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par La Redac - le 30/04/2019
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par La Redac - le 30/04/2019

Camp Poutine : le quotidien glaçant du nationalisme russe

Après Amère Russie et À coucher dehors, Aurélien Ducoudray et Anlor reviennent pour une nouvelle série courte chez Grand Angle. Le scénariste continue d’explorer la Russie d’aujourd’hui à travers un portrait sans concession du nationalisme russe et de l’embrigadement de la jeunesse, du nom de Camp Poutine.

Des gamins qui partent en camp de vacances pendant l’été, quoi de plus banal ? Sauf que le camp en question tient plus du camp militaire avec une sacrée récompense à la clé : une rencontre avec l’idole de tous ces jeunes gens, le président Vladimir Poutine. Voilà de quoi motiver tout un chacun à se dépasser dans les épreuves fixées par le “commandant” et son “lieutenant”.

Non, Aurélien Ducoudray ne s’est pas lancé dans l’écriture d’un survival à la Battle Royal dans lequel tout le monde viendrait à périr peu à peu. C’est plus fin que cela. Il joue de la tendance très française du “camp de vacances à thème”, qu’il croise avec l’élan nationaliste russe du moment. Son premier tome est très bien construit, posant les bases d’un univers, le camp, qu’il remet en cause en toute fin d’album. Il propose une vraie plongée dans la construction du nationalisme russe, entre la façon dont le pouvoir central le diffuse et la manière dont les citoyens se l’approprient.

La Russie actuelle reste une terre assez difficile à comprendre pour nous autres français, dans ses nuances historiques et sociologiques. Ce vaste territoire n’a jamais réellement connu la démocratie libérale et la société russe n’a pas les mêmes enjeux que nous. C’est un état d’esprit qui est bien retranscrit par le scénariste, à travers le personnage du Commandant, incarnation des désirs de grandeurs de la Russie et de son relatif isolement diplomatique.

Les personnages, éléments clés du scénario

Comme souvent, ces personnages sont un élément important des récits d’Aurélien Ducoudray. Il crée les conditions d’une bonne rencontre entre eux et les lecteurs, et donc une meilleure compréhension de leur psychologie et de leurs actes.

On pourra peut-être regretter que les trois personnages “héros” ne bénéficient pas du même capital sympathie. Katyusha vole littéralement la vedette à ses deux partenaires, dans le caractère et dans l’incarnation. Anlor, la dessinatrice, lui donne une aura d’assurance qui ne laisse pas de place dans les cases. Gennady et Kirill sont sympathiques mais portent plus une dimension comique qui ne leur permet pas de lutter contre la jeune fille.

La puissance d'une Kalachnikov dans le crayon

Cette force graphique d’Anlor n’est pas une surprise et ce n’est pas pour rien qu’Aurélien Ducoudray enchaîne les projets avec elle. Elle n’a pas son pareil pour donner de l’expressivité aux personnages qu’elle met en scène. Il y a de la vie dans chacun d’entre eux, une forme de vérité. Mais elle ne s’en tient pas à cela. La moindre de ses planches est travaillée avec minutie. Dans le sens du détail comme dans la narration. À noter, une double page extrêmement intelligente pour synthétiser le déroulé du séjour, semblant suivre le fil d’une rivière. On prend plaisir à parcourir encore et encore cette double planche.

Pouvait-on attendre moins du duo Ducoudray-Anlor? Les artistes nous livrent une prestation toujours plus convaincante dans une nouvelle histoire qui nous éclaire sur le monde et ceux qui le peuplent. Ce premier tome de Camp Poutine est à retrouver chez Grand Angle !

Par Yaneck Chareyre
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