Y'a-t-il une vie après la mort ? Et si oui, ressemble-t-elle vraiment à un immense palais tout blanc dans les nuages avec un barbu qui garde l'entrée ? C'est la question que pose Reborn, paru chez Panini Comics. L'album est scénarisé par Mark Millar (Kick-ass, Kingsman, Chrononauts...) et dessiné par Greg Capullo (Spawn, The Creech...). Un beau duo qui nous propose ici une oeuvre soignée qui, si elle est discutable sur certains plans scénaristiques, est particulièrement divertissante.
La vie après la mort, c'est le bazar
Reborn raconte l'histoire de Bonnie, une ex-institutrice, maintenant à la retraite. Très vieille, Bonnie a vu une bonne partie de ses proches mourrir et angoisse à l'idée d'y passer à son tour. Suite à un infarctus, elle passe finalement l'arme à gauche et se réveille dans un monde en proie à une guerre sans merci : l'Adystrie. Bonnie n'est plus une vieille femme, elle a regagné ses vingt-cinq ans et apprend de but en blanc qu'elle est la sauveuse de ce monde, venue ici pour terrasser le grand chef des méchants, l'impitoyable Lord Golgotha.
Ainsi débute Reborn. Comme c'est un one-shot, le récit ne tarde pas à nous annoncer la couleur, et si Bonnie est un peu sonnée en débarquant dans un tout nouveau monde en proie à une guerre, on comprend très vite les tenants et aboutissants de l'histoire. Il faut dire que le pitch n'est pas très révolutionnaire : dans ce monde post-mortem, les gentils vivent ensemble du bon côté, tandis que ceux qui ont fait le mal se réincarnent en trolls, orcs et autres sales bêtes et tentent d'envahir le monde des gentils. Si le scénario est assez basique, c'est en travaillant les personnages que Mark Millar nous montre ici son talent.
Bonnie est une personne sans histoire, qui a fait preuve de bonté toute sa vie. Après la mort, elle n'a pas vraiment de raison de devenir une guerrière. Mais c'est justement sa bonté qui fait sa force dans l'autre monde, et qui fait d'elle une cheffe d'équipe, venue pour rétablir la paix. C'est ainsi que ça marche : plus on est bon ici, plus on sera fort là-bas. Et de toute façon, une prophétie a annoncé qu'elle terrasserait Lord Golgotha donc c'est à ça qu'elle va s'employer.
Une fable sur l'acceptation de la mort
On est d'accord que le côté prophétique est un peu facile dans une fiction : on annonce que tel personnage fera ça un jour, donc mécaniquement il poursuit ce but sans relâche (Harry Potter, je t'aime mais je crie ton nom). Ici, on a une héroïne certes puissante mais sans armée ni entraînement, qui décide de terrasser le grand méchant juste parce que tout le monde lui dit que c'est ce qui doit arriver. Mais d'autres détails de type "le hasard comme par hasard" nous titillent à la lecture de Reborn. Le chef des gentils est son père, la reine des fées est sa meilleure amie et même le boss des méchants est quelqu'un qu'elle connaît. En fait, ce monde d'après qui est sensé accueillir tous les morts d'une façon ou d'une autre, tourne entièrement autour d'elle. Pourquoi ?
Tout simplement parce que d'après moi, il ne faut pas lire Reborn comme un simple récit d'aventure, mais comme une fable, avec un message à faire passer. Bonnie a peur de la mort, elle ne veut pas finir ses jours alors même qu'elle est très vieille et qu'elle vit dans un hôpital. Millar n'est pas moralisateur dans son récit, mais on ne peut pas s'empêcher à la fin de l'histoire de s'identifier à l'héroïne. Je ne peux pas en dire plus sans révéler la fin de l'histoire, mais le rapport au deuil, et à la mort de manière générale, est raconté de façon plutôt saine.
Alors certes, Reborn n'est pas le comics de l'année. Mais c'est un récit d'aventure épique, porté par le trait dynamique et propre de Greg Capullo. À la fin de l'histoire, j'ai eu une petit larme à l'oeil et une vraie réflexion, que Mark Millar a je pense voulu déclencher.