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par La Redac - le 22/01/2019
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par La Redac - le 22/01/2019

Ava Granger tome 1 : L'explosion de couleurs

Focale au maximum, mise au point manuelle, le suspect sort de la voiture. Trois clichés plus loin, il regarde dans sa direction. Ava se tapit dans l'ombre, l'appareil photo prêt à dégainer, comme on tiendrait un pistolet. Son mari était flic, il a été tué quelque mois plus tôt. Depuis elle tente de maintenir à flot l'agence de détectives privés qu'ils avaient montée ensemble. Ce qu'elle ne sait pas, c'est que cette affaire va l'emmener loin, très loin sur le terrain le plus dangereux qui soit, entre la police de Chicago et la pire des familles mafieuses.

On n'avait plus lu Isabelle Mercier depuis 2008, quand elle co-scénarisait le tome 2 de Dark : L'éveil du démon, avec son mari Roger Seiter. Cette fois-ci l'autrice s'est émancipée de son conjoint, et reste dans le domaine du polar qu'elle maîtrise. Le scénario fonctionne. Cohérant, fluide, il accroche le lecteur mais demeure sans surprise. Les personnages sont intéressants, ils piquent l'intérêt et la sympathie. Le gros bémol, en fait, ce sont les dialogues. Des expressions désuettes qui passeraient sans problème en anglais, sont même raccord avec l'époque, mais beaucoup trop ringardes en français.

"Ne faîtes pas les mariolles !" "Passe-moi ton sac, poupée." "Qui sont ces gugusses ?"

Difficile alors de prendre l'intrigue au sérieux. C'est dommage pour un premier tome dans lequel j'ai eu du mal à rentrer. Peut-être l'approximation des visages empêche-t-elle aussi de se prendre d'empathie pour les héros. Ce qui est sûr c'est qu'un tel style de dessin ne laisse pas indifférent.

De la confiture pour les yeux

Ava Granger - Détective Privée est une BD moitié italienne moitié française, qui plante son décor dans un Chicago des années 70. Si la française avait disparu de nos radars pour revenir dix ans plus tard sur le devant de la scène, l'italien lui est inconnu au bataillon. Riccardo Colosimo est professeur de dessin et de bande dessinée depuis plus de quatre ans à Rome. Cette première BD fait l'étalage de son talent d'illustrateur et de son originalité. Loin des sentiers battus, des remplissages qui ne dépassent pas du trait, des aplats propres et des pastels délicats, ici le dessin ne respecte plus aucune des règles anciennement établies. La ligne se veut courbe sur l'épaule et anguleuse sur la mâchoire, s'épaissit sur l'ombre d'un mur et s'affine sur les contours d'un pistolet. Le manque de détails me chiffonne parfois. Certains visages sont à peine déchiffrables. Les silhouettes sont jetées, les poses dynamiques... Les paysages se résument à des masses étalées en arrière-plan, découpées par la lumière et la profondeur de champ. Et Mama Mia les couleurs...

 

À chaque décor sa nouvelle gamme chromatique. Une double page dans l'enceinte d'un hôpital oscille entre le bleu glacial et le vert mentholé, une parenthèse sépia le temps d'un souvenir, un peu plus loin c'est un rouge chaud bouillant et un jaune doré qui règnent sur la planche. Les tons sont vibrants, puissants, violents. Riccardo Colosimo use et abuse des complémentaires, des contrastes chaud / froid, des monochromes d'ambiance, des contre-lumières, du rose, du bleu, du mauve, du brun, du orange. Mais malgré cette avalanche de teintes et de variantes, on trouve une certaine harmonie, des respirations. C'est une partition non pas musicale mais visuelle, qui s'équilibre, bien qu'elle côtoie les extrêmes. Aujourd'hui la BD s'ouvre aux dessinateurs qui sont d'abord des illustrateurs, qui imposent de nouveaux codes, s'essayent sans peur à de nouveaux styles. N'en déplaise aux grands classiques. Si fortissimo veut dire très fort et bellissimo signifie très beau, Colosimo veut-il dire très coloré ?

Ce démarrage sur les chapeaux de roue nous éclabousse d'informations et de délires visuels. Il pose le décor, les personnages, et signe la promesse d'une suite plus forte encore, où j'espère le scénario prendra davantage de risques. Car si la forme m'a séduite, pour le fond je reste à convaincre. Le premier tome d'Ava Granger est disponible au prix de 16 euros chez Les Éditions du Long Bec.

Par RedFanny
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