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par Cryma - le 3/11/2013
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par Cryma - le 3/11/2013

Lis tes ratures !

Les grands thèmes de la littérature dans la bande dessinée

 

La littérature c'est essentiel ! Vous n'allez pas me contredire. Tout amateur de bande-dessinée est avant tout un littéraire. Mais lire certains classiques de la littérature s'avère parfois difficile lorsqu'on se voit découragé par un pavé de 800 pages, ou que l'on a pas à cœur d'accompagner sa lecture avec un dictionnaire d'ancien français. Les lire reste cependant essentiel car une plume reste une plume, mais il est possible de réaliser quelques lectures bédéhesques qui permettent un complément d'interpretation ainsi que quelques clés de compréhension !

 

Je ne vous présenterai cependant pas des « adaptations » de classiques littéraires car lire deux fois la même œuvre n'est pas aussi enrichissant que de lire diverses œuvres traitant de mêmes sujets. Car ce qui compte dans l'appréhension d'un texte ou d'une idée, c'est avant tout de trouver des corrélations entre différents médias ! Et la BD est constamment nourrie par la littérature ! Voyez plutôt ces quelques exemples...

 


 

 

Sa majesté des mouches (William Golding)          /           Seuls (Vehlmann – Gazzoti)

Le lien sera vite fait ! Lord of Fly raconte le calvaire d'une communauté d'enfants essayant de recréer un semblant de société après le crache de leur avion sur une île déserte et la mort de tous les adultes qui les accompagnaient. Nombre de liens sont possibles avec la BD de Vahlmann, ainsi, nous retrouverons l'idée de « clans » ainsi que l'envie de communautarisme face a une crise. Mais bien vite, dans les deux œuvres, « le vernis craque, la fragile société vole en éclats et laisse peu à peu la place à une organisation tribale, sauvage et violente bâtie autour d'un chef charismatique et d'une religion rudimentaire. Offrandes sacrificielles, chasse à l'homme, guerres sanglantes : la civilisation disparaît au profit d'un retour à un état proche de l'animal que les enfants les plus fragiles ou les plus raisonnables paient de leur existence. » (Wikipédia – Sa majesté des mouches).

 

     

 


 

 

Moby Dick (Herman Melville)         /          Esteban (Bonhomme)

Ici encore, le lien est très simple à réaliser ! Il est très probable que l'une des inspirations première de Bonhomme lorsqu'il entreprit Esteban était Melville himself ! Ainsi, nous pouvons relier des thèmes majeurs comme la chasse à la baleine, la narration du point de vue de la jeune recrue, le vieux briscard qui vit une relation très particulière avec les cétacés...la liste serait longue ! Mais tout l'intérêt de ces œuvres, c'est lorsque les auteurs traitent de sujets sous-jacents comme l'isolation, la folie, la quête, l'obstination ou encore l'honneur. Ainsi Achab s'est persuadé toutes ces années qu'il devait livrer un combat personnel avec la baleine, là ou Esteban livrera sans cesse un combat avec la nature. Car la beauté du texte de Melville est avant tout ce qui lie l'homme à la nature sauvage, cette soif de découverte mais aussi de civiliser la partie sauvage du monde et de nous même, tous ces sujets que l'on retrouve dans Esteban !

 

  

 


 

L'attrape coeur (Salinger)         /         Asterios Polyp (Mazzuchelli)

Ce qui frappe avant tout dans les deux œuvres, c'est la vision très (trop) manichéenne du monde qui entoure le personnage au commencement de son histoire. Caulfield et Polyp sont tout deux des êtres quelque peu cyniques, croyants savoir beaucoup de choses et ne se posant pas assez de questions. La différence majeure étant que Caulfield possède l'excuse de l'âge (il est ado) alors que Polyp a déjà une vision très avisée de l'existence. Les deux textes (chefs d’œuvres de concision, d'écriture et de beauté épurée tous les deux) nous rappellent qu'il faut, avant de vivre sa vie, y trouver un sens et/ou un but. Ainsi, au cours de l'histoire, chacun de nos deux protagonistes changeront leur point de vue (souvent par le discours d'une tierce personne) et la situation finale s'éloignera de la situation initiale mais dans une mesure très réaliste d'une existence humaine. Et c'est là toute la force des deux œuvres.

 

  

 


 

L'étranger (Camus)        /         Gantz (Hiroya Oku)

Prenons d'abord les protagonistes : chez Camus, nous avons à faire à Meursault, déconnecté de la réalité et très peu concerné par le sors d'autrui (en témoigne son absence de réaction face à la mort de sa mère). Chez Oku, nous avons à faire à Kei, adolescent cynique et égoïste. Dés lors, les parallèles entre les œuvres affluent ! Ainsi, les personnages subiront davantage qu'ils agiront, ils feront des rencontres importantes, l'amitié tiendra d'ailleurs une place importante dans les deux textes. Mais ce qui rapproche surtout les deux œuvres, c'est ce principe d'emprisonnement ! L'emprisonnement physique d'abord (Meursault ira en prison et il le sait / Kei se retrouve enfermé dans cette chambre avec la sphère) mais surtout un emprisonnement psychologique (Camus nous livre un personnage prisonnier de son existence, il le mettra d'ailleurs en lien avec un autre de ses livres traitant du Mythe de Sisyphe que nous connaissons tous) quand Oku nous dépeint un protagoniste prisonnier dans une mission qui lui semble dénouée de sens (métaphore de l'existence humaine dépeinte par Camus?). Enfin, les œuvres feront référence au principe « d'étranger », non pas un étranger territorial, mais bien un étranger de ce monde et de ses préoccupations, un fantôme en quelque sorte (que Camus métaphorisera quand Gantz sera plus explicite en abordant le principe d’ectoplasme).

 

  

 


 

Le Horla (Maupassant)         /         Monster (Urasawa)

Difficile de comparer les deux œuvres sur le contenant (l'une est une nouvelle, l'autre un texte fleuve de 18 volumes) mais bien plus aisé de les comparer sur le contenu ! Et un contenu si riche qu'il serait ici difficile de l'aborder dans sa totalité. Concentrons-nous alors sur le thème majeur des deux « livres » : le monstre. Il est facile de parler d'un monstre (la créature) mais il est plus ardu de parler du monstre qui nous habite. Cet espèce d'être maléfique qui nous pousse à commettre certains actes, cette pulsion de mort et de destruction qui nous habite tous. Les auteurs excellent à nous les retransmettre, Maupassant dans un style plus intériorisé (le monstre habite avec lui, le côtoie au quotidien), Urasawa dans un style plus grandiloquent (Le monstre hante le héros à travers plusieurs territoires mentaux et physiques). Une autre différence est que Maupassant joue très vite sur la dichotomie « Menace externe et monstre interne » quand Urasawa installe d'abord une réelle menace externe (qui existe physiquement) pour nous interroger sur la véracité de cette menace de manière ponctuelle dans l’œuvre. Mais ce qui relie les deux texte de manière flagrante, c'est surtout le fait que ce sont les protagonistes même qui créent leur monstre (Maupassant aborde une démarche psychologique et Urasawa utilise une démarche...médicale en opérant Johan).

 

  

 


 

Crime et châtiments (Dostoïevski)        /        Le samouraï Bambou (Issaï Eifuku)

Deux œuvres tellement complexe qu'il serait difficile d'en aborder toute l'étendue en quelque lignes. Crime et châtiment nous conte l'histoire d'un meurtre et d'un meurtrier, de son acte et sa culpabilité, et, enfin, de son châtiment. Le samouraï bambou aborde quant à lui le principe de rédemption, de regrets et de punition. Car ce qui rapproche les deux textes, c'est bien cette « rédemption » qui s'oppose à ce « châtiment ». Les deux protagonistes, tout deux criminels, chercheront la rédemption quand ils ne trouveront qu'un « châtiment ». Ce qui rapproche encore les œuvres, et à plus d'un titre, ce sont leurs sujets sous-jacents. Ainsi, les deux livres aborderont des thèmes comme la charité, la vie en société, le rapport au culte, les dépendances, la politique et même l'amour à travers une riche galerie de personnages secondaires. Les œuvres sont extrêmement proches, au point que l'on pourrait se priver de l'une en ayant lu l'autre...Mais cela serait quand même bien triste.

 

  

 


 

Le Comte de Monte-Cristo (Dumas)       /        V for Vendetta (Moore – Lloyd)

Ici, le rapprochement est vite fait : La vengeance ! Les deux héros ont été bafoués et recherchent la vengeance à travers un plan extrêmement bien construit et une attitude de Dandy. Mais les œuvres seraient bien pauvres si elle ne parlaient que de « vendetta ». L'autre thème majeure des deux textes (et qui prime sans doute sur le thème principal) est le rapport au pouvoir et à la politique des deux auteurs. Le parallèle est d'autant plus intéressant que les deux écrivains sont d'époque et de nationalité différentes ! Là où Dumas désignera très précisément le régime auquel il s'attaque (Le Bonapartisme), Moore la jouera plus nuancé en inventant un régime totalitaire aseptisé (qui nous fera penser à Orwell mais qui tire sans doute son influence de Tatcher). Les deux livres trouvent encore un écho sur ce qu'ils « enseignent » dans leurs conclusions, en interrogeant le fait de faire justice soi-même, voire de se substituer à Dieu (ou un pouvoir supérieur quelconque). Deux œuvres d'une force folle qu'il faut avoir lu !

 

  

 


 

Le mythe de Cthulhu (Lovecraft)      /        Hellboy (Mignola)

Le mythe de Cthullu n'est pas un roman à proprement parler mais bien un ensemble d’œuvres de l'écrivain regroupées sous ce titre par  August Derleth. Hellboy, tout le monde le connaît grâce au cinéma, mais, bien que Del Toro ait su retranscrire l'ambiance générale du comics, il a laissé de côté tout l'aspect mythologique de l’œuvre, laissant la lecture du matériaux original aussi indispensable qu'avant les films ! Car c'est bien ça qui relie les deux œuvres, mieux qu'un univers proche ou qu'un héritage lovecraftien intelligemment utilisé, c'est le MYTHE qui alimente les textes ! Le mythe, les légendes, le monde que nous ne voyons pas mais qui nous hante, cet univers qui nous caricature et qui alimente notre imaginaire et nos peurs ! Ce qui enrichit les œuvres, c'est cette insignifiance de l'homme face aux horreurs qu'il ne peut comprendre. C'est ce feu qui brûlera nos ailes si l'on s'en approche trop, car les univers fantastiques de chaque auteur qui côtoient notre monde ont ceci en commun : ils sont lointains et trop proches à la fois. Il alimentent l'imaginaire tout en attaquant la raison. Ils constituent tous deux un superbe bestiaire basé sur des règles plausibles. Les deux œuvres sont davantage que de la fiction tant elles sont bien construites, elles sont des mondes possédant leurs propres règles... et entrant en conflit avec les nôtres.

 

 

  

 


 

Je m'arrête là pour aujourd'hui, mais d'autres articles sur le même thème suivront, avec d'autres oeuvres.

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