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par DoctorVin's - le 25/03/2018
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par DoctorVin's - le 25/03/2018

Guantanamo Kid, la face sombre de l'Amérique

2996, c'est le nombre de personnes qui ont perdu la vie le 11 septembre 2001. Un jour tragique qui a changé à jamais le destin des États-Unis sous toutes ses formes. Le gouvernement américain s'est ensuite lancé dans une guerre contre le terrorisme, intervenant notamment au Proche et au Moyen-Orient, pour des raisons parfois bien moins nobles qu'il ne voulait le faire croire. Dans les temps qui ont suivi le 11 septembre, des arrestations de masse ont eu lieu, il fallait trouver un coupable, et qu'importe si des innocents étaient arrêtés dans la mouvance. C'est la triste histoire Mohammed El-Gorani, un jeune Saoudien de 14 ans. Il sera arrêté, puis baladé de prison en prison où son image fantasmée de l'amérique va vite se retrouver brisée, en particulier lorsqu'il arrivera à Guantanamo, où il restera plusieurs années. 

Le journaliste et auteur Jérôme Tubiana a rencontré à plusieurs reprises Mohammed et a décidé de s'adjoindre les talents du dessinateur Alexandre Franc, pour donner naissance à Guantanamo Kid, L'histoire vraie de Mohammed El-Gorani, une bande dessinée éditée chez Dargaud. Pour la petite histoire, le camp de détention de Guantanamo a été créé en 2001 pour accueillir les prisonniers capturés par l'armée américaine (bien souvent au proche et au moyen orient). Malgré de nombreux témoignages et rapports faisant état de tortures (entre autres joyeusetés) personne n'a jamais réussi à faire fermer le camp. 

Mais revenons à notre histoire. En 2001 le jeune Mohammed âgé de 14 ans quitte l'Arabie Saoudite pour le Pakistan afin d'étudier. Il sera quelques mois plus tard arrêté et vendu au gouvernement américain pour 5000 $. Les tortionnaires de Mohammed veulent lui faire avouer par n'importe quels moyens son allégeance à Al-Quaida, mais le jeune garçon n'est pas n'importe qui, et il va utiliser son caractère bien trempé pour essayer de rendre la vie plus difficile possible à ses persécuteurs. C'est d'ailleurs cela, cette personnalité forte qui donne une autre dimension au récit qu'un simple témoignage. Cela rend aussi cette immersion au coeur de l'horreur de Guantanamo un peu plus supportable et on sourit bien souvent devant ce garçon qui du haut de son jeune âge perturbe tant bien que mal le statu-quo du centre de détention. Il ne s'agit pas non plus d'un réquisitoire aveugle et on découvre aussi qu'il existe des gardiens plutôt bienveillants, et que certaines personnes font tout pour Mohammed et ses amis. 

Mais cela n'enlève rien à la force de ce qui nous est raconté et de l'horreur qu'ont vécue les détenus de Guantanamo. Le récit ne s'intéresse d'ailleurs pas en détail à la culpabilité des détenus, mais nous présente seulement des hommes. On nous précise tout de même que certains sont totalement innocents tandis que d'autres non, mais tout cela importe peu pour les détenus qui se montrent relativement solidaires entre eux. Du Pakistan à Guantanamo en passant par Kandahar, Mohammed aura passé près de 8 ans en tant que prisonnier. Mais ne croyez pas que sa sortie de prison fut la libération tant attendue, il est resté sous constante surveillance par les États-Unis : il a réussi à leur échapper et vit désormais caché avec sa famille. 

Graphiquement le récit est plutôt bien mis en scène par Alexandre Franc qui utilise un trait minimaliste mais se concentre sur l'essentiel, l'absence de couleur lui permettant de jouer avec le noir et blanc. Le dessinateur arrive aussi très bien à alterner entre le style fictif et documentaire de l'oeuvre. Dargaud offre aussi un écrin de choix pour cette oeuvre, très bien documenté, on y retrouve à la fin des annexes de document officiel ainsi que des détails sur la vie de Mohammed après Guantanamo. 

Guantanamo Kid est vraiment une oeuvre que je vous conseille, plus pour votre culture personnelle que pour une quelconque claque artistique. Cela permet de mieux comprendre et d'ouvrir les yeux sur ces pratiques barbares qui sont aussi utilisées par des personnes qui se posent bien souvent en défenseurs des droits de l'Homme. Il n'y a qu'a voir que Guantanamo est encore ouvert pour comprendre que quelque chose ne va pas, et que ces pratiques ont été, et sont encore monnaies courantes (Guantanamo n'étant pas le pire, je vous invite à vous renseigner sur la prison d'Abou Grahib et ce qu'il s'y est passé). Une oeuvre forte et percutante qui résonne en plus avec l'actualité, à retrouver chez Dargaud.

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