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par AntoineBigor - le 28/11/2019
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par AntoineBigor - le 28/11/2019

Umbrella Academy tome 3 : séjour mouvementé à l'Hôtel Oblivion

Dix ans. C’est le temps qui sépare la sortie du second tome d’Umbrella Academy, Dallas, et celle du troisième, celui dont il est question aujourd’hui : Hôtel Oblivion. C’est peu dire si les amateurs de la série ont du prendre leur mal en patience.

Le scénariste Gerard Way, également chanteur et leader du groupe de rock My Chemical Romance, n’a pourtant pas chaumé entre temps — Killjoys et l’imprint Young Animal pour la BD et de nombreuses péripéties côtés musique —, tout comme son partenaire dessinateur Gabriel Bá — notamment auréolé d’un Eisner Awards pour Daytripper avec son frère Fábio Moon.

D’autant qu’entre temps, une adaptation TV a vu le jour sur Netflixon en parlait ici. C’est donc logiquement poussé par cette sortie en grandes pompes que Way et ont dû se replonger dans le quotidien des membres de l’académie pour y poursuivre leurs aventures. Et s'il faut admettre que ce troisième tome souffre du temps qu’il a fallu attendre, le duo semble tout de même avoir encore énormément d’idées pour amener ses héros vers des contrées inattendues.

Peut-être même un peu trop.

On retrouve donc nos héros plus ou moins là où ils étaient restés à la fin d’un tome 2, qui continuait d’étendre son univers et de développer ses personnages de manière frénétique mais cohérente. Way sautait du coq à l’âne pour que finalement tous ces éléments prennent sens à la fin, se permettant au passage d’introduire en quelques mystérieuses pages des nouveautés pour préparer la suite. À l’image de Persus, personnage central de ce tome 3, qui est introduit en deux scènes dans le tome 2 alors qu’elles n’ont aucune importance dans l’intrigue de Dallas. Ce n’est que le début de ce nouveau tome qui va répondre à ces interrogations.

Le scénariste ne cache d’ailleurs pas sa méthode pour développer Umbrella Academy : il connait le début, le milieu et la fin de ce projet (qu’il visualise comme une petite dizaine de mini-séries) mais va ensuite puiser dans son imagination et dans ce qu’il a déjà fait avec pour avancer.

Si les deux premiers tomes étaient des plus efficaces et sans temps morts, ce troisième tome semble plus difficile à aborder. Déjà parce que le récit ne s’autorise quasiment pas plus de cinq à six pages par scène. Sans cesse, l’attention va jongler entre différents personnages, des fois le temps d’une seule page ou case, sans que tout soit très clair pour le lecteur.

Ce défaut cache malgré tout une vertu : Way & offrent un imaginaire d’une richesse cosmique, introduisant des dizaines et dizaines de personnages, concepts ou arcs narratifs en peu de temps. C’était déjà la marque de fabrique de la série, mais cet Hôtel Oblivion pousse le délire un peu plus loin. Parfois même un peu trop, tant les retrouvailles avec des personnages attachants et passionnants peuvent être brouillées par un trop plein d’idées, pas souvent très originales non plus. Déconcertant, pour qui n’est pas habitué aux super-héros et à la science fiction, en partie réjouissant pour qui en est biberonné même s’il ne sera guère surpris.

Un problème de frénésie qui n’en serait pas vraiment un s’il n’y avait pas eu ce changement majeur dans l’équipe artistique entre les deux premiers tomes et celui-ci : le coloriste. C’est le légendaire Dave Stewart (Hellboy, notamment, mais tant d’autres oeuvres) qui imbibait de couleurs les sublimes pages de Gabriel Bá sur La Suite Apocalyptique et Dallas.

Pour cet Hôtel Oblivion, le relai a été transmis à Nick Filardi (Marvel Knights - Hulk), qui sans rendre un mauvais travail, se démarque de son prédécesseur par un amour visible des couleurs vives. Les planches débordent d’énergie, peut-être même plus qu’avant, mais perdent totalement en lisibilité. Pourtant, Gabriel Bá semble donner son meilleur, avec des designs riches et originaux ainsi que des splash-pages qui font décrocher quelques mâchoires. Seulement, l’action se retrouve noyée dans un trop plein de couleurs, là où Stewart gardait toujours en tête la clarté du mouvement, des nuances et de la narration.

Arrivé au terme des sept chapitres de cet Hôtel Oblivion, un constat s’impose : les deux premiers tomes d’Umbrella Academy n’étaient finalement qu’une introduction. À la vue de ce cliffhanger, inédit pour une série habituée à ce que chaque tome se termine plus ou moins proprement en terme d’intrigue, Way semble bien plus savoir où il va qu’avant, d’autant plus conforté par le succès de l’adaptation Netflix.

C’est d’ailleurs une excellente nouvelle de constater que les ventes de la série, tout du moins en français, ont été boostées par la série de Steve Blackman. Les deux oeuvres partagent un ADN commun autant qu’ils divergent en de nombreux points. Il va donc être des plus intéressants de suivre comment les deux vont évoluer en parallèle, afin d’observer qui s’inspire le plus de l’autre.

Malheureusement, en l’état, ce troisième tome d’Umbrella Academy souffre du temps qu’il aura mis à être imaginé. En perdant son génial coloriste originel et en voulant rattraper le temps perdu par un trop plein de concepts, de personnages et d’intrigues, Hôtel Oblivion se perd un peu par rapport à l’absurde mais cohérente frénésie de La Suite Apocalyptique et de Dallas. Mais, comme une énorme raclette en automne, le repas a beau nous avoir presque dégouté, une fois la digestion passée, l’idée d’en refaire une dans quelques semaines reste bien présente. C’est d’autant plus vrai pour Umbrella Academy qu’après cette reprise, la suite de l'aventure n’a jamais semblé aussi intrigante et, surtout, proche de sortir.

Umbrella Academy tome 3 est disponible au prix de 18 euros.

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