Illustration de l'article
Critiques
Archive 9ᵉArt
par Republ33k - le 21/06/2016
Partager :
par Republ33k - le 21/06/2016

Homicide - tome 1, la critique

Si vous êtes sériephile, il y a de fortes chances pour que vous ayez déjà croisé le nom de The Wire (Sur Écoute) lors de votre carrière de dévoreur de shows. Ce que vous ne savez peut-être pas, en revanche, c'est que son créateur, David Simon, ancien journaliste, avait passé un an dans la brigade criminelle de Baltimore. Une expérience baptisée Une Année dans les rues de Baltimore, qui donnera plus tard au bonhomme toute l'inspiration nécessaire pour imaginer The Wire. Un sacré matériau donc, qui se retrouve adapté par Philippe Squarzoni dans le premier tome d'une série à paraître chez Delcourt. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il vaut le détour.

Attention toutefois, il convient de rappeler que la bande-dessinée se destine à un public adulte, d'une part, mais également passionné par le fait policier ou l'ambiance polar, de l'autre. Car si tout le travail de David Simon, et par extension, de Philippe Squarzoni, est bien de déconstruire les mythes entourant les policiers, leurs récits baignent dans une ambiance pesante digne des plus grands représentants du genre.

C'est d'ailleurs toute la force de ce premier tome, qui casse méthodiquement les clichés et les a priori sur la police pour laisser un univers vivant et bien humain évoluer sous nos yeux. Une approche à la limite du naturalisme, qui fourmille de détails et de documentation sur les sujets abordés, mais qui n'empêche pas l'album de profiter de la noirceur, quelque part addictive, caractéristique d'un bon roman noir.

En revanche, cet angle d'attaque interdit Philippe Squarzoni l'utilisation d'une vraie structure pour le récit, ou plutôt pour les multiples histoires qui composent ce tome 1. En effet, l'auteur et dessinateur compte ici restituer l'etat d'esprit et le point de vue de David Simon lors de son année passée avec la police de Baltimore. On vogue ainsi de personnages en personnages, sans jugements, sans critiques, sans fil rouge : nous sommes simplement accompagnés par une sorte de narrateur omniscient, qui pourrait très bien symboliser l'esprit de corps qui anime ces flics hauts en couleurs.

Etrangement, ça n'empêche pas l'album d'être captivant. Tout simplement parce que le travail de son ambiance, brillantissime, l'emporte sur la structure narrative ou les enjeux. Comme Simon, Squarzoni restitue l'essence de la brigade, son énergie et ses aspects les plus ténébreux, présentés sans fards. Mieux, l'auteur fait de ce quotidien glauque et pesant qu'est celui des policiers de Baltimore le sien, et le restitue avec tous les outils narratifs à sa disposition.

Concrètement, cela donne naissance à de grandes fresques, à la limite de l'épique, alors qu'elle ne concernent qu'une scène de crime encore chaude ou un grand tableau blanc où sont récapitulées les affaires en cours. La composition appliquée par Squarzoni les sublime, en même temps qu'elle appuie la psychologie de tous les personnages, dépeints de manière la plus fidèle possible. Une vraie puissance visuelle donc, qui est définitivement couronnée par les couleurs de Drac et son travail proche d'un noir et blanc.

S'il est à réserver aux amateurs ou aux spécialistes du genre policier et aux amoureux de la série The Wire, ce premier tome d'Homicide s'impose comme la première et sublime pierre d'une fresque urbaine qui ne manque pas charme et de puissance, malgré son ambiance et son rythme pesants. Les lecteurs attirés par le polar, les romans Noir et les récits policiers peuvent y aller les yeux fermés, les autres devront jongler avec l'absence d'une vraie histoire et une approche à la limite du documentaire, qui restent deux choix forts de cet album.

Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail