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par Republ33k - le 29/05/2015
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par Republ33k - le 29/05/2015

Le Rédempteur, la critique

Sur le papier, Le Rédempteur, création du scénariste d'I.R.$ et du dessinateur du Dernier Templier, avait sans doute tout pour plaire. Mais ce premier tome, paru chez Dargaud, a malheureusement tôt fait de gâcher son concept accrocheur pour somber dans une galerie riche en archétypes voire en clichés.

Jean Ravelle est le président de la Ravel Corporation. Une gigantesque multinationale qui l'a rendu milliardaire, mais pas insouciant pour autant. Playboy la journée, le héros de cette histoire enquête sur les dérives de sa propre entreprise en jouant aux vigilante la nuit. Et il ne reculera devant rien pour laver le sang qu'il a sur les mains.

Peu de gens sauraient expliquer la fascination du franco-belge pour les grandes entreprises et leurs patrons. Autour des I.R.$ et des Largo Winch, on retrouve désormais tout un genre d'exploitation consacrré à ces milliardaires aux grands cœur, et assurément, Le Rédempteur est l'un d'eux. Pourtant, la promesse de cet album, dans les premières pages de ce tome, semblait bien différente des celle de ses pairs, puisqu'elle reposait sur un chef d'entreprise aussi brutal que déterminé.

Seulement, en quelques pages, on comprend que le concept du patron vengeur, qui décide de racheter - au sens biblique plus que financier - les erreurs de son entreprise, ne fera l'objet d'aucune critique, d'aucune exploration philosophiques. Certes, notre héros n'a pas la conscience tranquille. Mais à partir du moment où il choisit d'utiliser les méthodes de ses adversaires pour se faire respecter, il devient un vulgaire vengeur comme il y en a des tas sur les étagères de vos librairies.

Non pas que le thème de la vengeance solitaire et personnelle soit mauvais en soit, mais encore faut-il qu'il soit original, puisque comme je le disais, on le retrouve un peu partout dans les produits culturels. Or ici, Jean Ravelle est un énième jeune homme bien bâti, versé dans l'art des courses-poursuites et des fusillades, et qui met sa fortune au service d'une croisade contre le crime.

Pourtant, lorsque ces crimes impliquent toutes les dérives du monde capitaliste, de l'exploitation des ressources locales de manière illégale à la corruption en passant par le travail des enfants, il y avait de quoi transformer cette course à la revanche en une vraie critique du modèle dominant. Et en lieu et place de cela, notre héros s'entoure de personnages avides de justice qui sont - à une exception près - des héros en col blanc parfaitement doués dans ce qu'ils font. Aucun doute, aucune hésitiation n'est offerte par cet album, qui met simplement en scène la croisade d'un playboy contre sa propre entreprise.

Enfin sa propre entreprise, soyons clairs, il s'agit plutôt des représentants d'une vilaine organisation qui s'est infiltrée dans cette corporation, puisqu'il est toujours plus intéressant de donner aux héros un vilain plutôt que des fantômes intimes, qui sont tout de même abordés au détour de quelques cases. Le concept était donc accrocheur, potentiellement pertinent, mais se contente d'être un simple contexte pour une histoire dans la veine d'un revenge movie - ici arrosé de dollars - sans aucune originalité, pas même un petit retournement de situation ou un dépoussiérage d'archétype.

Pour consoler une lecture convenue, nous pouvons heureusement compter sur les dessins de Miguel Labor. Un style académique, lui aussi très prévisible, mais qui ne manque que très rarement ses objectifs. Les visages sont immédiatement reconnaissables, les paysages très riches et l'action, lisible malgré de des planches qui fourmillent de détails.

Incontestablement, Le Rédempteur avait de quoi faire son trou au beax milieu de ces bandes-dessinées à base de milliardaires aventureux. Mais au lieu de ça, elle en embrasse tous ses archétypes sans jamais les nuancer par quelques originalités. Le héros et ses compagnons sont infaillibles, les méchants se cachent dans l'ombre en fomentant leurs plans et l'intrigue s'enchaîne sans même un accroc. Si la promesse de base avait été tenue, nous aurions ici quelque chose de relativement frais, qui disparaît vite au profit d'une histoire et de ses personnages archétypaux. Un constat amer qui est heureusement adouci par les dessins scolaires certes, mais très efficaces.

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