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par Corentin - le 29/11/2017
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par Corentin - le 29/11/2017

Daytripper édition cinq ans, la critique

Dans les parutions anniversaires de l'éditeur Urban Comics, on retrouve Daytripper, récit des frères Fabio Moon et Gabriel Ba né au départ des imprimeries Vertigo. Ces deux auteurs sont devenus avec les années des partenaires fréquents pour Urban, qui a sollicité leur plume et leur trait (fantastique) sur différentes oeuvres axées sur la même richesse, la même qualité et le même spleen en forme de  récit de vie.

La vie avant la mort

C'est de ça que traite Daytripper. De vie. De mort. Des interstices entre le début et la fin, de ce qui nous attend tous au tournant après une période plus ou moins longue. D'écriture aussi, de rêve. Mais pour être plus prosaïques, Daytripper est un récit en dix numéros où on suit les rêveries de Bras de Oliva Domingo. Le fils d'un écrivain, qui lui-même écrit, et va imaginer le récit de sa mort en s'inspirant de sa vie, au travers de différentes pistes.

Le message qui transite à travers l'oeuvre est celui du quotidien, du banal. De la façon dont la mort peut se présager ou bondir, et de toutes les expériences de ce héros en particulier, à travers l'amour, l'amitié, la famille, le travail. Tout est écrit avec une grande finesse, les dialogues sont touchants de simplicité et de richesse, adjectifs qui se posent avec la même pertinence sur le trait (et les couleurs, proposées par Dave Stewart). L'ouvrage est réellement conçu comme un roman biographique qui ne cesserait d'imaginer sa fin. Chaque fois, le personnage n'y est pas préparé, et l'histoire reboucle à un autre moment de son histoire, jusqu'à ce qu'enfin, la vie lui permette de dire au revoir pour de bon.

Poésie brésilienne et paysages

Daytripper est une véritable leçon de poésie séquentielle. Pétri de références culturelles ou littéraires au Brésil, terre d'origine des frères Moon et Ba, la série ne se lit évidemment pas comme une des parutions classiques de DC ou même de Vertigo. C'est un véritable roman graphique, dans le sens le plus noble de la littérature classique, mise en images, de superbes images où on découvre une Salvador colorée, associée au plus gris d'une vie quotidienne morose.

Le message qui ressort à la fin de ces pages - et aussi banal ou creux que cela puisse sembler - est une ode à la vie, à la célébration d'une existence simple dans des repères simples. Quelque part, on peut même parler de célébration d'après la vie, puisqu'à l'image de l'oeuvre de Garcia Marquez quelques pays plus haut, la culture sud-américaine comprend mieux que nous cette complémentarité du jour et de la nuit, de la vie, de la mort, de ce passage en ligne droite qui réalise ici la jolie trajectoire d'un héros lambda et pourtant diablement passionnant. Bon, au fait, c'est pas tout ça, mais je vous ai dit que j'aimais bien cette série ?

Daytripper est un de ces chefs d'oeuvres auxquels il est bon de revenir périodiquement, et je remercie personnellement Urban de m'en avoir donné l'occasion. On va retirer un point, parce qu'il s'agit mine de rien d'une réédition (un brin onéreuse), mais le titre n'usurpe pas l'attrait que l'éditeur lui prête. Ce n'est pas par hasard si le travail de Fabio Moon et Gabriel Ba a été à ce point recherché par Urban, y compris pour son label Urban Graphic. À l'ombre de séries plus tapageuses, ce genre de volume est une respiration enchantée et somptueuse dans un ailleurs plus poétique, qui correspond presque plus à des codes de BD à l'Européenne, parfois trop rares chez les éditeurs américains. C'est validé, dans le plus grand des calmes. 

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