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par Arno Kikoo - le 11/01/2019
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par Arno Kikoo - le 11/01/2019

The Old Guard Tome 1 : la violence pour l'éternité

Entamons le début d'année avec l'arrivée d'une des dernières propositions de Greg Rucka dans les publications de Glénat Comics, auteur déjà bien représenté chez l'éditeur français avec Lazarus ou Black Magick. Avec The old guard, on se tiendra plutôt du côté du premier récit, aux côtés d'un groupe de personnes immortelles, qui ont fait de leur condition un hymne à la violence. Comme une forme d'échappatoire face à leur terrible condition. Une histoire âpre à l'écriture très efficace, et magnifiquement servie sur sa partie artistique.

Andy est une mercenaire, et cheffe de file d'un groupe armé qui vend ses services pour effectuer des missions on ne peut plus périlleuses. Leur secret : chacun est affligé d'immortalité. Une affliction, puisqu'il ne s'agit pas d'être indestructible, bien loin de là. Mais simplement de ne pouvoir mourir, quand bien même un corps aura été truffé de balles jusqu'à n'en être qu'un amas de chair. Évoluant parmi les hommes, pour certains depuis plusieurs siècles, Andy et ses camarades auront traversé les incessants affrontements et guerres qui jonchent l'Histoire, tout en restant plus ou moins cachés. À l'heure de la modernité et d'internet, une nouvelle mission s'avère être un piège, et le secret de tout le groupe est menacé. Pour le protéger, tous les moyens seront bons.

Greg Rucka est un habitué des polars et un amoureux des histoires où espionnage et policier se mêlent. The Old Guard peut se placer dans la lignée d'autres créations indé telles que Queen & Country ou Lazarus, quand on pourra retrouver un amour du genre que l'auteur avait placé chez les majors comme Gotham Central ou son passage sur The Punisher. Avec The Old Guard, l'auteur s'en donne à coeur joie dans l'action avec des ficelles assez classiques du thriller moderne, qui n'empêchent pas d'aller se poser de temps à autre du côté des différents protagonistes et de leurs motivations. Au delà de l'aspect particulièrement énervé de l'intrigue et ses rebondissements, Rucka s'interroge en effet sur l'immortalité, qu'il voit ici comme une malédiction plus qu'autre chose. Le plus grand ennemi d'Andy et de ses collègues ne sont pas l'ensemble des forces déployées qui cherchent à s'approprier leur "don", mais bien le temps, et ce qu'il leur a enlevé.

Par la violence de son récit, le scénariste montre clairement le comportement auto-destructeur qu'ont tous ses héros, Andy étant la plus difficile à cerner, se rapprochant de ces anti-héros qui n'ont "rien à perdre" - avant qu'un élément perturbateur n'arrive sur son chemin. À côté, le couple formé par Nicky et Joe a quelque chose de bien plus touchant dans leur relation et la façon dont elle s'est construite - montrant également les choix toujours assumés de Rucka, qu'il s'agisse de personnages féminins forts, et pour la communauté LGBT+. Si le méchant principal répond à certains archétypes, la science du dialogue de l'auteur se laisse une nouvelle fois apprécier : punchlines cisaillantes (la traduction est efficace de ce côté), quelques très jolies tournures, et une empathie immédiate pour qui doit la recevoir.

Là où l'on sera plus regardant, une fois les idées de Rucka bien en vues sur ce qu'il pense de l'immortalité et de ce que le temps permet de construire et détruire, c'est sur l'intrigue dans son ensemble. On le disait plus tôt, les ficelles sont assez visibles, et on ressent par moments quelques envies de faire du remplissage avec une action qui s'étale sur plus de pages que nécessaires. Avec des instants d'ultra-violence qui pourraient être difficiles, même pour les moins sensibles. Qu'à cela ne tienne, c'est l'intensité de l'action qui cause aussi le plaisir de lecture, et on le doit au dessin de Leandro Fernandez. L'artiste, au style bien défini, livre là une bien belle performance, travaillée et lisible. On appréciera une utilisation poussée du clair obscur, qui le rapproche d'un Mignola ou d'un Eduardo Risso, tout en conservant un trait personnel. Le découpage est immersif, la mise en scène s'étalant sans aller jusqu'à la surcharge. Une réussite qui prévaut aussi par une colorisation qui mise sur la simplicité, par une Damiela Wima bien en forme. Elle privilégiera les fonds unis plutôt qu'un mélange de nuances, ce qui sied au trait de Fernandez. Pour les amateurs du genre, un régal, tout simplement.

Une belle ouverture en indé' à découvrir en ce début d'année. The Old Guard montre que Rucka ne perd pas de son efficacité quand il s'agit de verser dans le thriller d'action (armée) musclée. Avec une héroïne complexe et un ensemble de personnages attachants, le scénariste propose un discours intéressant sur le temps et la façon de l'occuper dans le vivant, avec au premier plan une intrigue haletante, magnifiée par le trait sans pareil de Leandro Fernandez. Il faudra hélas patienter du fait que le second volume n'a toujours pas débuté de l'autre côté de l'Atlantique. Mais si nous ne sommes pas immortels, nous pouvons bien attendre un peu. Le premier tome est à retrouver au prix de 16,95 euros chez Glénat comics !

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