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par Republ33k - le 15/01/2016
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par Republ33k - le 15/01/2016

Spider-Gwen - Tome 1, la critique

Quand il dessine pour les comic books indépendants, il nous offre des merveilles comme Southern Bastards. Et quand il écrit pour les comic books mainstream, Jason Latour est aussi capable du meilleur, comme vient nous le prouver Panini Comics ce mois-ci avec un premier tome de Spider-Gwen

Si vous n'avez jamais entendu parler du titre - mais j'en doute fortement, au regard de sa popularité outre-atlantique - commençons par un petit rappel. Spider-Gwen n'est jamais que l'une des très nombreuses versions alternatives du personnage de Spider-Man, que les lecteurs ont pu découvrir dans les événements de la série Spider-Verse. Elle est la "tisseuse" d'une réalité dans laquelle Peter Parker est décédé, et où Gwen Stacy, l'amour de sa vie, a été piquée par la fameuse araignée radioactive. Une inversion des lignes de l'univers Marvel qui avait su capter l'attention des lecteurs. Une apparition et un concept accrocheur plus tard, la voilà au centre d'une mini-série permise par l'événement Secret Wars, qui joue avec toutes les réalités et dimensions parrallèles de l'univers Marvel. Et au milieu de titres parfois géniaux mais souvent anecdotiques, Spider-Gwen n'a aucun mal à briller.

Réponse évidente à la Batgirl nouvelle génération de DC, la série Spider-Gwen de Marvel a la chance d'être bâtie sur des fondations peut-être plus souples. Une réalité alternative, déjà, qui offre une liberté tout bonnement salutaire à Jason Latour, et une contextualisation plus subtile, ensuite. Moins figée dans une époque faite de hashtags, de Starbucks et d'applications en tous genre, la série Spider-Gwen est bien moins ciblée que sa distinguée concurrente. On prendra en exemple l'utilisation qui est faite du smartphone dans les deux séries. Outil de drague ou gadget surpuissant dans Batgirl, et simple moyen de connexion d'une fille à son père dans Spider-Gwen.

Si le titre de Marvel est lui aussi très Girly, en témoigne la présence non négligable du groupe de rock The Mary Janes, dans lequel Gwen est batteuse, il a le mérite de ne pas enfermer son personnage et son intrigue dans des concepts trop marketés pour être efficaces artistiquement parlant. Moralité, Spider-Gwen parle, et avec beaucoup d'adresse, de la pertes de repères à l'adolescence, sous bien des aspects, et pour un résultat souvent émouvant. J'ignore si on calque la nostalgie d'une bonne histoire de Spider-Man - souvent aussi touchante que drôle - sur le scénario de Jason Latour ou si celui-ci est réellement brillant, mais une chose est sûre : l'auteur nous fait adopter le concept en moins de temps qu'il ne faut pour le lire.

Belle histoire, donc, qui peut compter sur une utilisation débridée mais pas stupide de la dimension alternative à sa disposition. Le Capitaine de police Stacy est donc toujours en vie, et protège tant bien que mal le secret de sa fille, en guise de métaphore sur l'indépendance progressive de sa progéniture.  De son côté, Frank Castle est toujours flic, et bien décidé à arrêter les fauteurs de troubles, qu'ils soient armés d'un flingue ou d'un lance-toile. Et enfin, on découvre un Matt Murdock toujours aussi impeccable de classe et de flegme, mais qui a dédié sa vie au crime organisé - un vilain conceptuel mais on ne peut plus prometteur. Ajoutez à cela l'apparition d'un Spider-Ham en guise de sidekick imaginaire à la Lewis Carroll, et vous avez une formule gagnante de Spider-Gwen, une histoire drôle, touchante, et réellement rafraîchissante.

Du côté de l'expérience visuelle, on ne boudera pas non plus notre plaisir, puisqu'on retrouve Robbi Rodriguez du côté des dessins. Le dessinateur américain s'inscrit dans la droite lignée des artistes un peu plus "street" employés par Marvel dans ses nouvelles séries. Proche d'un Tradd Moore sur Ghost Rider, Rodriguez nous offre des planches très dynamiques (sublimées par les couleurs vives de Rico Renzi) et dans l'air du temps, qui correspondent donc parfaitement à leur personnage principal. Mieux, il fait preuve d'un certain talent dans l'exagération, avec des cases qui sont plus typiques des bandes-dessinées asiatiques, Manga en tête, et qui sauront faire honneur à l'agilité et à la force de notre chère Spider-Gwen. Rien de transcendant sur le plan purement séquentiel, mais des planches hyper-léchées et en accord complet avec le sujet de cet album.

Et lorsque ces cases et ces phylactères rencontrent l'histoire très affranchie de Jason Latour, le mélange fait mouche. Au-delà de la puissance du concept - qui ressuscite un personnage mort pour en faire le héros de l'histoire, en lieu et place du héros habituel - on commence donc à comprendre ce qui a poussé le public américain à soutenir d'une manière aussi démesurée Spider-Gwen, série qui n'est pourtant pas exempte de défauts. A plusieurs reprises dans les pages de l'album, on peut en effet tiquer sur des ellipses et une gestion du rythme parfois hasardeuses. Mais qu'on se le dise, même cette temporalité, un peu brouillone par moments, ne saurait nous faire oublier tout l'amour et le fun qui se dégage des planches de Robbi Rodriguez et Jason Latour.

Petit mais brillant détour dans une réalité où Gwen Stacy est devenue Spider-(Wo)Man, ce premier tome de Spider-Gwen est une vraie petite réussite qui transcende son concept diablement accrocheur et son orientation un rien girly. Mieux, on retouvera dans cette aventure signée Jason Latour et Robbi Rodriguez toute la saveur d'une belle historie du tisseur. À ne pas manquer.

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