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par AntoineBigor - le 26/04/2016
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par AntoineBigor - le 26/04/2016

Frankenstein Underground, la critique

On connait l'amour inconditionel de Mike Mignola pour les écrits d'Howard Phillips Lovecraft, les cultures mystiques ainsi que les univers gothiques et fantastiques en tout genre. Il en a fait l'essence même de son Hellboy, création qu'il chérit depuis 1994 et dont il s'apprête à mettre un point, final. Le prolifique auteur a d'ailleurs lancé pas mal de séries autour de la Main Droite du Diable, avec une série B.P.R.D. qui se poursuit et pas mal de spin-offs, parmi lesquels cet étrange Frankenstein Underground.

C'est dans le tome 15 de la série Hellboy (publié en français chez Delcourt) que le créature de Frankenstein fait sa première appartion dans l'univers de Mignola, sous les crayons de Richard Corben. La référence s'est transformée en mini-série, sous l'impulsion d'un Mike Mignola visiblement motivé par l'idée. Le personnage, créé en 1818 par Mary Shelley, se retrouve ici emprisonné dans un cirque mexicain en 1956. Après s'être finalement libéré, la créature va retrouver une mystérieuse femme qui va l'éclairer sur son destin, alors qu'une oculte organisation essaye de les capturer.

Pour être honnête, l'idée d'injecter Frankenstein dans l'univers d'Hellboy me semblait être une fausse bonne trouvaille qui répondait à une contrainte économique plus qu'une volontée artistique. Que je me suis trompé. Cette mini-série en 5 chapitres semble être la récréation dont Mignola avait besoin.  On rentre très vite dans l'histoire, avec une narration à la fois contemplative et très dynamique, propre à son auteur, et les bases de l'univers sont posées en deux coups de crayons de manière très efficace. Surtout, une fois la mélancolie du personnage explicitée, le scénariste le plonge la tête la première dans une mythologie inédite pour lui, mélangeant allègrement les emprunts à la Terre Creuse, aux dynasties immortelles et à toute une imagerie orientale, lui permettant d'aborder certains thèmes profonds.

On peut justement y voir l'aspect Underground de leur Frankenstein : ses auteurs prennent un malin plaisir à plonger cette figure connue à la psychologie torturée dans un monde qui lui est totalement inconnu et l'amener vers une quête de vengeance totalement joussive. Car il n'y finalement pas grand chose de nouveau dans la narration ou dans les références que Mike Mignola utilise. Le scénariste écrit un récit intéressant, riche et extrêmement bien construit mais ne révolutionne pas son univers, réutilise pas mal d'éléments de ses précédents écrits et offre même une quête de vengeance et d'identité assez classique. Seulement, l'exécution est impeccable et, surtout, le scénariste s'éclate à jongler entre ses différentes influences tout en construisant le parcours d'un personnage touchant et attachant. L'album apporte d'ailleurs une réelle conclusion à son récit, étonnamment lumineuse pour son auteur, qui achève de faire de cette mini-série une parenthèse dans la saga Hellboy.

Mike Mignola garde un oeil sur toutes les séries de son Mignolaverse, mais ne dessine pas les différent spin-offs, préférant colaborer avec d'autres dessinateurs tout en leur apportant une structure narative prédéfinie. Beaucoup sont passés par ce périlleux exercice de style (on se souvient avant tout de Duncan Fegredo), que l'artiste Ben Stenbeck réussit à merveille. Son trait est plus rond que celui de Mignola, mais l'encrage et ses compositions se fondent parfaitement dans l'ambiance particulière de l'univers d'Hellboy. L'artiste arrive même à sortir du moule en utilisant un style proche de certaines fresques antiques pour quelques cases ou en amenant plus de dynamisme dans les scènes d'action. Et encore une fois, le magicien des couleurs Dave Stewart ajoute sa remarquable touche à ses pages, en jouant énormement avec les contrastes et la chaleur de ses palettes de couleurs. Et comme d'habitude chez Delcourt, la fin de l'ouvrage est l'occasion de découvrir un peu plus sur le travail du dessinateur avec pas mal de dessins préparatoires et de commentaires.

Encore aujourd'hui, alors qu'il diffuse son talent depuis plusieurs dizaines d'années, Mike Mignola arrive encore à nous surprendre. D'un concept assez louche et opportuniste, réutilisant un classique de la littérature d'horreur dans son univers très Lovecraftien, le scénariste sort une excellente mini-série, anecdotique pour le reste du Mignolverse certes, mais qui prend un tel plaisir à jouer avec la figure de Frankenstein qu'il en devient communicatif. L'album est surtout bourré de talent, autant du côté de Mignola, qui ne cesse de produire des séries au dessus du lot de la production actuelle, que de Ben Stenbeck et Dave Stewart, qui apportent un peu de lumière au sombre univers d'Hellboy.

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