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par Cryma - le 25/01/2014
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par Cryma - le 25/01/2014

Philosophilactères 2

Petit à petit, l'oiseau fait son Nietszche (ou le gai pinson face au gai savoir)

 

Aujourd'hui je m'attaque à un gros morceau ! « Le gai savoir » de Nietzsche.

Il ne s'agit pas d'une œuvre colossale à proprement parler, sa taille n'est d'ailleurs pas énorme (400 pages environs), mais son importance provient surtout de trois faits majeurs :

- Elle est un condensé de toute la pensée de Nietzsche en un seul bouquin.

- Elle a eu une influence énorme sur l'histoire de la philosophie.

- Elle est une parfaite introduction au « Zarathoustra » du même auteur.

Le livre se divise en quatre « sections » abordant chacune un sujet bien défini. Plutôt que de parler de l’œuvre de manière générale, j'ai pris la décision d'aborder chaque partie individuellement.

Sinon, le concept reste le même : Je mets en lien 3 bandes dessinées avec chacune des sections.

 


 

Le gai savoir LIVRE 1 – (Switch Girl / Le petit Spirou / Les nombrils)

Le livre 1 traite essentiellement de la morale. Non pas d'une morale religieuse comme on la rencontre souvent (dichotomie du bien et du mal, mise en valeur de la vertu, diabolisation des péchés...), mais bien d'une sorte d'éthique inscrite dans le subconscient de la société. Nietzsche y explique que les règles communes étouffent littéralement les instincts (qu'il juge nobles) de l'individu dans son subconscient « sauvage ». Il étaie son propos à travers des exemples d'activités sociales qui brident notre créativité ou notre liberté (comme le travail, la bienséance, ou encore l'absence d'égoïsme). Enfin, il aborde d'un point de vue anthropologique le contraste qu'il existe entre l'animal sauvage (qu'il encense) et l'animal du troupeau (qu'il fustige).

 

Switch Girl (Natsumi Aida)

Si il y a bien un endroit au monde où la théorie de Nietzsche peut être vérifiée, c'est le Japon. Quel autre pays est parvenu à davantage brider sa population et lui imposer des règles immuables de vie en société ? Le manga Switch Girl aborde parfaitement ce thème au travers d'une lycéenne qui se « déguise » littéralement en jeune fille modèle quand elle se trouve en société (son mode « On ») et, parallèlement, vis une vie de débauche et de crasses une fois dans son cercle privé (son mode « Off »). A ce stade de l'histoire, on pourrait penser que les propos du philosophe sont abordés mais remis en questions. Là où le manga s'inscrit davantage dans la thèse nietzschéenne, c'est lorsque une tierce personne (Le love interest de l'héroïne) va non seulement s'intéresser à elle pour ce qu'elle est, mais surtout la percer à jour dans son mode « off » et réellement mettre en exergue ce principe de « l'animal du troupeau retournant à la vie sauvage ». S'en suit un manga bourré d'humour qui traite son sujet de manière réfléchie et constituant ainsi une approche innovante de la philosophie nietzschéenne.

 

Le petit Spirou (Tome-Janry)

Ici la dichotomie de l'éthique nietzschéenne est abordée par l'opposition qu'il existe entre le monde des adultes et le monde des enfants. Car, à travers des histoires rigolotes et nostalgiques, c'est une véritable remise en question de ce qu'on appelle communément « les bonnes manières » que nous livre cette œuvre. Les auteurs utilisent la « naïveté » de l'enfance pour traiter une démarche chère à Nietzsche, à savoir : Dénoncer les illusions de l'homme sur lui-même, rechercher la vérité et la démystification comme moteur de l'existence. Nous verrons ainsi, à travers plusieurs planches, la remise en question des valeurs des adultes, ainsi que la désacralisation de leur rôle dans la société (l'abbé n'est pas un modèle de vertu, le professeur de gym ne possède pas l'esprit Coubertin, la vieillesse n'est pas la sagesse...). Le petit Spirou, c'est littéralement un exercice de démystification symbolique dans un monde de faux semblants et de rôles vertueux usurpés.

 

Les nombrils (Dubuc-Delaf)

Quel petit bijou que cette bande dessinée. Au delà de ses apparences très « girly » (sujet oblige) et superficielles, cette bande dessinée à tellement plus à offrir ! Car contrairement à ces émules (Les sisters pour ne pas la citer...), l’œuvre aborde toute une série de sujets plus nietzschéens les uns que les autres. Ainsi, nous retrouvons un concept clé du philosophe (souvent décrié d'ailleurs) : « La société valorise la faiblesse, et a inventé la pitié pour se protéger des puissants ». Cette approche, très cynique, du monde moderne était vérifiable au temps de Nietzsche et l'est encore aujourd'hui ! Dans cette bande dessinée, nous la retrouvons à travers plusieurs exemples comme les réactions de Karine dont la seule arme pour vivre en société est la demande de pitié, même inconsciente (à travers ses regards, ses habits...), nous la retrouvons également dans la « franchise » exacerbée ainsi que l'égocentrisme extrême de ses "amies", sans doute vue comme négative par la majorité mais prônées comme une délivrance par Nietzsche. Les valeurs nietzschéennes comme la fierté, la franchise, le cynisme et l'absence d'empathie sont ici utilisées d'abord dans le but de caractériser les personnages, et sont ensuite détournées pour mieux prouver leur valeur. Ainsi, le personnage de Vicky, démarrant l'histoire en tant qu'animal sauvage (pour user des mots du philosophe), sans contraintes apparentes ni écrasement de la société (si ce n'est la mode, que l'on peut voir comme une forme d'art chez Nietzsche mais je n'en suis pas certain), va peu à peu rejoindre le troupeau et va devoir refréner ses instincts nobles (Elle se confrontera aux jugements de sa sœur, représentante de la doctrine de masse. Elle prendra peur lorsqu'elle découvrira son homosexualité et tentera de la refréner, accablée par le jugement de la société qu'elle appréhende...).

 

  

 


 

Le gai savoir LIVRE 2 – (Germain et nous / Le combat ordinaire / Punk Rock Jesus)

Le livre 2 s'attarde sur trois grandes réflexions : Les femmes, l'art et le rapport entre vérité et réalité. Je n'aborderai pas le premier thème car je ne le juge plus du tout « à propos » dans notre société moderne où le sexe féminin à su maintes fois prouver sa valeur.

J'aborderai par contre les 2 autres thèmes. Nietzsche rattache l'art à la vérité, non pas une vérité basée sur le matérialisme d’Épicure, non pas une vérité basée sur l'idéalisme platonicien et encore moins une vérité basée sur le stoïcisme grec. Ce que Nietzsche appelle Vérité, réalité et, par déduction, art, c'est avant tout son principe de Morale. La morale nietzschéenne, que vous pouvez retrouver dans « Zarathoustra », est avant tout une recherche de puissance, un cheminement que doit exécuter le fameux « surhomme » afin de sauver l'humanité. Cette « morale », cette « vérité », l'homme la retrouvera non pas dans la nature ni dans les idées, mais bien dans lui-même, dans son instinct, dans sa vérité intrinsèque. « Chassez le naturel, il revient au galop » dit-on, Nietzsche se permet d'y ajouter « Il revient au galop et faites-en quelque chose ! » Il est facile dés lors de comprendre l'approche de Nietzsche à l'art, il le voit comme une réponse provenant de l'instinct noble (on y revient) de l'homme «civilisé » qui lui permettra d'exprimer sa sauvagerie dans tout ce qu'elle a de salutaire. L'art comme éloignement de la société, l'art comme sublimation de l'être humain, l'art comme réponse et vérité au salut de l'humanité, et dés lors, l'art comme vérité face aux mensonges de la vie en société.

 

Germain et nous (Janin-Culliford)

Cette bande dessinée n'est pas très connue mais possède énormément de réflexions passionnantes sur l'art, et en particulier la musique. Ainsi, nous retrouvons une galerie de personnages qui illustrent parfaitement la dichotomie nietzschéenne entre « Troupeau » et « sauvagerie », des jeunes des années 80 étouffés par leur rapport à la société et libérés par leur rapport à la musique. Nous avons Calorine (et non Caroline), jeune fille boulimique (Troupeau) et groupie à son heure (instinct sauvage). Nous avons François-Patrice, obsédé par ses boutons (Troupeau) et pourtant dragueur invétéré (instinct sauvage, oui, l'amour est un art. Voir « l'art d'aimer » dans mon prochain article). Nous avons Gary-Tom, fils de bonne famille (Troupeau) qui rêve de devenir une Rock-Star (instinct sauvage). Ou encore Pilou, dont le père est le prototype du beauf (troupeau) et lui un collectionneur de disques (Instinct sauvage). On pourrait résumer cette BD comme une galerie de personnages « Zarathoustrains » qui s'opposeront sans cesse aux dogmes de la société ou remettrons leurs propres valeurs en question, s'appuyant pour cela sur l'art, la musique plus particulièrement.

 

Le combat ordinaire (Manu Larcenet)

A la question : « L'art peut-il changer les choses ? », Manu Larcenet réponds « oui ». Chef d'oeuvre de la BD moderne, le combat nous raconte une partie de la vie de Marco, photographe névrosé confronté à plusieurs épreuves douloureuses. L'histoire débute par un artiste ayant perdu l'envie de se battre, ce surhomme nietzschéen, ayant par le passé trouvé un sens à son existence et son combat à travers l'art, n'est plus que l'ombre de lui-même. Nous suivons ici le cheminement inverse des œuvres précédentes, Marco était sauvage par le passé et s'est laissé rattraper par l'étouffement du troupeau (Psychanalyses, tentatives ratées de retrouver son instinct avec son frère, confrontation aux problèmes financiers de ses parents...). Le héros ne se libérera plus grâce à l'art, ayant stoppé sa production photographique. Mais bientôt, Marco va entreprendre, sans le savoir, un cheminement d'élévation spirituelle vers un nouvel idéal : Licencié et donc libre, il tentera de s’apaiser par de longues promenades dans la nature, faisant la rencontre d'une figure messianique (presque Zarathoustra lui-même) qui remplira son rôle de guide et de sauveur de l'humanité. On se rendra compte que ce Zarathoustra en question n'est pas forcément un homme vertueux, ce qui rejoint parfaitement le « messie » nietzschéen. Il fera également la connaissance d'Émilie, qui, dans son rôle de muse, élèvera à nouveau la conscience de Marco par le biais de la photographie (et donc de l'art).

 

Punk Rock Jesus (Sean Murphy)

Quel meilleur exemple de libération par l'art que ce PUNK ROCK JESUS (mother fucker...) ?!La première chose qui saute aux yeux, c'est cette appropriation parfaite du guide messianique nietzschéen que fait la Bd. En effet, là où Nietzsche nous présentait Zarathoustra comme un guide que tout le monde attendait, mais pas forcément le guide auquel on s'attendait, Chris est lui aussi un guide (il est Jésus) mais pas forcément le guide auquel les gens s'attendaient (il est Punk). Chris est un prophète nietzschéen dans toute sa splendeur, d'abord une création du troupeau (Il est issu de la télé-réalité et de la religion) qui, par le biais de l'art (La musique punk-rock) va se découvrir des instincts sauvage nobles (sa carrière de musicien et son fameux « Go Fuck yourself ! Jesus hates you ! »). Une véritable remise en question des dogmes et de l'étouffement de ses instincts par la société est alors effectuée. Le livre nous démontre également qu'il ne faut pas forcément être altruiste et empathique afin d'être le sauveur de l'humanité (voir mon article sur « ainsi parlait Zarathoustra »). Le rapport de Nietzsche est ici parfaitement respecté. Là où tout le monde cherchait une réponse et la vérité dans un rationalisme épicurien (La science des cellules souches), dans un idéalisme platonicien (La religion et son prophète) ou dans un stoïcisme présocratique (la « bonne » éducation de Chris), on finira par la trouver dans la musique Punk-Rock (et donc l'art).

 

  

 


 

Le gai savoir LIVRE 3 – (Promethea / Preacher / la marche du Crabe)

Le troisième livre est, à mon sens, le plus complexe. Nietzsche y aborde LE thème qui le travaillera toute sa vie : L'homme a-t-il tué Dieu ? Nietzsche y affirme non seulement que Dieu est mort, mais qu'il a été tué par les hommes. Il va plus loin et établit la thèse que Dieu est une projection anthropomorphique de l'homme créé à partir de notre vie en société, à travers nos relations sociales et politiques. Nietzsche caractérise également la nature et l'univers comme étant pollués d’anthropomorphismes et qu'ils ne constituent dés lors plus aucune vérité fondamentale (ce qui rejoint les articles précédents). Paradoxalement, il défendra la thèse que la vérité et la réponse se trouvent en nous-même, seule partie encore inaccessible à l'homme et à sa névrose d'anthropomorphisme. Il terminera le livre par imposer à l'homme une renaissance à travers sa propre nature et non plus à travers celle que Dieu lui a donné, devant se libérer du dogme religieux (dichotomie entre bien et mal, voir plus haut...) et « devenir ce qu'il est ». Enfin, nous pourrons vivre dans la joie puisque le péché chrétien a été aboli. Nous remarquerons au passage que, malgré la laïcité ambiante dans notre monde contemporain, tout ce travail de réappropriation de notre existence n'a pas été fait, ce qui place Nietzsche parmi les philosophes les plus contemporains dans leur discours !

 

Promethea (Moore-Williams III)

Qui dit Alan Moore dit « philosophie », c'est une équation sans inconnue. Promethea est une oeuvre complexe où vont se croiser plusieurs époques et plusieurs pans de la réalité et de l'existence. En (très) résumé, une jeune fille de l'an 411 ayant fui dans le désert après le lynchage de son père, rencontre une divinité antique qui reconnaît son impuissance face au Dieu chrétien. Elle décide de la suivre dans le royaume de l'imagination et perd alors sa forme physique pour devenir une histoire. Elle pourra dés lors s'incarner dans notre réalité via les lecteurs de cette histoire.

Première chose frappante, Moore associe les divinités à l'imaginaire, considérant donc qu'ils sont une création de l'homme, un rapport très nietzschéen à la religion. On y rencontre Promethea qui n'a aucune existence physique (à l'instar d'un dieu), mais qui ne vit qu'à travers des incarnations liées au bon vouloir de l'homme. On peut alors considérer que l'homme à plein pouvoir sur son imaginaire et donc sur les divinités. Même si, au sein de l’œuvre, l'homme ne « tue » pas dieu de manière aussi littérale que chez Nietzsche, les tomes suivants aborderont nombres de problématiques chères au philosophe dans son rapport à la divinité, à l'illusion créatrice sociale et politique, à la nature de l'homme et de l'existence, ou encore à l'art et ses liens étroits au subconscient humain.

 

Preacher (Ennis-Dillon)

Nous abordons ici la mort de dieu sur un ton beaucoup plus humoristique. Le personnage principal, Jesse, peut constituer la hantise de Nietzsche, à savoir un homme élevé dans la crainte de dieu et du péché. Il finira par s'en libérer, de manière très artificielle malheureusement et se verra confronté à nombre de ses « incarnations » comme des anges, archanges ou « le saint des tueurs », un cow-boy dont la seule motivation semble être de le refroidir. Seule arme contre Dieu et ses dogmes étouffants, le subconscient de Jesse, son instinct « sauvage » (quelle cohérence ce Nietzsche), son rapport à l'art, caractérisé ici par un ami imaginaire aux traits de John Wayne. On y retrouvera également des figures symboliques chères au philosophe comme le messie misanthrope (Cassidy, vampire de son état) ou encore la muse, vecteur de la sauvagerie humaine par l'art (ici, Tulipe, ex-nouvelle petite amie de Jesse). Notons ici que l'histoire s'ancre dans des thématiques beaucoup plus physiques et moins « métaphysiques » que dans l’œuvre de Nietzsche (en effet, Dieu y est présent et visible, les anges sont des incarnations palpables, les vampires existent...) et se permettent même de s'approprier la « disparition » de Dieu de façon très moderne : dans la Bd, il ne meurt pas, mais démissionne !

 

La marche du Crabe (Arthur de Pins)

Cette histoire de crabe carré s'émancipant de sa condition (en décidant de marcher droit et non plus de coté), provocant une révolution culturelle sans précédent est tout à fait fascinante dés lors qu'on observe sous un prisme nietzschéen ! En effet, dans le livre 3 du Gai savoir, Nietzsche explique à l'homme que la mort de dieu est une libération de sa condition, qu'elle symbolise la disparition de cette enclave d'étouffement sociétal que l'homme avait bâti dans un besoin de rationalisations à travers ses relations politiques et sociales. Les crabes carrés marchaient-ils de coté parce qu'il s'agissait là de leur nature ? Ou était-ce un dogme culturel trop ancré dans leur subconscient ? Nietzsche aurait sans doute eu réponse à cette question, mais aurait sans doute également préféré s’intéresser au résultat, à savoir, un crabe carré libéré de ses contraintes antérieures, renouant avec sa nature sauvage, la réinventant même en faisant évoluer toute son espèce (ce qui est, au passage, une excellente réadaptation du discours « zarathoustrain » lorsque ce dernier explique que ce n'est pas uniquement l'homme qui doit changer, mais bien toute l'espèce humaine qui doit évoluer vers ce principe de surhomme...).

 

  

 


 

Le gai savoir LIVRE 4 – (Berserk / Tintin / Corto Maltes)

Le livre 4 est une longue introduction à « Zarathoustra », Nietzsche y établit des concepts majeurs de son œuvre.  Nietzsche annonce un combat pour les hommes nouveaux, pour la connaissance et l’amour des idées. Ces hommes nouveaux seront ceux « qui recherchent en toutes choses ce qu’il faut surmonter ». Le Surhomme est de ce fait un guerrier de la connaissance, de la science joyeuse, celle qui détruit les anciennes illusions et bâtî de nouvelles valeurs. Valeurs que l'on retrouve dans son nouveau concept de « la pensée », à savoir non plus une méditation de la mort, mais bien une exaltation de la vie ! Nietzsche y aborde enfin pour la première fois le principe « d'éternel retour » (sorte de réincarnation bouddhiste complexe) qui consiste à universaliser une existence et que l'on peut rattacher à l'impératif catégorique de Kant (qui prône les actes universels) et que Heidegger, dans ses conférences sur Nietzsche, verra comme une sorte de mise en abîme de la pensée : « c’est le fardeau imposé par cette question qui peut être le critère de la vérité moderne : cette pensée est la pensée des pensées, à la fois la plus haute et la plus pesante des pensées. » (wow!)

 

Berserk (Kentaro Miura)

Il me semble avoir déjà mis Berserk (et plus particulièrement Guts) en lien avec le surhomme Nietzschéen, dans son rationalisme brut et sa quête de libération. Je poursuivrai ici mon approche nietzschéenne du monde de Berserk en analysant l'univers en lui même. Un univers de péchés, où la vertu n'a plus sa place, où la religion n'a d'importance que lorsqu'elle se manifeste physiquement, où la violence est le moteur de l'existence. Il est dés lors logique que de cette bouillie d'infamies se dresse un jour un homme qui représenterait le salut de l'humanité. Dans ce quatrième livre du gai savoir, Nietzsche décrit le surhomme comme un guerrier de la connaissance, qui détruit les anciennes illusions et bâti de nouvelles valeurs. Le principe de « guerrier » est évidement pris au pied de la lettre dans Berserk, il n'empêche que Guts est bel et bien un surhomme tant sa « guerre » est une destruction des illusions (il ne baisse jamais les bras, il se confrontera même à des incarnations divines...), et une construction de nouvelles valeurs (valeurs basiques, certes, mais néanmoins importantes, comme le courage, la persévérance ou l'amitié). Enfin, Guts est une sublime incarnation de l'homme ayant retrouvé son instinct sauvage afin de s'émanciper (dans la douleur et la peine) de l'étouffement sociétal ambiant. On pourrait d'ailleurs mettre en opposition Guts et ses méthodes instinctives et sauvages dans son élévation, avec Griffith qui bâti son élévation sur des règles sociétales étouffantes comme la bienséance, la bourgeoisie, la trahison...

 

Tintin (Hergé)

Tintin est-il le surhomme nietzschéen ? Assurément non, puisqu'il en est le parfait opposé. Ainsi, ce héros se basera sur un système de valeur très dogmatique, se laissant porter par les courants de pensée ambiants (en témoigne Tintin au Congo). Tintin n'est pas un surhomme, il n'est même pas un homme, il n'est qu'une incarnation de la société ambiante et ne s'élève à aucun moment contre elle. Loin d'être misanthrope et égoïste comme le surhomme devrait l'être, sa sympathie, son empathie et sa sensibilité le freineront sans cesse dans ses « aventures ». Ce qui ne signifie pas que Tintin est un guignol de bas étage, il possède un système de valeur très commun qui lui permet de traverser l'existence sans heurts. Nous sommes ici à des lieues du fardeau imposé par Heidegger sur le système de pensées et de remise en question complexe que proposait Nietzsche. Ce qui perfectionne encore l'opposition du héros d'Hergé au surhomme de Nietzche, c'est qu'il sont tous les deux ancrés dans cet « éternel retour » imposé par la condition humaine. Ainsi, Tintin vivra chaque fin d'aventure comme une fin en soi et chaque début d'aventure comme un recommencement, ne faisant que très peu références à ses aventures antérieures, tel un héros réincarné à chaque épisode.

 

Corto Maltes (Hugo Pratt)

S'il existe un homme qui se place au dessus des hommes, qui, sans même reposer sur un système de valeurs quelconque, parvient à élever nos consciences, c'est bien Corto ! Incarnation parfaite d'un système de valeur inédit (Les marins naviguent dans des zones de non-droits et ne jurent que par le règlement de bord), incarnation parfaite d'un surhomme nietzschéen (il est une sorte d'antihéros, solitaire, individualiste, égocentrique et ironique nous dit Wikipédia) qui parvient pourtant à provoquer le salut de l'humanité à l'aube du XXe siècle, non pas en agissant avec les règles de la société, mais en observant les événements, en s'en détachant et en les modifiants de manière passive, dans notre subconscient. Comme nous voyons les événements à travers ses yeux, c'est en quelques sorte une vision digérée qu'il nous livre, sans doute libérée des illusions et subjectivités ambiantes. Notons enfin que l’œuvre peut être perçue comme une critique et une remise en question de la société (et de son étouffement), notamment à travers le personnage de Raspoutine (pendant négatif de Corto et surhomme nietzschéen abusif) qui est explicitement décrit comme « Sociopathe » au sein de l’œuvre.

 

  

 


 

Je terminerai avec cette sitation du chat de Geluck, qui, j'èspère, vous apportera une vision poétique de Nietzsche :

«Dieu a créé l'homme. Et ensuite, pour le remercier, l'homme a créé Dieu.» (Entrechats)

Et ce gag :

 


 

En espérant que cela vous ai plu et enrichis !

 


 

!! TEASER !!

 

Dans le prochain article :

 

"La république" (Platon) face à "Fables"

 

"Rhétorique des passions" (Aristote) face à "Les années douces"

 

"L'art d'aimer" (Ovide) face à "Maison Ikkoku"

 

"L'utopie" (Thomas more) face à "One Piece"

 

"Criton" (Platon) face à "Thor renaissance"

 

"De la nature des choses" (Lucrèce) face à "Mushishi"

 

"Le prince" (Machiavel) face à "Irrécupérable"

 

"Lettre à Schuller" (Spinoza) face à "Billy Bat"

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