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par Corentin - le 24/01/2018
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par Corentin - le 24/01/2018

Rick & Morty, le multivers fonctionne aussi en deux dimensions

Piégée dans l'attente de créateurs qui avancent à leur rythme, la série animée Rick & Morty patiente. Orphelin, le fan avait déjà bouclé sa collec' de Pocket Morty ou tremblé devant l'imminence d'une parodie porno' pour le moins dérangeante - et puis ? Et puis il y a le comics. Sorti en aval de la première saison, la parution Oni Press s'était découverte il y a bientôt quatre ans. L'adaptation traverse enfin l'Atlantique, servie par les bons soins de la jeune (mais pas farouche) maison d'édition Hi Comics, pour le plaisir d'un public qui aura massivement investi l'univers de Harmon et Roiland après une arrivée remarquée sur Netflix l'an dernier. Constat général : l'esprit y est, et oui, le comics à licence réussi n'est pas un énième mensonge des médias. Pistoportal ouvert sur un monde en deux dimensions, où rien ne se perd si ce n'est le doublage.

Le schwifty à l'ancienne

L'adaptation en BD de Rick & Morty colle peu ou prou à l'inventivité de la première saison. L'époque y était plus récréative, moins dans l'analyse parfois glaciale du monde dysfonctionnel de Rick Sanchez, la série ayant évolué avec son public au fil des années. On retrouve ce côté ludique, ce monde de tous les possibles, où se bousculent une promesse tissée de références culturelles, de déconstructions de théories scientifiques et d'une critique de la société, toujours pertinente. Pas mal d'auto-références viennent aussi s'insérer çà et là, pour le plaisir des fans.

Chaque numéro se découpe comme un épisode de vingt minutes - compartimenté. On retrouve les codes, de la lecture méta-fictive qui commente ses propres effets, des personnages qui bégayent, butent sur les mots, et chargent leurs phrases de tics de langages retranscris en VF. Avec plus ou moins d'efficacité, sur des locutions comme don't even trip dawg moins évidentes dans nos codes culturels, mais l'esprit est sauf. Zac Gorman a compris l'écriture d'Harmon et Roiland, et adapte à merveille le rythme et l'enchaînement des dialogues avec brio. Côté dessins, on retrouve une version sobre de style cartoon inspiré des Simpsons, aux contours plus crayonnés, aux couleurs plus descendues, mais avec la même générosité de bestiaire d'aliens, de vaisseaux et de monstres bariolés. 

Le scénario passe par différents moments : critique du capitalisme, parodie de slasher adolescent, la cruauté usuelle du genre qui découpe ses aventures comme une énorme moquerie à l'esprit bon enfant des dessins animés à l'ancienne. Ça insulte, ça décapite, ça déteste Jerry et ça propose des services sexuels d'enfants à la magistrature alien : on aime, et on n'aurait pas fait sans.

Burger Time

Cette fidélité nourrit la lecture : plus qu'un comics besogneux lancé pour amasser quantité de biffetons, Adult Swim se paye les honneurs d'une véritable extension de l'univers. Bienvenue, en définitive, il n'y a pas tant d'épisodes que ça de Rick & Morty, malgré l'assez belle promesse d'un monde aux possibilités infinies. 

Encore aux balbutiements, ce volume ne sera pas le plus riche sur les innovations. On y retrouve tout de même un Morty déjà plus rebelle et moins léthargique que sous Harmon et Roiland, avec un Rick moins cruel, qui cache moins son affection pour son petit-fils candide (ou neuneu). On y retrouve aussi quelques moments choisis, en fin de volume, dans des histoires courtes brillantes qui évoqueraient les after credits des épisodes, ou simplement, l'idée que le monde de la série évolue en hors champs dans des gags assez parfaits. De manière générale, on se marre beaucoup, et impossible de s'ôter de la tête la voix des doubleurs en parcourant les bulles de dialogue, qu'elles soient ou non dans la langue d'origine.

A noter certaines fins rushées en point noir principal, et l'impression sur la fin du volume que la formule ne gagne pas toujours à trop se répéter. Si le comics aussi évolue par la suite, le retour à cette époque moins dense dans l'écriture a le défaut de ses qualités, encore trop simple pour ce que la série sera devenu. Néanmoins, dans l'ensemble, difficile d'extrapoler plus loin : la série en BD est la série en animation, à une continuité près, à une absence de mouvement près. On attend de la voir rattraper les moments de douleurs terrifiants de l'animé, le background d'un certain Evil Morty et on remercie les auteurs de ne pas être tombés dans le piège (régulier) de l'auto-satisfaction. Le complément fonctionne, et vu le temps qui nous sépare de la prochaine saison, rattraper le retard en reliés sera une habitude à prendre pour les gros fans de la série.

En résumé, un vieux dépourvu de morale, un enfant naïf, des aliens aux designs curieux et un univers où le tout est le n'importe quoi. Rick & Morty ne déçoit pas dans sa version 2D, on s'étonne même de retrouver un tel degré de ressemblance par endroits, sur le timing de blagues loufoques, ou l'envie de pousser toujours plus loin les possibles de l'idée originelle. Parfois cruelle, toujours drôle, la BD fera plaisir aux (nombreux) passionnés de la série. A noter cependant, comme tout produit à licence, qu'il est évidemment utile ou indispensable d'avoir fait connaissance avec le show au préalable - et si vous débutez, ça a l'air mignon, mais ne l'offrez pas à vos gosses. Pour vous par contre, il sera disponible au prix de 15 euros chez Hi Comics.

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