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par Sullivan - le 30/09/2015
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par Sullivan - le 30/09/2015

Corto Maltese - Sous le Soleil de Minuit, la critique

Si ce 30 septembre est une journée dense pour les sorties BD, entre le Communardes d'un Lupano qui vole sur le mois de septembre, un seizème tome décisif pour Billy Bat ou encore le wagon de Glénat Comics avec Sex Criminals et Ghost, il risque surtout de durer dans le temps grâce à une sortie majeure : celle du retour de Corto Maltese plus de 20 ans après Mû la Cité Perdue, douzième et dernier tome de la légendaire saga réalisée par Hugo Pratt. Et si nous étions presque circonspects devant l'annonce de son retour des mains de Juan Diaz Canales (Blacksad) et Ruben Pellejero, fidèles que nous sommes à l'immense père de l'une des plus grandes fresques de la Bande-Dessinée, force est de constater qu'un retour de l'aventurier préféré de François Mitterand est finalement possible, lorsque les bons ingrédients sont réunis. 

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Ôde à la liberté sacro-sainte pour des centaines de milliers d'adorateurs du marin le plus classe de la BD, Corto Maltese résonne encore aujourd'hui pour son message universel, fruit de la fabuleuse vie de son auteur. Enclin à une reprise dans le futur pour faire perdurer sa légende, Pratt mettait toutefois en garde les auteurs qui accepteraient la lourde charge de passer derrière lui : il faut que celle-ci soit correctement réalisée. Et puisqu'il est sûrement impossible de trouver ne serait-ce qu'un ersatz de voyageur aussi cultivé que Pratt pouvait l'être, cette tâche est arrivée dans les mains d'un Juan Diaz Canales qui, malgré un classicisme certain, n'a plus grand chose à prouver depuis l'immense succès de Blacksad. Fidèle à "la mythologie Maltese", le scénariste espagnol semble posséder la recette de qui fait un bon album de Corto. Entre frénésie de voyages, leçons de vie distillées en quelques pages, maximes cinglantes et exploration de territoires méconnus, tout y passe. Peut-être même un peu trop, puisque le caméo de Raspoutine ou l'hommage à Jack London vont parfois pousser l'album du côté de l'application sage, celle qui caresse les fans dans le bon sens du poil et qui leur offre tout ce qu'ils seraient en droit d'attendre du vivant d'Hugo Pratt. Le bémol, derrière l'excellente éxecution de cette recette, c'est qu'on ne s'improvise pas Hugo Pratt. Loin de moi l'envie de juger le parcours de deux auteurs que j'aime énormément d'ailleurs, mais le titre souffre parfois de cette vision romantique du "voyage à la Pratt" et oublie de prendre des risques jusqu'à sa destination. Rien de grave puisque le plaisir de se plonger dans les aventures de Corto semble toujours intact pour des lecteurs qui continuent d'aimer naviguer entre amours passés et trésors perdus, mais la crainte fondée des lecteurs trouve tout de même ici un écho certain. 

On notera aussi, en revanche, l'audace du scénariste de placer un maximum de références et de richesse philosophique en quelques 70 pages, symbole là aussi de son excellente compréhension des douze tomes précédents. En témoigne le personnage d'Ulkurib, passionné par l'idéologie de Robespierre, lui dont on nous narre le passé au moyen d'un flashback malin, justifiant cette étrange lubie perdue au coeur du grand nord. 

Du côté du dessin également, Ruben Pellejero joue la carte de la sécurité et a semble-t-il beaucoup étudié le trait du maître. Et si l'on pouvait craindre une certaine forme de sophistication malvenue dans les fabuleux décors que traverse notre héros, il n'en est rien et l'auteur, qui nous a déjà prouvé son amour des grandes histoires et du voyage par le passé, semble à son aise dans les nombreux lieux que va arpenter Corto sous le soleil de minuit. 

Sans être une claque monumentale pour des lecteurs sur les dents depuis 20 ans, cette reprise de Corto Maltese a tout du parfait hommage et d'une tranquille continuité pour un personnage appelé à vivre encore aussi longtemps que de nouveaux lecteurs seront amenés à le découvrir. À vous de savoir maintenant si vous attendez d'un nouveau tome de Corto d'être un prolongement efficace de l'oeuvre immense d'Hugo Pratt, ou si les auteurs auraient dû jouer la carte de la modernité quitte à le ressuciter. Quoi qu'il arrive, vous tenez une fois de plus un potentiel cadeau pour les fêtes, puisque les nostalgiques du grand Corto sont beaucoup plus nombreux que vous le croyez ! 

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