L’avis de AntoineBigor9
Alex W. Inker est un jeune artiste français au parcours impressionnant : diplômé de l’Institut Saint-Luc de Bruxelles en bande-dessinée et titulaire d’un Master 2 en cinéma, rien que ça. Il partage également ses connaissances dans des cours à la faculté de Lille, où il étudie le lien entre septième et neuvième art. Avec sa première œuvre, Apache, publiée chez Sarbacane, il réalise la parfaite synthèse de ses deux univers en réussissant un Tarantino en BD.
Pour sa première BD, Inker s'est plongé dans la France de l'après Première Guerre Mondiale, son atmosphère et son langage. Apache raconte donc l'histoire d'un barman ex-taulard qui voit rentrer dans son établissement une femme métisse un peu aguicheuse, elle qui est délaissée par son mari piqué aux paris hippiques et leurs chauffeurs plutôt louches. Dans ce huis clos tendu, leurs histoires vont se croiser et se mêler au point où certains personages risquent de ne pas ressortir vivant du bistrot. Le pitch n'a rien à envier aux Huit Salopards de Quentin Tarantino, dans le sens où il enferme des personnages en apparence opposés et les plonge dans une histoire de faux-semblants qui va se révéler mortelle. Dès les premières pages, très silencieuse et astucieuses dans leur narration, la tension prend et ne retombera que dans les dernières pages de l'album.
L'efficacité de la présentation de chaque protagoniste, narrativement et dans les dialogues, force le respect tant l'auteur arrive à poser un caractère en une planche seulement, pour ensuite jouer avec lui tout au long de l'album. Epousant la forme de la bande-dessinée underground tout en étant hyper rigoureux dans son découpage, Alex W. Inker installe une ambiance délicieuse dans son bar, puisant dans l'imagerie des années 20 pour écrire des personnages over-the-top et pourtant crédibles et humains. Et s'ils apparaissent incompatibles, ils vont pourtant former une belle bande de salauds aux âmes à la dérive, marqués chacun à leur manière par un passé pesant. Ils répondent certes à des archétypes bien connus, mais leurs caractères en font des personnages des plus attachants.
La peinture des années 20, qui se reflète dans l'écriture des dialogues, est pour beaucoup dans notre attachement au récit : nos sales gosses échangent de manière fluide et naturele, avec un argot gras et vulgaire aujourd'hui désuet. Leurs dialogues sont d'ailleurs écrits à la main, rendant la lecture bien plus agréable que dans le cas d'une typo classique. Et malgré ce verbiage, le récit reste toutefois très rythmé, avec une intrigue aux multiples rebondissement. On regrettera peut-être que les dernières pages deviennent assez prévisibles - le revers de la médaille des codes éculés - ce qui n'enlève rien à leur efficacité et leur inévitable dimension macable.
Côté dessins, Alex W. Inker aborde un parti-pris graphique intéressant : il n'utilise que 2 couleurs en trame. Avec un style assez rond, ce choix du orange et noir apporte une belle atmosphère chaude à l'ouvrage. La trame rajoute un petit feeling old-school au récit, qui plonge même dans le crasseux le temps de deux flash-back hallucinés. Les plus de cent planches qui composent l'album sont toutes magnifiques, fourmillant d'idées narratives et effectuent un mélange entre animation et street-art assez novateur. Sarbacane en a bien conscience et offre à l'histoire une édition solide et un papier du plus bel effet. On aurait bien pris quelques pages de travaux préparatoires ou de making-of, mais il faudra se rattraper sur l'Instagram de l'artiste.
Apache est bien plus que la première œuvre d'un artiste surdoué. C'est une déclaration d'amour totale à deux formes d'art assez complémentaires de la part d'un jeune artiste incroyablement talentueux et prometteur. Avec ce huis clos entre Popeye et Tarantino, Alex W. Inker enfonce la porte du monde de la bande-dessinée et s’impose comme un nom à suivre. Chapeau l’artiste.
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