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par Elsa - le 23/02/2018
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par Elsa - le 23/02/2018

Chère Créature, quand un mutant amphibien cherche l'amour

Profitant peut-être de la sortie du film The Shape of Water, Glénat publie Chère Créature, le premier roman graphique de Jonathan Case (The New Deal). Ici aussi, il est question d'une créature marine et d'amour...

'Comprenez que ce qui m'attire en vous n'est pas l'appel de la chair, loin s'en faut...'

Grue vit entouré de crabes bavards qui ne le comprennent plus vraiment. Depuis quelque temps, le mutant amphibien dévore des textes de William Shakespeare qu'il trouve dissimulés dans des bouteilles jetées à la mer. Ces lectures le changent, le rendent plus romantique, plus poète. Dévorer les humains qui tomberaient entre ses griffes l'intéresse de moins en moins, désormais il songe à l'amour...

Alors qu'il mène l'enquête pour retrouver celui ou celle qui lui envoie sans le savoir tous ces superbes textes, la police locale aussi est sur le qui-vive. Une jeune femme a été retrouvée morte, jetée du haut d'un phare. Et curieusement, ces deux affaires pourraient bien trouver leur source sur le même bateau, à quai depuis plusieurs décennies...

'...mais la recherche d'un esprit complice !'

Craig Thompson (Blankets, Habibi) signe une préface dessinée à Chère créature. Lui et Steve Lieber (auteur d'une seconde préface) sont dithyrambiques sur les talents de Jonathan Case. Ils saluent son univers à part, son graphisme élégant, sa maitrise de la narration visuelle. À raison.

Il y a d'abord ce dessin en noir et blanc, puissant, superbe, où s'entremêlent un trait réaliste, tendre et élégant, et un graphisme plus cartoon quand il s'agit de Grue et de ses amis crabes. L'ensemble, d'abord surprenant, est pourtant très réussi, offrant dès la première page une personnalité puissante à l'oeuvre. Le résultat est à la fois horrifique et touchant. Chère créature est un polar sombre et fantastique, parfois un peu clownesque. Un tel cocktail ne devrait pas fonctionner, Jonathan Case y excelle.

Comme Craig Thompson l'explique en préface, l'auteur a passé son adolescence coupé du monde sur un bateau, avec pour seule compagnie ses parents, des films des années 30 à 60 et une littérature classique complexe qui ont nourri son imaginaire, influençant son regard sur le monde et la manière dont il voulait raconter des histoires. Il y a quelque chose d'infiniment personnel et novateur dans sa narration. Le rythme est très dense, rapide, et demande une certaine attention, mais c'est le genre de comics, de bande dessinée, qui par l'implication qu'il demande, par son expérience de lecture un peu particulière, continuera de nous habiter longtemps.

C'est beau, c'est efficace, mais l'histoire ? Et bien là aussi c'est un coup de coeur. Les influences citées plus haut se ressentent, mais plus qu'un mélange bizarre, elles s'imbriquent toutes parfaitement pour être magnifiées. Il y a du drame romantique shakespearien, il y a du polar à la sauce sixties, il y a ce côté un peu cheap d'un film de série B, il y a la patine du cinéma italien de Fellini. On se régale dans cet univers que Jonathan Case compose avec maestria. On pense forcément aux oeuvres de Mignola mais sans en voir une simple pâle copie. Jonathan Case a son propre monde et il nous y invite avec une certaine générosité.

Chère Créature est donc un joli coup de coeur, qui mêle les genres avec talent pour nous parler d'amour, de solitude, de différence.

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