Dans un futur proche, l'humanité est contaminée par une nouvelle maladie sexuellement transmissible. Mais à l'inverse du SIDA ou de la syphillis, celle là, beaucoup souhaitent l'attraper. Car le Beauty, c'est son nom, corrige les défauts physiques de chacun, gomme les imperfections liées à l'âge, et rend beau. Dans une société déjà dominée par l'image et le culte de l'apparence physique, cette maladie n'a pas pour effet de discriminer les infectés, bien au contraire. Arrive alors une lutte idéologie, économique et politique pour enrayer cette épidémie, pour laquelle l'humanité pourrait bien payer le prix ultime.
Série parue originellement (et toujours en cours) chez Image Comics, The Beauty est la nouvelle entrée du catalogue de Glénat Comics. Servi par Jeremy Haun et Jason A. Hurley, le titre s'inscrit dans un mélange entre horreur, science-fiction (dans le côté scientifique) et thriller brutal, qui permet à ses auteurs de brasser de nombreuses thématiques Ô combien actuelles. Et c'est bien dans ce rapport au réel que la dimension horrifique de The Beauty est la plus frappante. Les auteurs opposent la peur de la maladie et de la mort au désir irrépressible de chacun d'être accepté dans la société, la mise en valeur de l'apparence, et la confrontation qui s'ensuit puise dans ce que la nature humaine peut produire de plus odieux. On verse donc dans les déviances des comportements humains, comme si une MST pouvait être utilisée en outil politique, voire en outil de pouvoir, au vu de ses conséquences, dans un premier temps séduisantes, puis horrifiantes.
Le mélange des genres est efficace, et se rapporte à des questions d'actualités qui là aussi font froid dans le dos. En versant dans le thriller un brin complotiste, on se retrouve à fréquenter les grands groupes pharmaceutiques et leur exploitation d'une maladie pour en tirer un profit, la mise en compétition des malades en fonction de leur situation sociale, les manipulations et les techniques de communication pour tromper le grand public. Et au milieu de tout ça, en se plaçant à l'échelle de deux agents d'une force policière spéciale pour les affaires liées au Beauty, c'est aussi un monde d'une très grande violence qui se montre à nous. Groupuscules idéologiques, terrorisme, revendications armées et attentats : en bref, on ne rigole pas dans cette enquête au rythme assez endiablé, servi par des rebondissements franchement haletants.
The Beauty présente ainsi une galerie de personnages corsés, aussi intéressants par leur personnalité, généralement nuancée, que par certaines figures qui tiennent du pur méchant de comic book. On pense notamment à Cavaleras, croque-mitaine pervers au service des puissants qui en fera frémir plus d'un - et à cet égard, on mettra là un petit avertissement pour les frileux de la violence graphique, qui a droit à quelques fulgurances au cours du récit. Une histoire d'ailleurs dont la suite se fera bien attendre, avec une orientation qui pourrait s'avérer radicalement différente sur le second tome. Ne reste qu'à mentionner le dessin de Jeremy Haun (qui travaille de concert avec John Rauch), efficace et précis pour délivrer une ambiance anxiogène, dans un style assez réaliste. Et dont on ressent une certaine influence cinématographique dans le genre, l'esprit polar et horreur étant particulièrement marqué.
The Beauty fait partie de ces titres indé qui se laissent découvrir avec grand plaisir pour qui recherche un minimum de sensations fortes. Le pitch est immédiatement accrocheur et soulève de nombreuses questions, avec le recul, sur le fonctionnement du monde. Mais Haun et Hurley diluent leur message dans un thriller horrifique assez percutant, qui jouit d'un bon travail sur ses personnages et les retournements de situation. Une curiosité qu'on vous invite à découvrir, si le comic book de genre vous plaît.