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par AntoineBigor - le 25/05/2016
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par AntoineBigor - le 25/05/2016

Hellboy au Mexique, la critique

Depuis près de vingt-trois ans, Mike Mignola ne cesse de nous raconter des histoires dans l'univers gothique et Lovecraftien d'Hellboy. Publiée chez Dark Horse aux États-Unis et Delcourt en France, la série n'a que rarement été "régulière" et s'est construite au fil de nombreuses mini-séries et numéros spéciaux. Les différents tomes consacrés au personnages recueillent soit une grande histoire, comme Les Germes de la Destruction ou Le Ver Conquérant, soit un ensemble de court récits, comme Le Cercueil Enchaîné. Ce quinzième tome français, Hellboy au Mexique, fait partie de cette dernière catégorie, avec plusieurs histoires dessinées par plusieurs dessinateurs, mais cette fois-ci soutenue par un élément récurrent.

Cet élément récurrent, comme le nom de l'album l'indique, c'est le Mexique. Dès la création du personnage, Mike Mignola a été assez malin pour laisser de côté plusieurs périodes mystérieuses de la vie de son héros, lui permettant de revenir à sa guise raconter quelques-unes des missions qui s'y sont déroulées. Ici, le scénariste s'offre une période de plusieurs mois où le diable rouge s'est exilé du reste de la société, et passe ses journées à boire et à se mettre sur la tronche avec des lutteurs locaux, ainsi que toute sorte de monstres. Une parenthèse scénaristique qui fera ici office de cour de récréation pour l'auteur et ses différents invités, allant de Richard Corben à Mick McMahon en passant par les frères brésiliens Fabio Moon et Gabriel Ba.

À vrai dire, malgré le fait que Mike Mignola reste très fort sur les histoires courtes, cet Hellboy au Mexique donnait l'impression, avant la lecture, de n'être qu'une manière de prolonger la vie éditoriale d'un personnage dont la fin est annoncé dans la série Hellboy en Enfer. C'est encore une grosse erreur de jugement, comme pour Frankenstein Underground, puisque le scénariste prouve encore et toujours qu'il est le patron, en livrant un ensemble d'histoires passionnantes. Le contexte qu'il crée, avec un Hellboy déprimé et sans véritable but, se révèle des plus riches, avec une ambiance et un bestiaire qui trouvent l'inspiration dans la mythologie latine. Comme souvent, le scénariste réutilise des éléments historiques et culturels du décors pour les remodeler à sa façon. L'un des meilleurs exemples de cette façon de réécrire les mythes, est sans aucun doute son interprétation de Frankenstein, inconsciente lors de l'écriture avant de l'assumer dans un court texte en préface.

Libéré de la pression d'imposer son personnage ou d'en raconter son tragique parcours dans le présent, Mike Mignola se laisse aller à des idées et délires loufoques, avec toujours un thème fort à développer. Ainsi, si le lieu reste le même, chaque histoire aborde une couleur et une ambiance différente, tantôt mélancolique, tantôt frénétique et parfois assez effrayante. D'autant que le scénariste maîtrise à la perfection la psyché et le caractère de son personnage, fidèle à lui même dans son image de grande brute revancharde mais attachante. Malgré tout, Mignola reste parfois (trop) sage, avec une ou deux histoires, certes très bonnes, mais qui font un peu de répétition avec d'autres histoires courtes précédemment publiées. C'est un défaut relativement insignifiant tant Mike Mignola se montre généreux, notamment en permettant à d'autres artistes à s'essayer à l'univers d'Hellboy.

On y retrouve ainsi le légendaire Richard Corben, habitué des brèves sur le personnage, qui ouvre et ferme la marche de cet album, avec deux excellentes histoires. La première est assez classique, et permet d'initier cette parenthèse dans la vie de l'agent du B.P.R.D., tandis que la seconde introduit le nouveau Frankenstein, dans une histoire bien plus intéressante qu'elle n'y parait. Le style du dessinateur est bien différent de celui de Mignola, abordant une narration assez éloignée des codes de la série, mais qui n'en reste pas moins efficace et assez rafraîchissante sur cet univers. De leur côté, Gabriel Ba et Fabio Moon sont plus à l'aise avec la charte graphique de Mignola, et lui rendent hommage avec des planches plus proches de son travail que de leurs précédentes oeuvres. Le dessinateur très cartoon Mick McMahon s'essaye également à une histoire, un peu plus absurde que les autres, et dont le ton convient parfaitement à son trait rond et épais. Mike Mignola s'est également penché sur sa planche à dessins pour une dizaine de pages, où l'auteur rappelle qui est le patron en s'imposant comme l'histoire la plus riche de l'album.

On ne le dira jamais assez, et on l'a déjà fait à de multiples occasions sur ce site ou même en popcast, mais chaque sortie d'un album de Mike Mignola est un petit évènement. Que ce soit des nouvelles aventures de son personnage fétiche, des spin-offs de l'univers de B.P.R.D. ou des rééditions de ses précédents travaux, chaque oeuvre de Mignola dévoile une richesse thématique impressionnante et surtout un savoir faire imparable pour raconter des histoires simples mais touchantes. Hellboy au Mexique ne fait pas exception à la règle en offrant plusieurs récits différents autour du même thème et personnage, mais avec un intérêt sans cesse renouvelé. Si vous êtes lecteur régulier du bonhomme rouge, et même si vous ne connaissez que très peu le personnage, cet album est un incontournable.

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