. Elle entame une carrière solo dans les années 40, luttant sans cesse contre la discrimination et le machisme ambiant, mais surtout la discrimination... Elle se fait un véritable nom en se diversifiant à une vitesse folle, elle enchaîne ainsi des prestations qui mélangent Swing, Scat, Bebop et imitations, notamment celle, fameuse, de Louis Armstrong (...). Elle se verra récompensée de son talent, notamment grâce à une très belle entraide féminine de la part de Maryline Monroe, qui la fit (enfin) entrée au Mocambo Club, jurant d'être présente tous les soirs où Fitzgerald chanterait. Elle interprète des chansons écrites par les plus grands, parmi eux se distinguent George Gershwin, Cole Porter et Duke Ellinghton. Elle n'est dés lors plus « simple » chanteuse mais bien « Instrumentaliste de la voix », se issant aussi haut que les plus grands solistes de l'époque, fait exceptionnel pour une demoiselle. Elle réalise alors un album de duo avec Armstrong qui fera date et poursuit une carrière incroyable. La fin de sa vie sera moins belle, aveugle et amputée des deux jambes à cause de son diabète, l'image qu'elle laisse est celle d'une femme forte, ayant lutter sans cesse pour s'émanciper de sa condition, représentante de premier plan de sa communauté (qu'elle soit afro-américaine ou féminine), et chanteuses virtuose. Elle est reconnue aujourd'hui pour son agilité vocale, sa facilité pour le scat (sa seule et unique rivale sera d'ailleurs Vaughan), et sa compréhension ahurissante des intensions rythmiques des compositeurs de l'époque. Faire un choix de ses interprétation fût une tâche ardue mais j'ai finalement opté pour un morceau clair qui permet de comprendre facilement son génie et son talent, notamment pour le scat, «You'd be so nice to come home to » : http://www.youtube.com/watch?v=DqxpyA07e0A . En matière de comics, j'ai choisi Thomas pour deux raisons, tout d'abord c'est un homme qui s'est battu toute sa vie pour exercé son métier, débutant dans un fanzine qu'il envoyait lui-même aux éditeurs, il travaillera pour Mort Weisinger, réputé pour son attitude hautaine envers les stagiaires, il quitte alors ce dernier et déjeune avec un certain Stan Lee. Engagé chez Marvel vers 1965, il assimile très vite la méthode de travail et devient l'un des piliers de l'éditeur, connaissant l'univers de ce dernier comme personne. Bref, un réel autodidacte doté d'une incroyable force de caractère, comme la « First Lady ». Mais Thomas, c'est aussi le créateur de Carol Danvers (Alias Miss Marvel), qui est souvent considérée comme l'une des premières vraies féministes de l'univers Marvel. Le personnage sera d'ailleurs caractérisé comme tel puisqu'elle sera rédactrice de « Woman » et renvoyé à cause d'une ligné éditrice trop féministe.

 

  

 



NINA SIMONE (associée à DENNIS O'NEIL)

Je termine cet article avec, pour moi, la grande dame parmi les grandes dames, j'ai nommé Nina Simone ! Pianiste, chanteuse, compositrice et militante, Simone est l'une des incarnation majeure du monde du Jazz. Se destinant à une carrière de pianiste classique, les préjugés de l'époque auront raison de son ambition (dans un premier temps) et la pousseront vers un répertoire plus «noir » ancré dans le blues et le gospel. Son style, fusionnant gospel et classique fera date dans le monde de la musique. Plutôt discrète dans les années 50, sa prise de position politique et sa véritable force de caractère vont lui apporter une véritable visibilité. En 1964, elle sort un album où elle aborde véritablement la question de l'inégalité raciale, qui sera d'ailleurs boycotté dans plusieurs états du sud. Elle choisit, après cet album, de poursuivre son combat et ses choix artistiques seront dés lors de plus en plus marqués par ses engagements politiques. Elle prend la paroles et joue dans plusieurs réunions publiques, s'opposant à Martin Luther King et préconisant une « révolution par la violence ». Elle exécute une reprise de la chanson « Strange fruit » de Holiday (...) en 1965 et chante plusieurs poèmes sur le thème de l’absence de fierté de la femme noire et ses stéréotypes. Ces chansons sont interdites sur plusieurs radios car jugées comme racistes. A la mort de Luther King, elle calme un peu le jeu et lui rend hommage avec son titre « Why ? ». Les années 70 marquent une pause dans sa carrière musicale, tentant quelques incursions plus undergrounds qui ne seront ni saluées par le public ni par les critiques. En 1978, elle est arrêtée pour sa manifestation très personnelle contre la guerre du Vietnam (elle a refusé de payer ses impôts pendant trois ans) mais est vite relâchée. En 1987, elle renoue avec le succès et un très bon album live enregistré à Londres. Elle termine sa vie en France, restreint fortement ses apparitions publiques et décède en 2003 à son domicile. Son enterrement est l'occasion de lui rendre un sincère hommage pour son engagement politique et philosophique, et de souligné son génie et son talent artistique. Ses cendres, selon sa volonté profonde, ont été dispersées dans plusieurs pays africains. Aujourd'hui, Nina Simone est reconnue pour sa carrière artistique où elle véritablement innové l'image de la femme noire par son indépendance artistique. Nombre de ses morceaux sont des compositions et des mélodies personnelles, mais aussi quelques reprises savamment choisies (Billie Holiday ou Jacques Brel par exemple). Elle fut très souvent reprise à son tour, notamment « Don't Let Me Be Misunderstood », choix que feront des artistes comme The Animals, Bob Dylan, Common ou Lil Wayne, bien conscients du symbolisme de cette grande dame. Elle est artistiquement très estimée pour la diversité de ses choix musicaux, passant du gospel au blues, du Jazz au Folk, du classique au contemporain. Elle est connue pour son jeu de scène, alliant chant et piano, mais aussi monologues et dialogues avec le public, et une utilisation géniale du silence comme élément musical, qu'elle qualifie d'  « hypnose de masse ». Je n'ai pas pu faire de choix devant tant de morceaux importants de son répertoire, mais je suis finalement parvenu à me restreindre à deux immanquables : Cité plus haut, «  Don't Let Me Be Misunderstood » est juste une pure merveille : http://www.youtube.com/watch?v=9ckv6-yhnIY . Mais le morceau qui me galvanise littéralement, qui me fait voir les étoiles et qui me met en transe, c'est « Sinnerman » à écouter en entier et plusieurs fois, et fort ! (j'en ai des frissons à chaque fois) : http://www.youtube.com/watch?v=QH3Fx41Jpl4 . Je finirai simplement par citer quelque artistes qui se revendiques de Simone, et plus particulièrement de ce morceau, parmi eux nous retrouvons Cat Stevens, John Lennon, Janis Joplin, David Bowie, Jeff Buckley et Muse. (Vous le sentez le favoritisme?). En 1970 est publiée une véritable bombe du comics, c'est signé O'neil, et c'est Green Arrow/Green Lantern. Une série, qui pour la première fois, mettra en lumière les oubliés de la société. Ce comics a véritablement révolutionner le média à son époque, et il fallait au moins ça pour illustrer Nina Simone. Plusieurs problèmes y sont intelligemment traités, comme le racisme, l'écologie ou la drogue, il s'agit tout simplement d'un travail complètement inédit pour l'époque et déjà très mature. A n'en pas douter, cette parution participera énormément aux directions futures, matures, sombre et désenchantées, que prendront les comics des années 80, pour notre plus grand bonheur.

 

  

 


A suivre...

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