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par Republ33k - le 8/11/2016
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par Republ33k - le 8/11/2016

The Last Days of American Crime, la critique

Dorénavant bien connu du public français grâce au travail d'Urban Comics sur sa bibliographie, l'éditeur nous ayant offert Black Science, Low, Deadly Class et Tokyo Ghost ces derniers mois, Rick Remender voit ses écrits être traités par d'autres maisons. On pense notamment à Akileos et ses belles éditions de Fear Agent et la nouvelle structure Jungle Comics, qui avec la republication de The Last Days of American Crime, s'offre un beau morceau.

Lire aussi : notre portrait de Rick Remender

Mais avant de parler de son contenu, revenons brièvement sur le bouquin en lui-même, justement. Proposé au prix (fort) de 25 euros, l'album compile les trois (seuls) numéros qui composent cette histoire. Certes plus longs que la moyenne américaine, ces trois chapitres et quelques bonus ne justifiaient sans doute pas une tarification aussi contraignante, même si la précédente édition - chez Emmanuel Proust - se permettait d'éditer le récit à la franco-belge dans pas moins de trois albums à quinze euros chacun. Ceci étant dit, on peut désormais passer à l'histoire en elle-même.

En l'occurrence, The Last Days of American Crime nous plonge - une fois de plus chez Remender - dans une ambiance futuriste et dystopique : les Etats-Unis sont devenus une vraie zone de non-droit, et ce sont désormais les américains qui cherchent à fuir leur pays pour couler des jours plus sereins au Mexique ou au Canada. Ceux qui n'ont pas la chance de passer les frontières ont alors le choix : une vie hyper-surveillée ou une liberté décadante. Et pour son récit,  originellement paru en 2010, Remender choisit de nous présenter le quotidien de ceux qui vivent un far-west 2.0. La mort, la drogue et le sexe s'invitent à tous les coins de rue : le crime est donc partout.

Mais tout ça risque bien de changer puisque les Etats-Unis lanceront dans quelques jours l'IPA ou Initiative de Paix Américaine, qui tuera le crime en retirant l'argent liquide du pays, mais aussi en contrôlant, en quelques sortes, les pulsions de ses habitants. Un contexte plutôt intéressant et qui va faire le sel de cette histoire riche en violences et en rebondissements, mais qui aussi, quand on y pense, est assez incohérent. En effet, l'idée de base, c'est à dire retirer l'argent liquide de l'équation pour ne conserver que les transactions numériques, n'a pas tellement de sens puisque Remender nous montre un monde du crime tout à fait capable de trouver des alternatives, grâce à des Hackers ou des fabricants de monnaies clandestines, par exemple.

Par ailleurs, tout l'enjeu du récit reposera sur le braquage d'une banque le jour de la transition du liquide au numérique. Or, on a du mal à croire que les billets qui seront volés par nos héros puissent valoir le moindre copec une fois la transition effectuée. Il y a donc un petit souci dans cette diégèse, qui est au-delà de cela embrouillée par des passages un peu obscurs dans lesquels on ne comprend pas tellement les motivations de nos personnages. A n'en pas douter, Rick Remender a trop ou trop peu de pages à sa disposition et on a honnêtement l'impression de survoler le bouquin lors de plusieurs passages clés.

Malgré tout, le récit reste prenant, notamment parce que Remender a un don presque malsain pour la gestion de l'ultra-violence, qui sert son propos au moment où on s'y attend le moins. On pense notamment à une fusillade de rue très sanglante, qui s'avère être l'un des moments les plus émouvants de l'album. On reconnaît bien là un auteur qui semble toujours lutter contre ses démons à travers les personnages et les situations qu'il décrit. The Last Days of American Crime ne fait pas exception et nous propose ainsi une galerie de personnages terriblement attachants, mais hélas très archétypaux, de véritables prototypes des futurs héros des séries de Remender.

Du côté des dessins, on retrouve le dessinateur brésilien Greg Tocchni, quelques années avant l'excellent Low. Et en l'occurrence, son travail sur The Last Days of American Crime souffre des mêmes problèmes que son premier arc situé sous l'eau. Certes, la plupart des planches sont magnifiques et les compositions se veulent originales, mais trop souvent, on ne sait pas où regarder. Quelque part, on pourrait dire que le regard perdu du lecteur sert le propos de cette série, dans laquelle on doit faire face à de vraies fresques de violence ou de luxure. Le but du dessinateur et de son scénariste étant alors de choquer, de nous faire décrocher, tout simplement.

Et en ce sens, les planches de cet album sont, malgré un manque de lisibilité, réussies, car le trait très organique de Tocchini et ses couleurs restituent parfaitement le chaos ambient de The Last Days of American Crime. Reste à savoir si vous êtes prêts à vous abandonner à une lecture parfois hostile pour votre regard. Mais qu'on se le dise, les amoureux des courbes "à la Tocchini" risquent de ne pas être déçus par cette ambiance néo-noir débridée.

Présentant un univers intrigant mais plein de failles, The Last Days of American Crime préfigure le style et les obsessions actuelles de son auteur. En ce sens, les amoureux de Rick Remender - et nous en faisons partie - devraient trouver leur bonheur dans cet album. Mais il conviendra de se familiariser avec le style parfois très dur à suivre de Gregg Tocchini et savoir si le titre vaut ses 25 euros. On vous laisse maîtres de cette décision en rappellant, à tout hasard, que Rick Remender est l'un des génies du comic book moderne.

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