Illustration de l'article
Critiques
Archive 9ᵉArt
par Elsa - le 13/01/2016
Partager :
par Elsa - le 13/01/2016

Le Courant d'Art, la critique

Il est d'abord question d'une collection, Noctambule, qui fait la part belle aux bandes dessinées profondes, superbes et construit des ponts vers les autres formes d'art, la littérature en tête. En son sein, il y a les récits Yin et Yang, des livres-accordéons où l'histoire se lit dans un sens puis dans l'autre, et inversement. 

Un nouveau support, différent, comme un nouveau champ d'exploration, plein de contraintes inspirantes mais surtout de possibles, avec lequel Pascal Rabaté s'était amusé pour le brillant Fenêtre sur rue. C'est cette fois-ci au tour de Bézian de nous faire vivre une aventure surprenante et inattendue.

L'inspiration.

XIXème siècle, Oliver Byrne est un mathématicien un peu à part. Parce qu'il veut , à sa façon, rendre les mathématiques plus accessibles, il entreprend d'illustrer la géométrie d'Euclide avec des formes géométriques, et des couleurs. Hérésie ou génie ?

Selon certains, Mondrian se serait inspiré de son travail... C'est à partir de cette théorie que Bézian tisse Le courant d'art.

Destins croisés.

On dit parfois que la créativité, l'inspiration, proviennent d'une source d'énergie globale dans laquelle chacun peut puiser. Imaginons alors qu'un canal ait relié plusieurs êtres à des moments de leur vie situés à une cinquantaine d'années d'écart. Une rencontre, celle avec une oeuvre, une réflexion menée par le passé, ou une vision de l'avenir, ou alors quelque chose de plus étrange, impalpable. Entre faits historiques et imaginaire, Bézian trace des parallèles entre les destins et les idées de Byrne et de Mondrian, jouant comme ces deux hommes à gommer les frontières entre les mathématiques et l'art. En le faisant, il nous interroge, ces petites cases, ces frontières, sont-elles légitimes ? 

Il distille par petites touches des scènes, des instants qui font basculer les destins et en disent beaucoup, tout en nous laissant une grande marge d'interprétation. Ainsi Bézian nous invite à tisser nous aussi cette histoire, entre logique et imaginaire. Il y a beaucoup de poésie, un peu de cynisme, de la tristesse aussi pour ces incompris, un peu trop en avance, un peu différents dans leur regard sur le monde. Il y a des amours déçus, et tant d'autres choses encore qui se déploient dans les superbes illustrations qui utilisent, comme dans les oeuvres de Byrne et de Mondrian, le noir et blanc, et les trois couleurs fondamentales. On pourra regretter cependant que, contrairement au côté du livre consacré à Oliver Byrne qui prend le temps de nous raconter l'histoire de sa vie, celle dédiée à Mondrian soit moins claire, évoquant plus une période d'ébullition artistique que le destin du seul artiste, perdant un peu en densité.

Ce livre offre une expérience de lecture exigeante, une simplicité étudiée, richement documentée. Une manière de raconter des histoires en en distillant seulement l'essentiel. C'est un récit historique, un jeu, une expérience, et un joli voyage au sein de destins tourmentés. 

Le Courant d'Art est un nouvel ouvrage atypique  pour la collection Noctambule, si riche de pépites. Un titre exigeant, mais beau et plein d'intelligence.

Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail