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par Republ33k - le 24/10/2017
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par Republ33k - le 24/10/2017

La Horde du Contrevent - Tome 1, la critique

En 2004, un vent nouveau soufflait sur la science-fiction française, soudainement balayée par l'arrivée d'un livre que beaucoup tiennent depuis en haute estime : La Horde du Contrevent. Dès lors, les tentatives d'adaptations ont été nombreuses, mais la plupart ont été emportées par des vents d'une violence rare, comme ceux qu'on retrouve dans le récit d'Alain Damasio. Mais contrairement à Forge animation et son projet d'adaptation transmédia, Éric Henninot, une horde à lui seul, s'est accroché. Voilà six ans qu'il envisage le projet, enfin dans nos librairies depuis la semaine dernière.

Et non content de réussir là où les autres ont échoué, le scénariste et dessinateur a en plus le culot d'arriver avec une adaptation d'une rare qualité, qui a su utiliser l'énergie fournie par le roman original pour faire tourner les hélices d'une bande-dessinée de haute volée, qui n'a pas peur de faire des choix audacieux. C'est sans doute en cela que l'album fera le plus parler de lui, d'ailleurs.

Adapter, c'est trahir

Pourtant, et comme Alain Damasio le rappelle d'ailleurs lui-même dans une superbe préface, l'aspect sacré de La Horde du Contrevent ou encore son caractère inadaptable lui échappent complètement. Mais adapter, c'est trahir, et la trahison a toujours capté l'attention des lecteurs ou des spectacteurs, bien plus que le mouvement qui pousse les traîtres à agir.

Et quel mouvement. En l'occurrence, Éric Henninot nous offre une aventure d'une densité assez folle, et qui pourtant, ne cède jamais aux bavardages ou à l'exposition pas chère. Tout ne sera pas aussi étoffé que dans le roman d'Alain Damasio, c'est certain, mais à la rigueur, ce n'est pas le sujet. L'intérêt est plutôt de savoir si la BD et le roman sont habités par le même souffle. Et à mon sens, c'est le cas.

Pour avoir lu les deux, je me suis immédiatement senti en terrain familier, même si les designs d'Éric Henninot sont peut-être plus précis et avancés que ceux que j'imaginais en lisant l'aventure de ce groupe de personnages incroyable. Personnages qui décident de remonter le vent à contre-courant, pour savoir ce qu'il y a de l'autre-côté de leur monde. 

Une belle mise en images d'un monde volontairement flou

Si les images diffèrent, elles étaient après tout forgées par des mots, et des néologismes notamment, ce qui permettait à Alain Damasio de décrire avec une précision paradoxalement floue son univers. Ce flou se dissipe forcément avec un art aussi visuel que la bande-dessinée, mais quelque part, le neuvième art, plus que tout autre, était fait pour adapter La Horde.

Henninot le fait comprendre en bloquant toujours avec soin son cadre, et en optant pour une composition finalement assez classique, comme pour marquer la pénibilité de l'avancée de la horde. Un seul élément semble traveser les goutières et le gaufrier : le vent. Incarné par des onomatopées et un trait léger, lui seul vit entre les cases, qu'il finit par faire vibrer, et nous avec.

Moralité, on avance au rythme fixé par l'auteur, traduction forcément imparfaite mais diablement efficace de l'odyssée imaginée par Alain Damsio, qui ne perd ici ni en gravité, ni en puissance. Sans doute parce que ce premier tome a le bon goût de s'offrir quelques respirations entre deux moments forts. 

Le travail a payé donc, et même si on pourra ne pas être d'accord avec les interprétations d'Éric Henninot, il faut reconnaître à l'auteur un univers visuel cohérent et des choix graphiques très forts, qui honorent l'essence du matériau original. Notre seul regret se trouvera donc du côté de la composition, qui au-delà de la représentation du vent, s'avère finalement assez timide. Sa rigidité a du sens, c'est certain, mais on ne pourra pas s'empêcher de rêver à des compositions épousant la formation du groupe, par exemple, ou d'autres volant en éclats au premier coup de vent venu.

Avec ce premier tome de La Horde du Contrevent, Eric Henninot nous prouve qu'il n'a pas laissé le vent entrer dans ses yeux et ses oreilles. Son adaptation est réussie, cohérente, spectaculaire parfois, mais ne dévie jamais de sa route. Et pourtant, on imagine que la responsabilité qui pesait sur ses épaules aurait poussé bien des artistes à rebrousser chemin ou à céder aux vents d'une exposition lourdingue ou d'un univers totalement réinventé. Une sacré performance, en somme, qu'on vous invite à découvrir aux Éditions Delcourt.

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