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par Elsa - le 1/09/2016
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par Elsa - le 1/09/2016

La femme aux cartes postales, la critique

La Pastèque, éditeur de bande dessinée québécoise, publie également ses jolis titres en France. La femme aux cartes postales prend place dans le Montréal du début des années cinquante et dans le Québec d'aujourd'hui.

Croire en ses rêves.

Avril 1951, Rose fugue de chez elle pour aller tenter sa chance à Montréal. Elle rêve de devenir chanteuse. À force de persévérance, elle retrouve son ami Roméo, devenu pianiste dans un club de jazz. En compagnie du trompettiste prodige Art Mc Phee, ils montent un trio qui rencontre un succès immédiat. Mais les drames intimes et l'évolution de la société vont rapidement abimer ce bonheur éphémère...

Novembre 2002. Victor Weiss est un parisien d'une quarantaine d'années qui souffre d'une maladie génétique. Pourquoi la CIA veut-elle rencontrer cet écrivain en panne d'inspiration ?

Deux époques qui s'entremêlent pour un roman noir très réussi.

La mort d'une époque.

Dans La femme aux cartes postales, on suit le parcours de Rose qui arrive à Montréal des rêves plein la tête. On découvre au compte goutte les drames qui ont jalonnés sa vie. Les auteurs dressent en même temps le portrait d'une époque. Comme aux Etats-Unis, le règne de la pègre et celui du jazz, liés l'un à l'autre, se sont brutalement achevés à la fin des années cinquante. À travers le destin de Rose, Jean-Paul Eid et Claude Paiement nous racontent cette période. Le récit est très documenté mais aussi très vivant, grâce à un trio de personnages très réussis.

Le récit nous laisse peut-être un peu à distance des personnages, de leurs intentions et ressentis. Distance qui atténue l'émotion. Mais il est très bien construit et bien mené, alternant des épisodes de la vie de Rose et le puzzle que Victor Weiss reconstitue petit à petit. Même si le lien entre les deux époques semble rapidement évident, l'intrigue prend parfois des directions inattendues et rend la lecture d'autant plus plaisante. Cette bande dessinée évoque avec élégance les romans noirs classiques, dans sa richesse comme dans sa construction. Le récit prend le temps de développer ses personnages, leurs relations et leur évolution. Il y a de la littérature mais aussi du cinéma dans La femme aux cartes postales. Dans les plans, dans la lumière, dans le choix du noir et blanc et dans l'atmosphère qui règne sur le récit. Il y a quelque chose de familier dans cette ambiance un peu fantasmée qui teinte les années 50 dans l'imaginaire collectif, avec ceci de particulier que l'histoire se déroule à Montréal et pas à New York. Les dialogues sont riches d'expressions proprse au Québec qui perturberont peut-être un lecteur français, mais la lecture est parfaitement fluide. C'est intéressant de voir justement que ce contexte particulier ne se limitait ni à la ville de New York ni même aux Etats-Unis et que le Canada aussi vivait au rythme du jazz et des gangsters.

Le dessin est beau, doux, élégant. Il colle parfaitement au récit, apportant, comme évoqué plus haut, un côté cinématographique. Les décors nous promènent des clubs enfumés à la campagne canadienne sous la neige. La mise en scène est plus fantasmée que réaliste, et donne beaucoup de charme à l'ensemble. Rose s'envoie à elle-même des cartes postales pour garder le souvenir de certaines périodes de sa vie. Le récit est donc ponctué de pages et doubles pages représentant ces cartes, mais aussi des petits objets, des photos, des coupures de presses, qui sont à la fois des respirations et une manière d'enrichir l'histoire de détails qu'il aurait été difficile de mettre en scène. Ils sont aussi une manière de mieux comprendre Rose, ses envies, ses déceptions, ses choix et ce qui compte véritablement pour elle.

Entre portrait d'une époque et enquête, La femme aux cartes postales est une bande dessinée comme un film noir. Elégant, bien mené et passionnant.

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