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par Arno Kikoo - le 21/09/2017
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par Arno Kikoo - le 21/09/2017

Never Go Home - Tome 1, la critique

Difficile d'affronter les affres de l'adolescence quand on est différent des autres. Surtout quand on est vraiment différent des autres. Never Go Home est une oeuvre forte et brutale qui nous emmène le temps de ce premier tome dans la fuite en avant, sauvage et désespérée, d'un duo aussi borderline qu'attachant. Entre romance criminelle façon True Love et la violence trash d'un Misfits (Glénat a bien su trouver ses références pour vendre sa nouvelle trouvaille), une aventure brute qui ne devrait laisser personne indifférent.

Quitte à être foutu, autant l'être pour de bon

En prenant un cadre adolescent, les scénaristes Matthew Rosenberg et Patrick Klindon ne peuvent échapper à quelques stéréotypes. Duncan est l'adolescent bizarre de type asocial, rejeté par les plus populaires de son lycée ; Madison est la jolie fille dont les copines sont légèrement pimbêches (ceci est un euphémisme), et qui sort avec le capitaine de l'équipe de foot.

Vous connaissez ce genre d'archétype, mais Rosenberg et son partenaire s'en sortent par une caractérisation assez exemplaire. Dans les dialogues notamment, qui développent avec nuances la relation entre Duncan et Madison. L'auteur amène en outre quelques éléments de plus à ses personnages. Ainsi, tous deux ont un lourd secret à cacher (bon, c'est dans le résumé : il est question de pouvoirs surnaturels), et le duo va être amené à prendre des décisions lorsque leur secret est révélé, après un tragique évènement. 

Les choses vont alors s'emballer très rapidement et aller dans des directions inattendues. Comme dit précédemment, on retrouve des passages classiques de ce type d'histoire mais les scénaristes s'appuient sur une belle construction des personnages, qui crée à la fois l'empathie pour Duncan et Madison, tout en mettant une certaine distance avec le récit. Parce que les héros n'en sont pas vraiment, et enchaînent mauvaise décision sur mauvaise décision, alors que les malheurs s'accumulent.

Pas le temps de réfléchir, il faut agir, et de ce point de vue là on comprend tant bien que mal les initiatives des personnages, loin d'être lisses. Mais c'est ce qui fait que l'on rentre dans le récit immédiatement : cette impression d'avoir des personnages crédibles, avec une personnalité propre, et qui peuvent - et vont - commettre de graves erreurs. Le titre de l'oeuvre est assez explicite en soi, puisqu'à plusieurs reprises les protagonistes franchissent des points de non retour, alors que les motivations ne sont pas forcément mauvaises à la base.

You shall not kill

Never Go Home, dans une certaine noirceur, propose également une réflexion sur la violence, et sa place dans les oeuvres culturelles. Parce qu'ici elle est graphique, mais l'auteur insiste surtout sur la brutalité, le côté imprévisible et soudain des actes les plus violents. Le lecteur n'est ainsi pas à l'abri du moindre retournement de situation, et il ne faudra jamais croire que les choses peuvent aller en s'améliorant. Non pas qu'il n'y ait pas de moments plus légers, voire de tendresse, qui permettent de calmer les nerfs lors de la lecture.

Mais l'ensemble provoque un certain malaise au fur et à mesure que l'on se rend compte, le surnaturel enlevé, que l'auteur dépeint des actes qui arrivent quotidiennement. Et pour lesquels il n'y a pas de quoi s'extasier. Un propos qui permet d'élever le récit au-delà de son esprit de polar énervé, et qui a dû avoir un impact plus important sur le sol américain puisqu'il s'attache notamment à l'aisance d'obtenir une arme à feu - et de l'utiliser - là-bas.

Au delà de ce message et de la tonalité brute du récit, Never Go Home se montre également très référencé, et bien ancré dans son époque. Avec ses deux héros ados, les mentions culturelles du livre se font assez nombreuses, notamment à la production super-héroïque. Le tout associé à un humour parfois grinçant, parfois tendre, qui ne tappe jamais gratuitement. Ce n'est pas pour rien que chaque chapitre porte le titre d'une chanson (de groupes de rock/punk), pour coller à l'esprit rebelle et no future de cette aventure.

Et mettons en avant aussi la partie graphique, assurée par Josh Hood et Brian Level. A quelques visages tordus près, leur travail est assez exemplaire. Que ce soit dans les personnages qui réussissent à véhiculer leurs émotions, mais aussi dans la mise en scène, qui sait alterner entre les moments calmes et les explosions de violence, Never Go Home se pose là aussi comme un titre visuellement fort. Mention spéciale également au travail effectué sur les couleurs par Amanda Scurti et Tyler Boss, et notamment aux fonds qui apportent une véritable plus-value à l'atmosphère du récit.

Très belle pioche de Glénat Comics que ce Never Go Home. Profitant d'une caractérisation exemplaire qui permet de déjouer les stéréotypes de l'histoire, le titre profite de multiples rebondissements, et surtout d'une aventure brutale et sans concession qui laisse le lecteur haletant.

Seule ombre au tableau, l'attente pour le second tome puisqu'il n'a toujours pas vu le jour aux US malgré son annonce en 2016. Mais si c'est là son seul défaut, vous aurez compris qu'il s'agit d'une lecture qu'on ne pourra que vous conseiller.

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