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par Republ33k - le 9/02/2018
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par Republ33k - le 9/02/2018

Darnand, le bourreau français : du héros au collaborateur

Très présent dans le paysage de la bande-dessinée franco-belge, le genre historique mène une drôle de vie, presque paradoxale. Victime d'une surproduction qu'on ne présente plus et de collections à rallonge épuisant le moindre filon, il donne néanmoins naissance à des albums de haute volée, en témoigne ce premier tome de Darnand, le bourreau français, sorti chez Rue de Sèvres.

Nous sommes en 1918. Près de Reims, l'armée française apprend que les forces allemandes se préparent à une offensive d'envergure, qui risque d'enfoncer les lignes françaises. On cherche donc des volontaires pour une mission suicide : attaquer avant les allemands pour récupérer des officiers, des cartes et toute information utile sur l'assaut à venir. Un sous-officier se montre partant et se mettra en danger pour sauver les siens tout en accomplissant cette mission impossible. Cet homme, c'est Joseph Darnand.

Vous le connaissez peut-être pour son parcours sombre, qui le fit passer du héros de la guerre de 14-18 au collaborateur zêlé de l'Allemagne nazie quelques années plus tard. Et que vous ayez entendu parler du personnage ou non, le scénario de Patrice Perna entend retracer sa trajectoire avec authenticité et dynamisme. On le sent dès les premières planches : Darnand est un tryptique qui s'annonce rythmé et s'approprie autant les codes des films de guerre que du thriller pour faire monter la pression.

Loin du simple portrait à charge ou du documentaire, ce premier album fait preuve d'une véritable énergie, qui se devine à sa simple couverture, très marquante. Des tranchées aux cachettes sombres de l'organisation d'extrême droite qu'on appelait La Cagoule en passant par les paysages montagneux où Darnand va recruter ses premiers fidèles, on ressent une pression qui monte, finement installée par les dialogues et le découpage.

Et le dessin n'est pas en reste, bien au contraire. Fabien Bedouel se montre inspiré dans toutes ses planches, qui évoquent l'aspect grand spectacle des meilleurs films du genre, comme Il Faut Sauver le Soldat Ryan. Les premières planches sont ainsi conçues pour avoir un maximum d'impact sur le lecteur, qui n'en sort franchement pas indemme. La violence des combats de la Première Guerre Mondiale y est représentée de manière très crue, et les couleurs (dont le noir des particules) ajoutées par Sandrine Bonini ajoutent un vrai chaos à l'ensemble.

Trop secoués pour être indifférents, nous voilà embarqués dans la destinée d'un personnage que l'on devine détestable, mais auquel on parvient néanmoins à s'attacher. On parlait de paradoxe plus tôt, et les auteurs en créent donc un nouveau en suscitant chez nous des émotions qu'on aurait presque envie d'interdire ou de censurer. Peut-on vraiment craindre pour la vie de ce Darnand ? S'attacher à sa gouaille ? Êtres impressionnés par son charisme ? En nous amenant vers ces quetions, ce premier tome réalise un travail aussi instructif qu'un livre d'histoire, mais surtout beaucoup plus complexe qu'un simple manuel.

Premier tome très réussi, Darnand, le bourreau français se place dans le haut du panier des (trop) nombreuses bandes-dessinées historiques de ce début d'année. Les origines d'un récit historique passionnant et les débuts d'un parcours aussi sombre que fascinant à explorer, portés par un scénario finement écrit et des dessins très impressionnants. Un album historique comme on aimerait en lire plus souvent, à découvrir chez Rue de Sèvres.

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