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par Johan - le 28/10/2013
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par Johan - le 28/10/2013

Le chien qui louche, la critique

Il y a assurément du génie dans l'écriture d'Etienne Davodeau. Génie de ces aventures ordinaires de monsieur et madame tout-le-monde chargées d'émotions et d'intelligence, là où tant d'auteurs ont déjà cassé leur mine sur l'autel des clichés. C'est ainsi sans surprise que l'auteur de Lulu femme nue signe aujourd'hui (encore) un album fort, où Paris rencontre la campagne et le plus grand des musées la plus anodine des oeuvres en un flirt d'une justesse parfaite.

Fabien est agent de surveillance au Louvre, un métier qu'il aime mais qui ne tient pas la comparaison avec Mathilde Benion, sa "cariatide", avec qui il embarque Gare de Montparnasse direction Angers pour rencontrer sa future belle-famille. Passé le premier contact avec les quatres hommes du "clan" Benion, d'authentiques campagnards un peu brut de décoffrage, Fabien se voit présenter l'unique toile conservée de l'artiste de la famille, Gustave Benion, intitulée "Le chien qui louche". Et si son avis "d'expert" intéresse sa belle-famille, Fabien va bientôt se mordre les doigts de les avoir ménagés... Car de retour à Paris, le voilà investi d'une mission : faire entrer "Le chien qui louche" au Louvre !

Un scénario atypique qui va servir de toile de fond à une réflexion universelle dans le domaine de l'art : qui peut affirmer de la valeur d'une oeuvre et de son droit à la postérité ? Aussi absurde que soit la démarche du "clan" Benion, Davodeau est de leur côté et amène son récit vers de nouvelles absurdités afin de les soutenir. Seuls Fabien, Mathilde et le musée du Louvre assurent un semblant de réalité à ce récit riche en personnages drôles et hauts en couleurs. 

Entité à part, le Louvre joue un rôle prépondérant dans la mise à nu des personnages et crée un décalage émouvant vis-à-vis de leur rapport émotionnel à l'art. C'est là une des grandes forces de Davodeau : aspirer soudainement toute l'absurdité de son histoire pour en faire jaillir l'humanité en quelques planches, et crée une passerelle entre les hommes grâce à l'art.

Côté dessin, l'auteur est fidèle à lui-même. Que ce soit la bonhomie caractéristique des personnages ou leur expressivité, le lecteur est en terrain connu. Et c'est une excellente nouvelle ! La simplicité d'ensemble de Davodeau sert ainsi avec brio l'atmosphère de l'album : tout y léger et agréable à l'oeil, facilitant la lecture au profit de la réflexion sous-tendue. 

Entre balade artistique et chronique ordinaire, "Le chien qui louche" force les portes d'un autre Louvre, absurde et attachant, où les cultures se mêlent et s'entremêlent, où touristes et habitués, chacun à leurs manières, trouvent une raison de s'y émouvoir. Un récit drôle et gorgé d'humanité qui se veut aussi une réflexion sur l'art qu'il promeut : Davodeau dans ses grandes oeuvres !

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