Après avoir travaillé avec lui sur L'Étrange Vie de Nobody Owens, le dessinateur Philip Craig Russell fait de nouveau équipe avec Neil Gaiman dans ce nouveau titre paru chez Delcourt, qui voit le dessinateur adapter l'une des pièces radiophonique du célèbre auteur britannique, pour un résultat hypnotisant.
On retrouve en effet dans ce Premier Meurtre toutes les habituelles obsessions de Neil Gaiman. Passionné par le mot création, son sens et ses multiples interprétations, religieuses comme scientifiques, l'auteur britannique nous propose ici un récit assez planant, qui s'ouvre sur la trouble quête de notre personnage principal, visiblement inspiré par (une partie de) la vie de son créateur, justement.
C'est dans les rues d'une Los Angeles qui le fascine et qui l'intimide qu'on découvre ainsi notre héros, qui après une drôle de soirée, comme souvent chez Gaiman (c'était aussi le cas dans How To Talk To Girls At Parties) va faire une découverte extraordinaire. Alors qu'il fume sur un banc, ce qui semble être un vieil homme sans domicile lui propose d'échanger une de ses cigarettes contre une belle histoire.
Gaiman oblige, celle-ci se veut totalement conceptuelle et carrément envoûtante. On ne peut hélas pas vous en dire plus sans gâcher votre plaisir, mais sachez qu'elle implique des anges et la création de notions aussi complexes que la mort ou l'amour. Un pitch très Gaimanien qui est parfaitement soutenu et très joliment adapté par les planches de P.Graig Russell.
Son élégant découpage aussi fluide qu'impressionnant permet de saisir, dans le vif, la puissance de la réflexion de Gaiman et son aspect surnaturel. Par ailleurs, le trait du dessinateur convient à merveille aux personnages, des anges caractérisés par une apparente perfection anatomique.
Mais Le Premier Meurtre aura aussi les défauts de ses qualités. Typique des récits de Gaiman, cette histoire et les idées qu'elle développe pourront faire fuir ses détracteurs ou même ceux qui ne trouvent pas leur compte dans des récits plus atmosphériques. De plus, certaines planches peuvent se révéler bavardes, ce que le découpage de Russell, certes inspiré mais souvent strict, a tendance à exacerber. Il faudra donc ménager vos attentes et interroger votre amour à l'égard de l'auteur avant de vous lancer.
Plongée fascinante dans les obsessions de Neil Gaiman, parfaitement sublimées par la composition savante et le trait de P.Craig Russell, le Premier Meurtre a tout pour séduire les fans de l'auteur anglais, et tout pour faire fuir les sceptiques de sa bibliographie. Un récit court mais poignant, qui peut dérouter, mais qui fait également réfléchir, et qui est ici servi par une très belle édition de Delcourt.