Sur la couverture, une chienne nous défie du regard, au milieu d'une mare de sang et de petits cadavres. L'invitation promet, non ?
Par une nuit de tempête.
Dans une petite ville du Maine, à la fin du XXème siècle. Un vieil homme sur son lit d'hôpital fait jurer à son fils qu'il détruira des documents confidentiels dès qu'il aura rendu son dernier souffle. La scène se déroule un soir de tempête, l'ambiance ne pourrait être plus sinistre.
Pourtant ce n'est que le premier frémissement. Dans les jours qui suivent, des crimes abominables sont perpétués, et les enquêteurs dépéchés sur l'affaire vont avoir bien du mal à dépêtrer le vrai du faux, tant plus rien ne semble avoir de sens.
Basculer dans la folie.
Première bande dessinée d'Aurélien Rosset, Emprise est un thriller horrifique violent et bien mené. L'histoire, où s'entremêle des influences comics et cinématographiques, n'est pas des plus originales, mais les éléments sont habilement amenés, et on se retrouve rapidement captivé par l'ambiance sombre et bouillonnante qui règne à Shelter's Lot. Pendant que ses habitants semblent basculer un à un dans la folie, l'intrigue se dévoile indice par indice, nous proposant entre les lignes de mener l'enquête en même temps que les policiers.
Pour nous y aider, des pages de dossier, réunissant notes des inspecteurs, coupures de journaux, rapports d'autopsie et autres, découpent l'histoire en chapitres, apportant des pauses mais intensifiant aussi l'impression de montée en tension. L'idée est bonne, et apporte un joli bonus au récit. On pourra cependant regretter que certaines notes utilisent une police de caractère 'effet manuscrit' qui ne fait pas vraiment illusion, et gâche un peu l'immersion par son côté artificiel.
Le dernier tiers perd un peu en intensité par rapport au reste de l'histoire, mais Emprise n'en reste pas moins une vraie bonne surprise, qui devrait séduire les amateurs du genre. Une foule de personnages dont l'auteur développe les relations au fil des pages, des mystères, de l'horreur, et une escalade bien menée, entre moments d'apaisement et violence implacable.
Le trait vibrant et énergique, qui évoque lui aussi certains comics, appuie le côté violent et borderline des personnages, dont on se demande à chaque instant s'ils ont encore toute leur raison. Les ambiances colorées allant du sépia poussiéreux au bleu angoissant, en passant par un vert dérangeant, appuie particulièrement bien l'atmosphère, nous donnant l'impression de nous plonger dans une nuit sans fin, dont personne ne peut ressortir indemne.
Emprise est une bande dessinée horrifique dense, bien menée et qui malgré son petit manque d'originalité n'en reste pas moins un moment de lecture très plaisant, pour les amateurs du genre.