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par Arno Kikoo - le 12/10/2017
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par Arno Kikoo - le 12/10/2017

Aquarica tome 1, la critique

Y aurait-il des fans de Jules Verne ou d'Herman Melville dans le coin ? Souhaitez-vous partir à l'aventure maritime telle qu'on la concevait au début du XXe siècle, et voir vos convictions scientifiques bouleversées par des découvertes que personne ne saurait expliquer ? Avez-vous assez d'imagination pour vous laisser porter par les flots d'une histoire poétique aux embruns fantastiques ? Alors Aquarica est une oeuvre qui mérite tout votre intérêt.

Ce n'est pas un fameux trois-mâts, et ce n'est pas fin comme un oiseau

La créature qui s'échoue sur les rives du village côtier Roodhaven tient plus du gigantesque crabe et défie par ailleurs tout entendement sur ce que l'on croit connaître de la faune maritime. Perturbant le quotidien d'un groupe de pêcheurs, anciens baleiniers qui ont eu quelques mésaventures avec de curieuses "baleines géantes" dont on ne sait rien. Pour enquêter sur la nature du gigantesque crustacé, qui semble être fait également d'épaves de navires, un scientifique de la ville est amené. Mais bien plus que ce à quoi il s'attend, ses convictions vont être mises à dure épreuve à cause du fanatisme bélligérant des pêcheurs et leur crainte de ne pas être prise au sérieux. Mais aussi par l'arrivée d'un autre personnage qui constitue, en soi, une preuve vivante que les mythes des mers étendues ne sont peut-être pas aussi fictifs qu'on le raconte.

Le récit de François Schuiten et Benoît Sokal siéra à ceux qui ont soif d'aventure et veulent partir vers l'inconnu. Il nous transporte à une époque où la mer était véritablement synonyme d'inconnue qui avait à offrir autant de rêves que de craintes. Sans prendre de parti, l'auteur réussit à confronter plusieurs visions dans son histoire, et on se plaît à voir s'opposer le rationalisme du scientifique John Greyford aux croyances virulentes du pêcheur Baltimore (et tous ses camarades), avec au milieu l'officier O'Bryan, qui ne sait plus trop ou se mettre. Au long des 72 pages, les mystères entourant l'arrivée du gigantesque crabe à Roodhaven se dévoilent, avec un fil conducteur qui laisse entrevoir un second tome plutôt chargé en action.

En effet, ce premier tome reste une jolie exposition, mais une exposition malgré tout. L'histoire réussit à convaincre de son intérêt assez rapidement, mais il manque un petit quelque chose pour être complètement embarqué (et vous me direz à partir de quel moment vous en avez marre de mon lexique marin dans cette review). Ce genre de je-ne-sais-quoi qui permet de transformer une histoire somme toute sympathique en une véritable épopée entraînante. Non pas que les questions laissées en suspend ne méritent pas d'être résolues, et que le rendez-vous pour le prochain tome ne soit pas à prendre. Mais d'ici un an, les lecteurs seront sûrement marqués par d'autres récits.

D'autant plus qu'on a malgré tout une certain impression de répétition dans les scènes et certains dialogues (les confrontations de points de vue ne changent jamais trop d'arguments). Le développement de la relation entre Greyford et Aquarica, prend aussi une tournure que j'ai trouvé dommage et réductrice, même si elle s'explique plus tard. Pourtant, avoir un personnage de scientifique permettait de faire appel à bien d'autres leitmotivs. Aussi, on sent dans les dialogues des auteurs une envie de coller à un phrasé d'époque, qui fonctionne dans l'ensemble avec malgré tout quelques tournures qu'on pourra trouver forcées à la lecture. Pas de quoi faire chavirer le navire non plus, mais il n'est pas inutile de le noter.

Un dessin qui ne prend pas l'eau

Ce dont on ne pourra en rien contester en revanche, c'est la solidité artistique des planches délivrées par Benoît Sokal, qui profitent du très beau format de Rue de Sèvres, légèrement plus grand qu'une bande dessinée au format conventionnel. Il s'en dégage un ensemble qui respire, accentué par des cases qui prennent toute la largeur de la page, offrant à la fois de très beaux dessins mais aussi une belle approche cinématographique. Le trait est précis, et pour une histoire qui se passe en environnement marin, le rendu des eaux, quelles qu'elles soient, est vraiment réussi ; tout comme le matériel environnant. Que l'on parle d'embarcations, de faune et flore ou de créatures aquatiques (le rendu organique du crabe est assez saisissant), on se régale les yeux pendant tout le tome. Si elle participe à l'ambiance, certains auront peut-être à redire sur une tonalité assez grise et brumeuse, mais qui permet d'offrir un certain contraste avec les scènes plus exotiques.

Aquarica est donc une bonne bande dessinée. Une de plus, dira-t-on, à ajouter au palmarès de Rue de Sèvres. Ce n'est pas une lecture qui révolutionnera l'aventure ou va briser certaines conventions, mais si le genre proposé vous séduit alors c'est l'occasion de franchir le pas. Bien raconté, mêlant aventure, science et poésie, et servi par un ensemble de superbes planches, Aquarica a de quoi vous faire buller de la plus agréable des façons. Alors pourquoi s'en priver ?

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