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par La Redac - le 24/01/2020
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par La Redac - le 24/01/2020

Le garçon sorcière : la sorcellerie, c'est pas que pour les filles

Un univers magique dans lequel les rôles sociaux sont attribués de manière immuable selon votre genre, c’est le fond d’une nouvelle bande dessinée jeunesse américaine traduite et proposée en ce mois de janvier par les éditions Kinaye : Le garçon sorcière

Aster est un jeune adolescent. Comme tous les garçons, il est destiné à devenir un changeforme. Un esprit animal se présentera à lui afin de lui permettre de prendre son apparence. Ainsi, il pourra prendre part aux défenses de la communauté contre les DEMONS. Mais le temps passe et aucun esprit de semble s’intéresser à lui. Ce qui intéresse Aster, c’est de pratiquer la magie. Mais seules les femmes peuvent le faire. Les hommes ne peuvent l’apprendre et ne doivent pas s’y intéresser. Pourtant, Aster semble avoir des dons en la matière, qu’il va devoir cacher, même face à une menace ancienne de retour.

Amener les pré-ado à réfléchir aux questions de genre

Disons-le tout de suite, Le garçon sorcière adopte un ton s'adressant spécifiquement aux jeunes. Pour un adulte, la démonstration de fond qui est proposée est un peu trop évidente pour constituer une lecture pleinement satisfaisante. Mais pour les adolescents, ce recueil a de belles qualités.

Aster est un personnage qui parlera autant aux garçons qu’aux filles. Il dispose d’un physique androgyne qui permettra à chacun de se projeter en lui. En décrivant un système volontairement dirigiste, l’autrice Molly Knox Ostertag veut manifestement grossir le trait des travers de notre monde. Aujourd’hui, il n’est presque plus de lieu qui soit absolument interdit aux femmes. Officiellement, tout est possible. Mais les freins sont donc plus discrets, plus sournois. En poussant la caricature, l’autrice vient mettre en évidence toutes les barrières qui sont encore à l’oeuvre dans nos sociétés occidentales. Elle vient surtout pousser les jeunes à se questionner. S’il est normal pour Aster de remettre en cause les traditions qui empêchent son réel épanouissement personnel, alors il est normal pour les lectrices comme pour les lecteurs d’en faire autant.

Ramener du quotidien dans la fantasy

Pour renforcer ses objectifs, Molly Knox Ostertag a choisi un artifice scénaristique adapté. Elle infuse un maximum de situations du quotidien dans son univers magique, de sorte à ce que lecteurs et lectrices puissent identifier des repères connus. Ce sont des moments simples mais représentatifs. Par exemple, Aster est invité fortement par ses camarades à participer à un jeu de conquête de drapeau. Un jeu qui, selon les autres enfants, les formera pour participer à leur tour à la lutte contre les DEMONS.

Un processus anthropologique assez bien identifié, que de remplacer la guerre par le jeu, mais qu’Aster ne souhaite pas partager alors qu’en tant qu’homme, telle serait sa place. Il est cet enfant timide et discret de l’école, que personne ne veut dans son équipe en sport parce qu’il fait perdre les autres. Garçon ou fille, on peut s’identifier. Et ces exemples parsèment toute l’aventure.

L'adolescence et la difficulté de trouver sa place

Autre grand enjeu du livre, son autrice veille à ce que l’ensemble des problématiques de l’adolescence puissent se comprendre par son propos. Le démon qui tourmente plus particulièrement la communauté d’Aster et qu’il va devoir vaincre, vient lui offrir une place simple à comprendre pour lui. Il est dans le trouble ? Les adultes ne le comprennent pas ? Son adversaire lui offre des réponses à son mal être. Homosexualité, radicalité religieuse ou politique, chacun pourra projeter ce qui le touche au moment de la lecture. Et commencer à réfléchir, via les choix et actions du héros, à la place qui est la sienne.

Là où un adulte pourra se montrer un peu déçu par le niveau de la prestation graphique de Molly Knox Ostertag, un adolescent pourra lui se montrer tout à fait satisfait. Ce n’est pas une question de qualité, mais d’adaptation au public. Le trait de l’artiste est simple. Elle met l’accent sur ses personnages, efface souvent les décors quand elle le peut, sans se montrer en difficulté quand il y en a.

Son objectif est sans nul doute la lisibilité. Elle s’adresse à un public qui n’est pas nécessairement biberonné aux comic-books. Elle veille à se montrer lisible, efficace. Elle ne veut pas perdre le lecteur. Elle ne craint pas, d’ailleurs, de dynamiser ses découpages suivant les scènes, ce qui montre cette bonne maîtrise des codes visuels de la bande dessinée.

Ce qu’il faut retenir du Garçon Sorcière, c’est l’idée que l’épanouissement personnel est préférable aux carcans injustes. C’est de la BD clairement orientée. Mais c’est une BD qui veut surtout amener les enfants et adolescents à réfléchir au monde qui les entoure. Ce qui en fait une lecture à partager largement. L'album est disponible au prix de 20 euros chez Kinaye.

Par Yaneck Chareyre
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