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par -- David -- - le 3/10/2017
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par -- David -- - le 3/10/2017

Lapinot - Un monde un peu meilleur, la critique

Un héros ne meurt jamais vraiment. C’était ce que nous disait Lewis Trodheim, il y a deux ans, à l’occasion d’un entretien qu’il nous avait accordé. Nous y évoquions alors l’émouvante bande dessinée La Vie Comme Elle Vient, publié en 2004 qui mettait en scène le décès de Lapinot. Après treize ans d’absence, nous nous étions fait une raison. Après tout, la mort du lapin n’était pas le fruit d’une opération marketing comme on le trouve trop souvent chez DC comics ou Marvel. L’auteur avait expliqué les raisons de cette décision dans Désoeuvré, un essai publié à L’Association. Il ne voulait pas se retrouver prisonnier d’un personnage, d’un gimmick qu’il devrait reproduire ad nauseam.

Guess who's back !

Pourtant Lapinot est enfin de retour, dans Un monde un peu meilleur. Ces nouvelles aventures ne sont cette fois-ci pas publiées par Dargaud, comme les précédents opus. Le lapin retrouve l’éditeur de ses toutes premières pérégrinations, L’Association.

Des résurrections dans le neuvième art, on en a connu. Il faut l’avouer, certaines s’appuient parfois sur de mauvaises raisons. La pire d’entre elles c’est lorsque l’éditeur souhaite tirer sur la corde de la nostalgie, en espérant que les premiers fans se ruent dans les librairies pour goûter à cette madeleine de Proust. Bien souvent passé le premier goût des retrouvailles, l’arrière-goût a une saveur de naphtaline ou de rance, en fonction de la sensibilité du palais. Ici, rien de tout ça. Cette bande dessinée n’est pas là pour raviver le bon vieux temps. Parce que Lapinot n’est pas un personnage d’un monde permanent, comme Astérix avec son petit village gaulois entouré par ses sempiternels camps romans. Il est l’expression du regard que porte Lewis Trondheim sur notre époque.

Du Magma qui a pris de la cocaïne

Tout d’abord, l’auteur expédie en une planche la question de la mort de Lapinot, avec cet pointe d'humour qui fait l'identité de cette série. Il nous montre que pour notre héros aussi, le temps a passé. La relation qu’il entretenait avec Nadia s’est terminée. Thierry est en rémission d’un cancer. Si le monde a évolué pour les personnages, le nôtre aussi, malheureusement. En treize ans, le terrorisme est devenu un enjeu sociétal omniprésent, les chaînes d’information se baugent dans le sensationnalisme. Ces situations tirées de notre réalité teintent cette bande dessinée.

Dès la première case, on retrouve tout de suite le sel de cette série. Le trait faussement naïf de Lewis Trondheim charme toujours autant. L'humour qui flirte avec l'absurde ne s'est aucunement étiolé avec le passage du temps. Comme dans les opus précédents, les pitreries de Richard seront à l’origine de bien des ennuis pour le lapin. Les héros seront plongés dans une intrigue bien menée qui ira d’un simple accrochage entre deux voitures, en passant par une prise d’otages. La trame se noue autour de la rencontre avec Gaspard. Ce personnage gagne sa vie comme cobaye pour plusieurs laboratoires. Le cocktail de pilules qu’il a prises lui a donné une sorte de super pouvoir. Il peut voir l’émanation psychique des gens qui l’entourent. À travers le prisme de cette situation fantastique, Lewis Trondheim ausculte notre société. Il pousse les personnages, et à travers eux ses lecteurs, à s’interroger sur la notion de bien et de mal, sans que jamais cela ne paraisse manichéen ou donneur de leçon.

La bande dessinée est hantée par des figures iconiques qui marquent une époque. Dans les années Pilote, il y eut Asterix ou Lucky Luke. Lapinot fait partie de ce groupe des personnages incontournables qui a posé une empreinte indélébile sur le neuvième art. Son retour nous le rappelle avec force. Il ne revient pas pour servir la soupe à quelques nostalgiques pleurant le bon vieux temps de la collection Poisson Pilote chez Dargaud. Il revient comme s’il n’était jamais parti, avec cette même vigueur, ce même humour, ce même regard sur notre quotidien aussi acéré que drolatique. Trondheim dissèque notre société pour nous la montrer telle qu’elle est, parfois moche, parfois absurde. Pourtant, loin de tomber dans le fatalisme, il nous invite à travers son personnage à y chercher un monde un peu meilleur.

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