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par DoctorVin's - le 13/02/2018
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par DoctorVin's - le 13/02/2018

Renato Jones, un pamphlet cathartique par le Frank Miller de gauche

1% de la population détient plus de la moitié des richesses du globe : ils utilisent leurs fortunes pour se placer au-dessus des lois, jouer avec les vies de milliards de personnes et assouvir leurs fantasmes les plus sordides. 

Qui pourra les faire payer ?

C’est à cette question que veut répondre Kaare Kyle Andrews avec Renato Jones, une série qu’il a créée, écrit, dessiné, colorisé et qui lui appartient (il y tient). Publiée outre manche depuis mai 2016, la série arrive enfin dans nos contrées sous l’impulsion de l’éditeur Akileos. Le récit bénéficie d’ailleurs d’une édition soignée, agrémentée de quelques bonus toujours appréciables sur la création de l’oeuvre.

À la question "qui pourra faire payer les 1%", Kaare Andrews a une réponse et elle s'appelle : 

Renato fait pourtant partie de ces privilégiés. Il a grandi dans ce milieu, mais pourtant il n’y est pas né, et s’y est retrouvé par un concours de circonstances et ne s’y est jamais senti à sa place. Étant à la fois à l’intérieur et hors du système, il est probablement la meilleure personne pour le faire exploser.

Seul maitre à bord, Kaare Andrews nous livre une oeuvre engagée, il s’agit même d’un véritable pamphlet, on en retrouve en tout cas toutes les caractéristiques, de la dénonciation à la caricature. Mais il est parfois étonnant (dérangeant?) de voir que la caricature n’est finalement pas si éloignée de la réalité. Si vous cherchiez une oeuvre subtile, passez votre chemin, l’auteur est énervé et le fait sentir.

On se retrouve donc avec une histoire déjantée, des personnages caricaturaux, des dialogues percutants et de l’action over the top. Kaare Andrews a une liberté absolue sur son oeuvre et se permet d’aller toujours plus loin en réalisant une histoire cathartique, et ce autant pour lui que pour le lecteur. On note tout de même que l’auteur essaye de nuancer son récit, et c’est finalement la variété de personnages archétypaux qui apporte cette nuance. 

L’artiste s’en sort donc plutôt bien au scénario malgré un rythme inégal voire étrange, probablement dû au fait que les numéros n’ont pas tous la même pagination (on peut passer de 35 à 26 pages d’un épisode à l’autre). Andrews s’éparpille peut-être aussi dans un trop-plein d’idées, peut-être a-t-il manqué d’un cadre ? Ironiquement, Kaare Andrews rappelle dans les bonus que « L’Art AIME les contraintes », peut-être lui en aurait-il fallu un peu ? 

En ce qui concerne la partie graphique, c’est un festival d’inventivité, hormis quelques cases illisibles, il n’y a rien à jeter. La mise en page et le storytelling sont des plus créatifs, l’auteur se fait plaisir et cela se sent. Il s’amuse aussi avec les couleurs et l’absences de couleurs.

Si certains pouvaient encore douter de l’influence de Frank Miller sur Kaare Andrews, ce n’est plus possible. Que cela soit au niveau du découpage, du dessin ou de la colorisation, l’ombre de Frank Miller se fait sentir, mais Andrews arrive tout de même à imposer son propre style. D’un point de vue thématique l’influence de Miller se fait elle aussi ressentir. En fait, Kaare Andrews c’est un peu le Frank Miller de gauche*.

Même si le cliffhanger final nous tient en haleine, je me demande comment l’auteur va tenir la série sur le long terme, car les personnages n’évoluent finalement pas tant que ça au cours du récit (le problème avec les archétypes). Le concept d’un pamphlet cathartique risque aussi de peut-être devenir lassant s’il n’évolue pas un tant soit peu. Renato Jones est donc une série très prometteuse à surveiller, de même que son auteur Kaare Kyle Andrews

*même si le positionnement politique de Frank Miller reste à débattre.

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