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par Alfro - le 9/04/2014
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par Alfro - le 9/04/2014

Glory, la critique

Le genre super-héroïque est engoncé dans ses codes et ne livre plus aucune originalité depuis bien longtemps. Voilà pour le lieu commun que l'on peut entendre à peu près partout. Delcourt veut donc prouver avec Glory qu'on ne peut pas avoir plus tort.

"Je suis là pour rendre ce monde meilleur."

Rob Liefield est un dessinateur qui est devenu comme une blague entre les amateurs de comics. On se partage ses dessins de personnages aux anatomies plus que fantaisistes sous le manteau comme des images un peu trop salaces et qui ne peuvent pas être montrées sans choquer. Faut dire que son amour pour les muscles hypertrophiés et les flingues démesurés sont devenus une marque de fabrique un peu lourde à porter. C'est donc un peu étonné que l'on a appris qu'il avait confié sa création Glory, personnage apparu dans les débuts d'Image Comics, à Joe Keatinge, auteur connu pour son approche fortement indie, loin des encapés qui sauvent le monde à la force du poignet. Pourtant, c'était sans doute une idée des plus lumineuses.

Dans la préface de cette belle édition de Delcourt, le scénariste explique qu'il a tout autant été influencé par les comics que par les rares bandes dessinées européennes qui parvenaient aux États-Unis (et pas seulement Métal Hurlant qui s'est bien implanté de l'autre côté de l'Atlantique, prodiguant la bonne parole de Moebius auprès d'un public qui découvrit ce nouveau genre estomaqué) et par les mangas, notamment le Akira de Katsuhiro Otomo. Autant le dire tout de suite, cela se ressent à la lecture, sa série mélangeant les super-héros hérités d'une culture américaine avec une narration plus intimiste comme on peut le retrouver chez nous, mais aussi des codes du shônen, comme cette propension à faire intervenir des twists toujours plus énormes mais qui dynamisent le récit.

"Je vais refaire la guerre une fois de plus..."

Si la base de cette histoire est assez classique, une super-héroïne qui ressemble furieusement à Wonder Woman, un côté démoniaque en plus, Joe Keatinge s'amuse à briser tous les codes qu'ils trouvent sur son chemin. Ceux de la narration en un premier lieu. Les trois premiers chapitres qui s'arrêtent sur une époque différente, sans lien apparent et qui laissent le lecteur avec plus de questions que de réponses, est un premier coup de génie. Certains apartés épars sont là aussi pour briser un fil narratif et dynamisent paradoxalement l'action en l'interrompant. Puis il y a aussi cette éternelle bataille du Bien contre le Mal qui prend du plomb dans l'aile avec une héroïne qui n'est pas celle que l'on croise habituellement. Les multiples révélations étant un ressort du récit, on n'en révélera pas plus sur l'intrigue, le plaisir de lecture venant en grande partie de la surprise qu'elles provoquent. Le personnage principal aussi ne répond pas aux codes du genre. Elle multiplie les coups d'un soir, homme ou femme, boit comme un trou et possède un langage des plus fleuris, sans pour autant que cela en diminue son aura super-héroïque. Une héroïne moderne, sans a priori et qui vit comme tout le monde sans pour autant être gritty.

Pourtant, on regrettera tout de même que parfois Joe Keatinge aborde certaines de ses réflexions de façon assez succintes. Ses questionnements sur la violence, la nécessité de la guerre ou même sur le poids des fautes passées, tout cela reste tout juste brossé. Alors que l'on sent qu'il pourrait pousser plus loin pour donner un peu plus de fond à son récit. Reste qu'il préfère sans doute ne pas ralentir son histoire et laisser l'occasion au dessinateur Ross Campbell, qui lui aussi à un style à la frontière de plusieurs traditions d'art séquentiel, de s'amuser dans des pages dynamiques qui n'hésitent pas à partir dans tous les sens. Si parfois le trait, académiquement parlant, est assez peu sûr, il a un sens de la mise en page et de l'image frappante qui vient appuyer le récit dans son rythme débridé qui ne laisse un répit. C'est un véritable avantage qu'il sache faire des pages iconiques (qui emprunte en ça beaucoup au manga) tant il y a de retournements de situation.

Ce gros volume, 288 pages tout de même, vous reconciliera avec les super-héros si vous les trouviez trop sages. Débridé sans être inutilement outrancié, l'histoire avance tambour battant sur un chemin de violence et relativise dans un même temps cette dernière. Un vrai condensé de ce qui peut se faire quand on mélange les influences au service d'une histoire qui à défaut d'être originale ne vous laisse aucuns temps morts.

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