Il n'est pas rare de croiser chez son libraire des collectifs bd traitant de l'une ou l'autre des Guerres mondiales. Ils permettent, en un seul livre, de raconter une multitude de destins et d'ainsi évoquer d'une manière plus large l'infinité de problématiques liées à ces périodes dramatiques de notre Histoire.
Dans Les enfants sauvés, précédemment publié chez Delcourt, des enfants juifs rescapés de la Seconde Guerre mondiale racontaient leur histoire. Dans Le combat des Justes, ce sont également six histoires vraies, cette fois-ci celles des sauveurs. Dans chacune, des hommes et des femmes, organisés en réseaux ou non, ont aidé des familles juives, et surtout des enfants, à échapper aux rafles et à survivre.
Hommage aux anonymes.
Shatta et Bouli Simon, l'Abbé Glasberg, Aristides de Sousa Mendes, Félix Chevrier, le Pasteur Trocmé, la Mère Francia. Tous ces noms nous sont inconnus, mais chacun de ces anonymes a risqué sa vie, souvent celle de ses proches aussi, pour faire ce qu'il estimait juste. Cacher des enfants, mentir aux autorités, fournir de faux (ou des vrais) papiers à des familles qui essayaient de quitter le pays, autant d'actes courageux qui permirent de sauver quelques dizaines comme des milliers de vies.
Ce sont ces héros silencieux auquel Le combat des Justes rend hommage, à travers six courts récits qui nous racontent qui étaient ces gens, et ce qu'ils ont fait. Un dossier en fin d'ouvrage apporte un éclairage plus approfondi sur certains points abordés dans la bd.
Avantages et inconvénients des collectifs bd.
Loin d'essayer d'être exhaustif, Le combat des justes nous fait vivre, concrètement, ce qu'ont pu être les actions des résistants qui ont délibérément choisi de désobéir pour sauver des vies, parce que leur devoir le leur dictait. Les six histoires évoquent des parcours et des actions bien différents, des maisons pour enfants à la bureaucratie, des orphelinats à des villages entiers.
Le collectif a ses avantages et ses inconvénients : d'un côté il permet de brosser un portrait plus large d'une problématique, d'un élément de l'histoire, d'explorer des voies différentes. Plutôt que de se concentrer sur un seul personnage, une seule histoire, qui aurait presque un côté anecdotique, en choisir six très différents permet de parcourir la France, les classes sociales, de parler de religion, de politique, mais aussi plus simplement d'humanité.
Mais de l'autre côté, le format court ne nous laisse pas vraiment nous immerger dans chaque récit. Et les changements de dessinateurs font qu'on sera, forcément, plus sensible au trait de l'un ou de l'autre. Le dessin est ici signé tour à tour par Chloé Cruchaudet, Thierry Chavant, Alberto Pagliaro, Hervé Duphot, Lionel Marty, Aude Soleilhac. Ils sont tous talentueux , mais leurs styles éloignés cassent forcément un peu la fluidité de la lecture, et on n'entre pas dans chaque chapitre avec la même facilité.
Les récits, tous scénarisés par Philippe Thirault, sont très touchants. Bien documentés, ils sont racontés avec simplicité, sans jamais en rajouter. On aurait cependant aimé avoir le temps de faire plus amples connaissances avec les personnages, qui parviennent tout de même en quelques pages à être attachants. Plusieurs d'entre eux furent reconnus "Justes parmi les Nations", titre créé par l'État d'Israël.
Le combat des Justes rend donc un bel hommage à des hommes et des femmes qui ont sauvé de nombreuses vies au péril de la leur. C'est une bande dessinée intéressante et émouvante, faite de récits documentés et bien écrits. Si le format court et collectif empêche de vraiment rentrer dans les sujets en profondeurs, et si les changements de traitements graphiques font qu'on sera plus ou moins attiré par telle ou telle histoire, cette bd n'en reste pas moins un joli et instructif moment de lecture.