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par Sullivan - le 26/01/2016
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par Sullivan - le 26/01/2016

Lastman - Tome 8, la critique

Enfin (presque) reconnu à la hauteur de son génie à travers le monde (et particulièrement aux USA où la série rencontre un succès critique certain), Lastman est, à l'instar de son héros Adrian, passé à l'âge adulte. Expo' géante à Angoulême, déclinaison en série TV et sur consoles avec LastFight, sortie des tomes 8 et 9, 2016 est définitivement une année charnière pour la série créée et magnifiée par le trio Vivès, Balak & Sanlaville

Et comme un cadeau pour se mieux se préparer à l'invasion de Lastman en Poitou-Charentes à partir de demain, Casterman nous offre un Tome 8 que l'on attendait particulièrement, notamment pour (re)découvrir des héros qui ont grandi, Aldana et Adrian en tête. Et si ce tome promettait des retrouvailles entre les deux principaux protagonistes et hommes de la série, il embarque une fois de plus de très nombreux élements et ne manque, pour la 8ème, de s'offrir une petite révolution artistique. 

Jamais frileux lorsqu'il s'agit de réinventer leur univers déjà si riche d'ambiances, de références et de réflexions, les auteurs débutent l'ouvrage par un hommage aux victimes des attentats du 13 Novembre, Balak étant lui-même présent au Bataclan le soir du tragique concert des Eagles of Death Metal. Et si on partage évidemment la peine et l'effroi du trio face à ce rappel brutal au monde réel, on constate aussi que, hasard de la publication ou pas, "les évènements de Paris" pèsent sur ce huitième volume, à l'image de ce momument devenu une attraction pour touristes occidentaux fortunés. 

Plus cynique (en témoigne une intro' où se glisse une parfaite critique des sociétés modernes et de leur système, un sujet déjà taquiné plusieurs fois dans la série), plus âpre, plus vicieux, l'album n'hésite pas à accompagner Adrian et Elorna dans leurs désillusions face au monde des adultes, un monde où les politiques pervers, corrompus et pédophiles s'en tirent au tribunal, où le Maire Kanata est une workaholic dépendante à son spectaculaire "traitement", où Adrian baise autant que son ex-mentor libidineux, où les jeunes filles font de parfaits esclaves sexuels et j'en passe. Définitivement énervé, cet album est aussi une jolie introspection sur le destin et la sempiternelle meilleure façon de mener sa vie à travers le personnage d'Adrian, devenu un jeune homme, lui qui se livre à "une Vinland Saga" et qui refuse l'appel du voyage (du héros), avant de raviser par amour. 

Particulièrement axé sur les sentiments et les relations qu'entretiennent ces héros aux destins définitivement liés, ce huitième tome offre aussi un langage et des dialogues toujours plus "familiers" et "oraux", dans la grande tradition des meilleures comédies françaises, un rôle imputable à l'humour d'auteurs qui font toujours mouche et qui n'ont plus de preuve à faire de côté-là de l'écriture. 

Si Lastman passe à l'âge adulte dans son scénario et ses dialogues, c'est aussi le cas dans sa mise en scène et ses références graphiques (avec un clin d'oeil évident à Star Wars et ses hangars typiques du Space Opera hollywoodien, ici intelligemment réutilisés). Ainsi, les auteurs nous semblent définitivement faire partie d'un univers qu'ils maitrisent et qu'ils modèlent à l'envie et selon leurs humeurs du moment, où l'exposition peut plus que jamais prendre le pas sur l'action.

Rassurez-vous toutefois, l'une des marques de fabrique de cette série storyboardée avant d'être dessinée est toujours bien présente, et le dernier tiers du tome se découvre à vitesse grand V, les évènements loufoques et drolatiques s'enchainant à tambour battant, pour se clore sur un déploiement assez colossal et insoupçonné des pouvoirs des habitants la Vallée des Rois, et deux cliffhangers qui nous laissent une fois de plus la bave aux lèvres jusqu'à la sortie du neuvième tome, à l'automne. C'est d'ailleurs l'un des rares détails qui m'a gêné avec cet épilogue dont on se doute qu'il prépare quelque chose de gigantesque pour la conclusion de la série (qui durera 12 tomes jusqu'à nouvel ordre), mais qui fait déjà retomber le soufflé de la situation périlleuse dans laquelle nous avons laissé nos héros. Rien de dramatique toutefois, Lastman est toujours aussi créatif, différent, complet, passionné et irrévérencieux que depuis son lancement en 2013, et cette respiration avant le grand final a permis aux auteurs de faire passer leur bébé dans une nouvelle ère, que l'on aimerait ne jamais voir finir. 

Album de transition là pour appuyer le changement de ton d'une série qui ne cesse de surprendre à chaque tome, ce huitième volume démarre parfaitement une année placée sous le signe de la Vallée. Et puisque la série devrait enfin rencontrer le succès qu'elle mérite avec ses deux déclinaisons et ses multiples traductions, c'est un peu la mort dans l'âme que l'on se rappelle que deux tiers du voyage sont écoulés, et qu'il sera bientôt l'heure de dire au revoir à des personnages dont on se souviendra pendant de longues années, et qui cristallisent à eux seuls toute une (r)évolution de la création BD. Chapeau bas, comme d'hab'.

N.B : Elorna est enfin le meilleur personnage de la série, et rien que pour ça, ce huitième tome est le bienvenu. 

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