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par Alfro - le 9/02/2015
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par Alfro - le 9/02/2015

Transmetropolitan - Tome 3, la critique

Voici le troisième opus de la réédition de Transmetropolitan par Urban Comics, troisième coup de poing asséné bien bas par un Warren Ellis au sommet de sa verve iconoclaste. A-t-il encore des choses à dire, des injustices contre lesquelles s'indigner, après trois tomes ? Malheureusement, oui.

"La vie ça craint, et après tu meurs."

Que reste-t-il quand celui qui cristallise tout ce qui ne va pas en ce bas-monde se retrouve au sommet de l'Etat ? Pour Spider Jerusalem, la réponse est claire, précise comme un scalpel, le combat doit continuer. Car quand on n'a comme objectif que la Vérité, les circonstances comptent bien peu. Il se rend à l'évidence, il aura beau vociférer, jeter à la tête de ses lecteurs la vérité la plus crue, il est bien seul dans ce combat. C'est un Spider plus introspectif que l'on découvre en ouverture de tome, qui dans un nihilisme complet nous fait part de sa philosophie de vie. On est de passage. Le tout est de savoir ce qu'on laisse derrière nous. Lui ne compte pas laisser derrière lui un monde encore plus pourri que celui dans lequel il est arrivé. Il a tenté la retraite vertueuse dans son coin de campagne, mais l'univers ne voulait pas le laisser tranquille, alors l'introspection ne dure pas bien longtemps et c'est agitateur d'intestins en main qu'il retourne faire du journalisme.

L'histoire avance sans cesse, et un sujet va lui tomber dessus, fumant ces effluves nauséabondes. Un crime raciste, qui deviendra bien vite un scandale quand les agresseurs seront relâchés et quand Spider Jerusalem va se rendre compte que les flics étaient sur la scène de crime à soigneusement éviter de réagir. Le grand cirque médiatique du scandale est alors lancé. Voix distordantes, arguments fallacieux et autre gestion de la colère populaire. Spider est bien décidé à faire en sorte que tout cela explose, quitte à faire des dégâts substanciels tant que la Vérité éclate. Combattre des gens qui manipulent l'opinion populaire, qui ont des techniques rôdées et largement expérimentées pour pouvoir mener le peuple là où ils veulent, c'est sans doute ce qu'il y a de plus abject. La Vérité n'a pas lieu en ce monde, seule l'opinion dominante reste. L'avatar chauve de Warren Ellis ne baisse cependant pas les bras. Dans ce cas, on va lui retirer sa liberté d'expression. Les politiques ont un concept bien particulier de celle-ci, acceptable tant qu'elle n'expose pas le linge sale à la vue de tous. La censure tombe sur Spider et son journal The Word. Une chappe de plomb qui va pousser le journaliste dans ses derniers retranchements.

"Vivant et furieux et décidé."

Le combat de Spider a toujours été de faire éclaté la Vérité face à ceux qui s'en passerait bien, il combattait l'ignorance volontaire, le confort débilitant. Sur son chemin, il a trouvé pire ennemi : la censure. Que les gens n'aient rien à foutre de ce qu'il peut raconter, c'est un problème contre lequel il ne peut pas faire grand chose. Qu'on lui empêche de montrer les ignominies qui se déroulent dans l'ombre du monde, ça il ne le laissera pas passer. Opinion contre opinion, la voix du journaliste n'est pas en position de force. Le cirque médiatique n'accorde aucune espèce d'importance à la Vérité, c'est à celui qui emporte l'opinion publique avec lui qui a gagné. Et oui, le combat n'est pas équitable, il ne l'a jamais été. Quand l'un des belligérants contrôle les sources d'informations, les humeurs des gens et l'outil policier pour instiller aussi bien la peur que le contrôle, ce n'est pas un agitateur d'intestin qui fera la différence.

Ce volume, c'est l'histoire d'un homme qui part en guerre pour la Vérité, pour que l'on ouvre les yeux sur un monde qui non seulement va de travers (parce que oui, affirmer le contraire est désormais bien au-delà de l'excuse de la naïveté), mais aussi sur ceux qui en tirent profit, dont Le Sourire. Car le crime profite toujours à quelqu'un, même celui contre la planète, ou celui contre la Vie. Vous connaissez la bonne blague du Diable ? Celle d'avoir fait croire qu'il n'existait pas ? C'est la même chose pour ceux qui ont fait commerce du mal-être, de la destruction minitieuse mais rentable de la planète, ils jettent en pâture d'autres haines, d'autres cibles pour qu'eux se la dorent tranquille au soleil des privilégiés. Problème, Spider et ses assistantes ne sont pas décidés à les laisser tranquilles, ils ont même un plan de bataille. Oui, ça va chier, parce qu'une fois dépossédé de toutes ses libertés, que reste-t-il à un homme ? Sa rage. Certains se trompent de cible et attaquent leurs frères, parce que le soucis avec la rage, c'est qu'elle aveugle. Mais quand on sait où regarder, qui est à l'origine des maux, alors cette rage peut devenir une révolte, voire une révolution.

Transmetropolitan est une œuvre de santé publique qui vous crache ses microbes à la tronche. Malsain, impoli et terriblement iconoclaste, Warren Ellis a bâti avec toute sa véhémence une œuvre coup de poing qui ne laissera pas indifférent. Si cela gratte par là où ça passe, c'est que le remède commence à faire effet !

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