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par Arno Kikoo - le 3/11/2018
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par Arno Kikoo - le 3/11/2018

Gideon Falls Tome 1 : horreur atmosphérique au rendez-vous

Après quelques collaborations fructueuses réalisées pour les Big Two (Green ArrowOld Man Logan), le duo créatif constitué de Jeff Lemire et Andrea Sorrentino s'est essayé en début d'année au creator-owned, pour le titre d'horreur Gideon Falls dont le premier tome nous est parvenu chez Urban Comics. Un premier chapitre qui a le mérite de poser ses ambiances, mais à ne pas conseiller aux plus impatients. Explications.

Dans la ville de Gideon Falls, le prêtre Tom est mort dans d'étranges circonstances. Le père Fred est chargé de le remplacer et se confronte très vite à une petite communauté à la fois soudée, et qui cache quelques lourds secrets. En parallèle, on suit le quotidien d'un jeune homme perturbé, Norton Sinclair, marginal de la société, persuadé que les ordures de la ville sont la clé pour empêcher une catastrophe de se produire. Au milieu de tout ça, une vision réunit les destins de ces deux hommes : celle d'une sinistre Grange Noire, symbole oppressant d'une terrible vérité, qui ne délivrera ses mystères que petit à petit.

Bien qu'on ait déjà pu apercevoir quelques éléments horrifiques dans les précédents travaux de Lemire, c'est ici un premier essai dans le récit d'angoisse, et c'est plutôt réussi. Le scénariste sait utiliser des personnages aux personnalités travaillées, comme à son habitude, et fait le pari d'une narration parallèle, de deux récits qui sont intrinsèquement liés (bien que les personnages évoluent indépendamment), permettant au lecteur de découvrir deux facettes d'une même histoire. Avec au départ la piste d'une enquête policière sur fond rural, le récit tourne peu à peu vers l'horreur, à peine graphique, bien plus portée par les visions et une ambiance malsaine, qui s'immisce peu à peu dans les pages du récit. 

Le travail d'opposition que poursuit Lemire est admirable, avec deux personnages qui se répondent sur une même thématique : celle de la croyance. On a d'un côté le père Fred, religieux qui a perdu la foi, et qui, malgré les évènements, peine à y trouver une quelconque signification ; de l'autre, Norton est habité par ses croyances, et son comportement le rapproche de celui d'un fanatique, persuadé que tout ce qu'il voit a un sens, qui le dépasse. Un constat qui se retrouve également dans le dessin d'Andrea Sorrentino, qui alterne entre des compositions assez simples lorsqu'il suit Fred, alors que les découpages et la mise en scène sont bien plus hallucinés avec Norton.

Andrea Sorrentino ne déçoit pas une seconde sur la partie graphique, qui contribue largement à ce travail d'ambiance que le script de Lemire veut installer. On lui reconnaît son style très marqué, des personnages dont on discerne à peine les yeux pour la plupart, l'utilisation de cadres pour mettre en avant certains détails, pour porter la narration et le regard du lecteur. Efficace, l'aspect graphique profite des couleurs de Dave Stewart pour marquer les moments les plus angoissants - l'utilisation d'un encrage fort et d'un rouge perçant participant largement à installer l'inquiétude chez le lecteur. On pourra en revanche regretter un ensemble plus abstrait - et moins lisible dans les derniers chapitres. Un passage qui se justifie par l'histoire, mais qui ne la porte pas forcément à sa hauteur. 

De même, le principal défaut de Gideon Falls restera celui de garder trop pour lui. Bien entendu, Lemire et Sorrentino savent dans quelle direction ils vont, et se permettent donc de distiller les clés de l'intrigue à leur rythme, faisant de ce premier tome une longue exposition. Si l'atmosphère horrifique fonctionne dans son ensemble, l'on pourra regretter que l'avancée de l'intrigue ne soit pas plus dynamique - quitte à prendre son temps pour aller découvrir la suite, qui on l'espère ne tardera pas trop.

Il était à peu près certain, au vu de l'équipe créative, que Gideon Falls ne décevrait pas - et ce premier tome ne déçoit pas. Avec une narration parallèle en accord avec les approches graphiques de Sorrentino, Jeff Lemire pose un joli travail d'ambiance avec deux personnages très marqués, et opposés sur une même thématique. Gideon Falls installe une atmosphère opressante, bien qu'il ne soit pas non plus une révolution dans le comicbook d'horreur. Avec quelques planches en retrait et une intrigue qui ne s'expose pas assez, l'ouverture est satisfaisante, et devrait suffire aux fans du duo artistique. Pour les autres, on vous rassure, les comics d'horreur ont bien d'autres propositions pour vous.

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