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par AntoineBigor - le 6/04/2016
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par AntoineBigor - le 6/04/2016

Big Man Plans, la critique

L'auteur américain Eric Powell fait partie de ses artistes de comics connus et reconnus, notamment pour sa série The Goon, presque adaptée en animation par David Fincher. Un succès qui ne l'aura pas empêché, en 2012, de se retrouver à la rue. Il se retrouva ainsi à crécher dans le sous-sol de la maison d'un ami, Tim Wiesch. De cette cohabitation est née Big Man Plans, un délire de pote mélangé à une profonde rage contre les normes sociales.

La série, publiée chez Image en VO, raconte l'histoire d'un vieux nain, persécuté toute sa vie mais ayant eu "la chance" d'être choisi pour un entraînement militaire expérimental qui a fait de lui une machine à tuer, à la limite de la folie. Rentré du Vietnam depuis plusieurs années, il apprend une terrible nouvelle sur une amie d'enfance et décide de tout péter pour casser la gueule à un maximum de gens. Un pitch qui ne fait clairement pas dans la dentelle, et l'ouvrage lui rend honneur en étant encore plus radical encore dans son récit.

Les premières pages jouent le mystère quant à la raison qui fait vriller notre héros, pour ensuite laisser place à un flot de violence grasse et sadique, entrecoupée de flashback sur son enfance. Cette narration permet de s'attacher rapidement au protagoniste, malgré ses actes immondes tout au long de l'intrigue. C'est également un bon prétexte, pour les auteurs, pour aborder des thèmes comme l'exclusion, la différence ou le rapport à autrui - des thèmatiques chères à l'auteur - de manière assez brutale. Sa folie n'est pas justifiée, mais expliquée, permetant de construire un personnage assez fascinant dans la lucidité qu'il peut avoir sur le monde qui l'entoure, malgré un point de vue forcément biaisé. Une certaine critique de la société et des liens sociaux va en ressortir, trop légèrement developpée, mais bien présente dans la construction psychologique de Big Man.

Eric Powell adore ce genre d'ambiance, crasseuses et malsaines tout en étant poétiques. La poésie est certes beaucoup moins présente ici que dans Chimichanga (également paru chez Delcourt) et pour cause, un autre auteur s'est joint à la fête : Tim Wiesch. Responsable éditorial et financier pour différents éditeurs, le bonhomme s'amusait à envoyer des textos (majoritairement tournés vers la boisson et les bars) à l'artiste qui créchait chez lui, toujours ponctué du hashtag #bigmanplans, jusqu'à ce que la private joke devienne une série à part entière, un personnage, une ambiance et une histoire. Et si on retrouve, dans cette dernière,  ce qui a fait le sel de l'auteur de The Goon, la marque de Wiesch se fait sentir, avec cet aspect jusqu'au-boutiste et parfois too-much du récit et de son (anti)héros. En cela, même si Powell amène certaines barrières et un certain cadre créatif dûs à son experience dans l'écriture, son collègue semble les dépasser, ce qui donne, par moments, un sentiment brouillon et confus. Un constat qui ne gêne pas outre-mesure, tant le bon Eric semble s'éclater graphiquement.

Si l'on devait reconnaitre au moins une qualité à ce trash sans limite, c'est bien sa retranscription par le dessin d'Eric Powell, d'une richesse et d'une qualité incroyable. Pour le coup, l'artiste est seul maître à bord et va prendre plaisir à varier les styles (de la peinture au crayonné), les couleurs (parfois chaudes, parfois froides) et la narration (des épisodes alternent présent et passé quand d'autres fony quelques économies de flashbacks pour accélerer le rythme). Une richesse visuelle, principal attrait de l'ouvrage, qui offre une variété d'ambiances : de la plus touchante à la plus dérangante. De fait, les scènes gores, notamment en fin d'ouvrage, en ressortent encore plus impactantes. Quelques confusions persistent malgré tout, la faute au design ou physique assez génériques de certains personnages. On regrettera également une ultra-violence qui donne parfois le sentiment d'être gratuite. Seulement, elle apparaît totalement cohérente avec le récit et son propos, enragé et vicéral. Il faudra juste être préparé à voir pas mal d'hémoglobine (et pas que).

Le talent d'Eric Powell n'est plus à prouver, mais va pourtant trouver un nouveau moyen en la presonne de Big Man Plans. Un récit sans concessions, critique acerbe et frontale d'une société malade qui rejette ses anomalies tout en se voilant la face sur sa vraie nature. Un cri du coeur et des tripes de deux buddies, un poil trop primaire par moments, mais qui bouillonne d'une telle rage qu'il serait dommage de passer à côté. #bigmancomics

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