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par AntoineBigor - le 28/04/2016
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par AntoineBigor - le 28/04/2016

The Valiant, la critique

L'histoire éditoriale de Valiant en France n'a pas toujours été simple. L'éditeur américain mort-né dans les années 90 n'a débarqué sur le sol français qu'à l'occasion de sa résurrection dans les années 2010 grâce à Panini Comics, lors desquelles il n'a pas rencontré le succès escompté. Après quelques années de publication, l'éditeur d'origine italienne abandonna ainsi la licence. Mais en 2015, le géant chinois DMG Entertainement y investit plusieurs centaines de millions de dollars pour définitivement relancer la machine.

En France, il aura fallu attendre l'impulsion des deux hommes derrière Bliss Comics pour relancer Valiant d'une toute autre manière : en proposant à la fois une grande partie du catalogue directement en numérique tout en sortant quelques titres en librairie. Et pour (re)commencer l'experience, Bliss Comics a choisi deux titres plutôt abordables, dont celui qui nous interesse aujourd'hui, The Valiant, crossover maison censé introduire son univers et ses héros.

C'est un cahier des charges assez pesant qui a été confié aux scénaristes Jeff Lemire (Sweet Tooth, Green Arrow) et Matt Kindt (Unity, Suicide Squad). L'exercice de style que propose le concept de The Valiant semblait toutefois plaire aux scénaristes, notamment à Lemire, connu pour l'originalité de ses structures narratives. Ils commencent d'ailleurs fort en introduisant tout un background historique à un mystique personnage,qui servira à révéler la menace globale qui pèse sur le monde. Passée cette efficace introduction, l'ouvrage raconte donc la lutte de la Géomancienne de notre époque, qui va devoir s'unir avec le soldat augmenté Bloodshoot pendant que le gouvernement et le Guerrier Eternel réunissent les héros en activité sur la planète.

Les scénaristes s'amusent d'entrée de jeu avec la complexité et l'incohérence de l'univers en surfant sur nos attentes et en usant de pas mal de meta dans la caractérisation de leurs personnages. Le premier épisode est en cela bourré de bonnes petites idées parsemées ça et là, mais quelque peu noyées dans une écriture finalement très mathématique et mécanique dans sa façon d'enchaîner les poncifs et évidences.

Un passage malgré tout obligatoire pour ouvrir sur autre chose : une aventure à la frontière de la fantasy. Dès le deuxième épisode, on sent un Lemire un peu plus libre dans son écriture et ses délires, même s'il écrit ici une traque assez simple. Mais en essayant de minimaliser les enjeux pour les recentrer sur quelques personnages principaux, le scénario gagne en clarté et en fluidité ce qu'il perd en richesse et en ouverture sur l'univers qu'il est censé introduire.

Comme si, passée l'introduction trop balisée, Jeff Lemire et Matt Kindt se forçaient à rester dans des clous, alors qu'ils pourraient enfin partir dans tout les sens. Malgré tout, les auteurs livrent un récit intéressant, bourré d'action et assez touchant dans le rapport qu'il développe entre ses deux personnages principaux. L'auteur de Trilium y injecte une bonne dose de sa sensibilité et fait preuve de son talent pour créer des relations criantes de vérité en quelques dialogues. Les tirades de l'Ennemi Immortel portent également ce lyrisme et ce double sens qu'apporte souvent Lemire à ses récits. L'aspect "présentation de tous les personnages" s'efface également peu à peu pour embrayer sur ce qui ressemble plus à une série de caméos et l'offre d'une réelle conclusion. Ça peut sembler un peu limite au regard de l'ambition affichée de la série, mais cet aspect ce trouve être finalement assez bienvenu pour la cohérence du récit.

D'autant que The Valiant compte un argument de poids : les dessins de Paolo Rivera. L'artiste, qui a explosé sur les premiers numéros de Daredevil de l'époque Mark Waid, a pris du galon et fait preuve d'une grande maîtrise dans son style. Comme l'expliquent les bonus en fin d'ouvrage, ce travail fut à moitié réalisé en numérique, expliquant des compositions très carrées et un style et des lignes étonament propres. Mais heureusement, le dessinateur se permet par moment quelques excentricités sur certaines cases, laissant même Lemire en dessiner quelques-unes pour une mini-histoire parallèle. Et si ces planches sont magnifiques, elle se révèlent un peu sages comparées au potentiel de l'artiste. Malgré tout, elles prennent une autre dimension une fois les couleurs et l'encrage (réalisé par Joe Riviera - son père) appliqués. Le choix de couleurs très vives dans une ambiance assez grise et terne magnifie le travail du fils, en apportant une atmosphère qui souligne la dimension fantasy du récit.

The Valiant est un énorme pari pour son éditeur, aussi bien français qu'américain : introduire à un nouveau et large lectorat un univers et sa galerie de personnages différents et inconnus tout en offrant un récit limpide et qui se tient. Si Marvel et DC ont attendus des dizaines d'années avant de publier de tels crossovers, Valiant n'a que quelques années d'existence sur lesquelles s'appuyer et une cohérence à définir. Et si Jeff Lemire, Matt Kindt et Paolo Riviera ne l'ont visiblement pas trouvée, ils offrent un récit qui essaye d'unifier une grande partie de ses personnages, se limitant au developpement de quelques-uns pour construire une excellente histoire, assez touchante et dynamique. Cela suffit amplement à fixer un cap pour un univers Valiant qui ne cesse de se développer, et pour une première publication à mettre au palmarès de Bliss Comics, cet album est une bien belle réussite doublée d'une chouette lecture.

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