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par Alfro - le 7/10/2014
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par Alfro - le 7/10/2014

À la redécouverte de Batman par Katsuhiro Otomo

À la faveur d'un billet de Kana sur Facebook, on se souvient soudainement que cela fait un moment que l'envie de lire le Batman écrit et dessiné par Katsuhiro Otomo nous travaille. La décision d'enfin prendre le temps de lire cette histoire étant enfin prise, on prend le premier volume de Batman : Black & White qui patientait tranquillement sur l'étagère.

On se dirige donc vers le troisième numéro présent dans ce recueil. Un numéro qui s'ouvrait sur l'histoire de Brian Bolland que l'on retrouve désormais présente à la fin des rééditions de Killing Joke dans une version magnifiquement colorisée. S'enchaîne alors des histoires courtes qui alignent encore du beau monde, Kevin Nowland, Archie Goodwin ou encore Dennis O'Neill. Vient enfin l'histoire de Katsuhiro Otomo.

Retrouver le légendaire artiste d'Akira sur ce personnage emblématique des comics américain, c'est comme nous avions le meilleur de deux conceptions de l'art séquentiel se rencontraient. L'attente est donc énorme, et la peur d'être déçu commence à poindre le bout de son insidieux nez.

Premier constat, le mangaka a décidé de profiter de la chance qui lui est offerte de faire une histoire de Batman pour livrer son hommage aux comics. Ainsi, son trait se fait plus gras, et s'il avait déjà bien compris comment magnifier les noirs, il leur donne ici un aspect sale et tortueux qui semble tout droit tiré de Neal Adams. Quelque part entre Frank Miller (que le Japonais adore, et réciproquement) et la tradition musculeuse du comics américain, l'artiste livre sa vision de cet Art tout en conservant l'identité de son trait. Ce génie visuel qui s'est reconverti designer (entre autres) démontre encore tout son sens de l'esthétique.

Si son dessin est universalement reconnu, on ne fera pas l'affront au scénariste de Mother Sarah d'ignorer ses qualités d'écriture dont il fait une nouvelle fois preuve. Reprendre un personnage comme Batman, véritable muse pour auteurs de génie, c'est ce confronter au risque de ne faire que reprendre l'idée qu'un autre aura déjà pu développer. Surtout que le format de huit pages laisse peu de temps pour s'étendre.

Fidèle à lui-même, l'auteur déconstruit la temporalité de son histoire, rapidement puisqu'il a peu de pages, comme une forme de signature de scénariste. Il confronte Batman à un serial killer qui met sa conception du monde sur un fil tendu et instable. Ce personnage qu'il a créé est une sorte de Dr. Jekyll et Mr. Hyde amélioré qui va mettre le Chevalier Noir face à l'absurdité de sa dualité, ce personnage noir et blanc enfermé dans son manichéisme. Un clin d'œil au concept même de la série sur laquelle se penche l'auteur.

Dans la tourmente de sa bipolarité, entre Bruce Wayne et Batman, le héros va se découvrir une voie de secours dans une nouvelle personnalité, à la manière de l'interprétation de Grant Morrison du Batman de Zur-En-Arrh mais plus tortueuse et contenant une violence sourde, pleine de menace. Comme si Otomo faisait exploser à la surface l'âme tourmentée qui avait toujours suivi dans l'ombre le désir de vengeance du protecteur de Gotham City

Ne manquant pas de rendre son petit hommage à la mythologie de Batman, en la personne du Commissaire Jim Gordon, Katsuhiro Otomo déploie en huit pages une histoire qui réfléchit sur son concept éditorial, sur son personnage et sur la question de la vengeance et du manichéisme. Il a fallu repoussé longtemps ce rendez-vous pour redécouvrir à nouveau que tout le génie du mangaka ne se limitait pas à des frontières de genre. Une leçon de maître.

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