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par Republ33k - le 22/09/2015
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par Republ33k - le 22/09/2015

Comment Faire Fortune en Juin 1940, la critique

Ne vous fiez pas à son titre qui sonne un rien comme une arnaque digne des méandres d’internet, Comment Faire Fortune en Juin 1940 est une bande-dessinée qui tient plus d’un Nungesser, lui aussi paru chez Casterman, dans le sens où elle se sert d’un contexte historique bien connu pour finalement le transcender, lui et les genres avec lesquels elle joue, dans le but de créer quelque chose d’unique.

Ici, le contexte prête aux débuts de la seconde guerre mondiale, comme vous l’aurez compris au regard du titre. Mais pour une fois, les héros ne seront ni des résistants, ni des militaires, et encore moins des politiciens mais bien une bande de vauriens, qui cherchent à profiter de la panique ambiante pour voler les lingots d’or de la Banque de France, emmenés de Paris à Bordeaux après la Débâcle.

D’emblée, le scénario de Xavier Dorison et Fabien Nury, inspiré des textes de Pierre Siniac, gagne en originalité, avec une promesse plutôt inédite et un ton audacieux. Après tout, raconter l’histoire de braqueurs de fourgons blindés alors que l’armée française est défaite par les Allemands, il fallait oser. Le résultat est payant, et au-delà du simple pied de nez fait au genre par cet album, qui tient finalement plus du Western que de la bande-dessinée historique.

L’intrigue prendra ainsi certaines libertés avec la réalité du contexte pour mener à un rythme effréné le parcours de nos braqueurs, de vraies gueules qui auraient, encore une fois, tout à fait leur place dans le Far West. Un rythme en forme de fuite en avant, qui d’ailleurs, fait parfaitement écho à la confusion caractéristique de la période historique servant de terrain de jeu au duo de scénaristes, qui vous réservent quelques bons rebondissements et une narration aux petits oignons, qui renvoie aux meilleurs films d’action.

L’aspect cinématographique de cet album est indéniable, puisqu’on en parle. L’intrigue, dopée à l’aventure et aux passages forts, n’a rien à envier à un classique Hollywoodien. Les mots prêtés par Dorison et Nury, eux, sortent tout droit d’un Gabin, en ayant ce je ne sais quoi d’arrogant, d’insouciant. Et les planches de Laurent Astier sont les plans d’un réalisateur inspiré, dirigeant une galerie de personnages forts en gueule et hauts en couleurs. En en rajoutant une couche, on pourrait même citer des remerciements adressés à François Guérif, critique cinématographique (entre autres) et Thomas Langmann, producteur, scénariste et réalisateur plutôt prolifique du côté du cinéma français.

Quelque part, l’influence certaine du septième art sur Comment Faire Fortune en Juin 1940 témoigne de la qualité de cette bande-dessinée. Avec son équipe all-star, son sujet et sa fabrication impeccable, l’album a des airs de blockbuster et parvient à se hisser à leurs fonctions premières, le divertissement, l’aventure, le fun tout simplement, et ce au beau milieu d’un contexte historique on ne peut plus noir. A la croisée des chemins entre un Bourvil, un Western, un Gabin et un livre d’histoire, l’œuvre parvient ainsi à tirer son épingle du jeu et tient les promesses annoncées par sa couverture.

On notera tout de même quelques bémols, notamment sur le contexte. L’histoire semble régulièrement hésiter entre une neutralité totale quant aux événements historiques et un point de vue précis sur ces derniers. Résultat, l’album se permet, par touches, quelques critiques ou au contraire, des élans très patriotiques, jusqu’à une conclusion qui peut paraître abrupte. Dans le même ordre d'idée, les dessins de Laurent Astier, plutôt constant dans son trait, tirent parfois un peu trop sur la corde de l'image épique, là où l'album est globalement porté par une composition (devrais-je dire une mise en scène) d'un élégant clacissisme.

Mais soyons honnêtes, on ne boudera pas son plaisir devant pareil album, qui mélange les genres avec ce qu'il faut de panache, pour au final, mieux les dépasser. Avec un scénario bien ficellé et énergique, de très beaux dessins (doublés d'une colorisation impeccable de la part de Laurence Croix) et une édition en forme de très bel objet, Comment Faire Fortune en Juin 1940 est l'un des inmanquables de cette rentrée.

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