Les deux guerres mondiales inspirent nombres d'auteur, et pour les amateurs de bd historiques, il devient vite difficile de s'y retrouver parmi les sorties. Parmi elles, La guerre des Lulus est une valeur sûre, tome après tome.
Des enfants dans la guerre.
Les Lulus, ce sont Lucas, Lucien, Luigi et Ludwig. Quatre gamins inséparables dans un orphelinat de Picardie. En 1914, quand le bâtiment est évacué, ils ont tous les quatre fait le mur et se retrouvent seuls au beau milieu de la guerre. Livrés à eux-même, observant la guerre de loin, comme une menace sourde et floue pour leur regard d'enfant, ils vont ensuite être rejoint par Luce.
Après avoir commencé à s'organiser dans le premier volume, puis avoir fait connaissance avec un soldat allemand dans le deuxième, les Lulus vont continuer leur progression dans la forêt, et croiser la route d'un vieux sabotier, comme une lueur d'espoir au milieu de leur solitude.
Grandir seuls.
Au fil du récit richement documenté, et imaginé par Régis Hautière, le lecteur traverse la France en guerre à travers le calme apparent de la forêt. Obligés de se cacher, et de se débrouiller avec les moyens du bord, les cinq héros de l'histoire sont contraints de grandir vite, très vite.
L'histoire est toute en nuance, complètement dans le présent, en suivant le ressenti de ces personnages qui pensent au jour le jour, ignorant ce que leur réservera demain. Les héros, et beaucoup de ceux qui croisent leur route, sont très attachants. Au fil des tomes on a vu grandir les Lulus, et dans ce troisième volume, ce ne sont plus des enfants mais des adolescents, avec les chamboulements émotionnels que cela entraine. Les dialogues nous permettent de vivre la situation de l'intérieur, notamment quand ils croisent des adultes avec qui ils discutent, nous en apprenant un peu plus sur l'évolution de la situation, mais le récit prend aussi le temps de développer les relations entre les personnages. Tout en étant pleine d'émotion, cette bande dessinée évoque des lieux et des faits historiques que l'on connait peu, comme l'existence du Familistère Godin, une coopérative imaginée par un entrepreneur humaniste.
Pour servir ce scénario très réussi, qui prend son temps pour évoluer tout en étant très riche, le dessin d'Hardoc est doux et expressif, apportant une chaleur et une émotion sincère à l'ensemble. À travers son trait, à travers sa manière de mettre en scène les personnages, on sent toute l'affection qu'ont les auteurs pour les Lulus et leur aventure. La colorisation un peu passée, terne, est agréable et évoque parfaitement les temps difficiles dans lesquels les héros évoluent. Il émane pourtant de l'ensemble une certaine douceur. Un regard d'enfant qui ne saurait perdre espoir malgré les difficultés.
Ce troisième tome de La guerre des Lulus continue d'être un vrai plaisir. Une bande dessinée historique tournée sur l'humain plus que sur la simple horreur de la guerre, remplie d'émotions mais aussi remplie d'anecdotes, de lieux, de personnages peu connus du grand public et véritablement passionnants.