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par Sullivan - le 24/09/2014
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par Sullivan - le 24/09/2014

Le Château des Étoiles, la critique

Attendu comme le messie par les (patients) fans de l'excellent Alex Alice (Le troisième Testament, Siegried...), Le Château des Étoiles constitue une promesse aussi bien sur le fond que sur la forme. Édité dans un écrin exceptionnel par un éditeur que l'on aime déjà beaucoup après un an d'activité et qui lui a offert une prépublication sous la forme de 3 journaux aussi victoriens dans l'aspect que dans le contenu, ce petit chef d'oeuvre s'offre à nous aujourd'hui sous la forme d'un très bel album, l'occasion pour nous d'avoir le droit de vous dire tout le bien qu'on en pense. 

Prévu pour durer deux petits tomes seulement, le Château des Étoiles n'est pas une enième fresque à tiroir dans le si petit monde du Franco-Belge, qui en regorge déjà par centaines. Fruit de l'imagination de l'un de ses artistes les plus précieux et imaginé dès le départ comme un titre différent tant sur le fond que sur le forme, l'album gagne d'ailleurs à se découvrir dans ses deux formats, en Journal avec ses bonus dans un premier temps, puis en album pour profiter des dessins somptueux de son auteur.

"Et si la conquête de l’espace avait un siècle d’avance ?"

Voici le postulat de départ de cette uchronie pas comme les autres. Construit à partir d'un drame fondateur (celui de la disparaition de Claire Dulac, scientifique et maman-héroïne de son état) et sur des zones géographiques aussi peu explorées dans la BD d'aventure que bienvenues (le nord de la France, d'abord, les magnifiques décors de Bavière ensuite), Le Château des Étoiles propose le voyage d'UN héros, Séraphin Dulac, fils-de.

Et là où l'album puise sa force, c'est en évitant soigneusement les schémas convenus, là où de nombreux auteurs auraient appliqué le trop classique voyage DU héros, une trame narrative que vous connaissez par coeur peut-être sans même le savoir, qui constitue un rythme incontournable dans le progression de l'histoire qui veut que le héros refuse d'abord son destin avant de l'embrasser, d'y connaître quelques péripéties et finalement de s'en accomoder pour s'y développer sur le fond comme sur la forme. De Gilgamesh à Sangoku, c'est un schéma qui occupe aujourd'hui 90% de la Pop-Culture, pas seulement par fainéantise, mais aussi parce que c'est l'une des constructions les plus facilement acceptables pour un lecteur. Ici, Alex Alice nous offre totalement autre chose et le personnage de Séraphin (un jeune aventurer rêveur désireux de savoir ce qui est arrivé à sa mère et ce qui se cache derrière l'éther) n'en devient que plus intéressant et plus fidèle à l'image que l'on peut se faire d'une telle tête brûlée.

Le décorum, lui, est maitrisé à la perfection par un auteur qui semble s'éclater avec le contexte Franco-Allemand de son histoire (dans une époque à l'aube de connaître des troubles majeurs pour l'histoire du monde et des relations entre ces deux voisins, faut-il le rappeler), que ce soit au travers des antagonistes du Professeur Dulac et son fils ou des décors que les deux intrépides vont traverser, en intérieur comme au dehors, où les détails foisonnent. 

Forcément inspiré par les mythes Verniens (je me permet de vous renvoyer à la biographie bigger than life de notre ancêtre ligérien), l'auteur ne va pas sombrer dans une litanie de clichés malheureusement rarement évités par la BD, et va profiter de ce foisonnement de références pour développer son propre univers, ses propres designs et surtout sa propre mise en scène, bien loin des aventures presque doucerettes du créateur de Michel Strogoff.

Et puisque ces qualités ne suffisent évidemment pas à attribuer la note parfaite à un titre, c'est bel et bien sur l'approche graphique du titre qu'Alex Alice achève de nous convaincre. Réalisé avec un soin aussi rare qu'un ministre incorruptible de nos jours, l'album est une démonstration de talent et de méticulosité, à l'heure de la surproduction et des nouveautés BD qui sortent par palettes chaque semaine en librairie. Ici, TOUT est soigné, du moindre vêtement au plus petit détail architectural, le tout mis en avant par un découpage continuellement au service d'une narration aussi fluide que bien menée. Je pourrais vous parler de longues minutes encore du lettrage fin et malin, du choix de l'aquarelle et j'en passe, mais en un mot comme en cent : c'est absolument brillant.

Que dire également des heures passées par l'auteur (et les collègues qui l'ont aidé) sur les plans des différentes machines (vaisseaux et autres) présentés dans ce premier volume ? Tout dans le Château des Étoiles sent la sueur et la passion, à l'âge où l'on sent que l'auteur est au sommet de son art et maitrise chaque composante de celui-ci.

Enfin, impossible de passer à côté du travail éditorial de Rue de Sèvres, qui publie un album à un prix franchement abordable (13,50€) dans un écrin incroyable, couverture vernie et belle solidité à l'appui.

Impossible pour moi de résumer les innombrables qualités du Château des Étoiles dans ces quelques lignes en gras, si bien que je vous conseille une fois de plus de reprendre la lecture de cette critique par le début, pour découvrir ce qui se cache derrière la plus belle merveille de BD Franco-Belge qu'il m'ait été donné de lire cette année. Alex Alice n'en avait sûrement pas besoin après avoir déjà fait ses preuves (et de quelle manière) par le passé, mais le voici désormais dans le club très fermé des meilleurs artistes français, lui qui n'hésite pas à se renouveler d'album en album. Un couronnement joyeux, que l'on vous encourage à découvrir dès aujourd'hui en librairie.

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