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par Tom*** - le 17/05/2017
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par Tom*** - le 17/05/2017

Les Maîtres de WhitePlain - Tome 1, la critique

C'est un sujet important de l'histoire de notre monde qu'a choisi de développer le scénariste Edouard Chevais-Deighton dans Les Maîtres de WhitePlain - Tome 1 édité chez Grand Angle. En traitant l'esclavagisme aux États-Unis avant la guerre de Sécession, l'auteur cannois ne choisit pas la facilité. Le sujet a bien entendu déjà été abordé dans la bande dessinée, notamment dans Blueberry ou Les Tuniques bleues (dans un autre registre) et le cinéma (Amistad de Steven Spielberg ou 12 Years a Slave de Steve McQueen), mais ici, le récit est amené sous forme de conflit familial, proposant ainsi une dimension nouvelle à cette partie de l'histoire.



L'intrigue prend place en 1839 sur la plantation de White Plain en Caroline du Sud. Henri Berthier, propriétaire du domaine, a deux enfants, Charles et Joséphine, qu'il a eu avec sa femme Sally. En grandissant, Charles est devenu l'archétype des enfants de riches propriétaires terriens de l'époque : arrogant, imbu de lui-même et ne prêtant que très peu de considération aux esclaves. Il est ami avec Pete, fils du contremaitre qui semble savoir beaucoup de choses sur l'histoire de la famille Berthier, notamment une fameuse nuit, survenue treize années auparavant durant laquelle un coup de feu a été tiré pendant l'accouchement de Sally.
Dès le commencement de la BD, Charles prend en grippe un jeune esclave du même âge que lui, qui semble avoir un lien privilégié avec sa mère et commence à le persécuter jusqu'au point de non retour. S'en suivent plusieurs années durant lesquelles le jeune adolescent devient un homme. Il a été envoyé dans une académie militaire afin d'être remis sur le droit chemin suite à l'agression commise quelques années auparavant. Mais les dissonances entre le Nord et le Sud des États-Unis sont fortes et la Guerre de Sécession proche.  



Les Maîtres de WhitePlain est un titre intéressant sous bien des aspects. Tout d'abord, et comme dit précédemment, pour son propos.
Même si le sujet a été maintes fois traité, il est important de le rappeler pour ne pas l'oublier. À l'heure où la traite négrière n'est toujours pas reconnue comme ayant été un crime contre l'humanité et où les droits sociaux des afro-américains aux États-Unis n'ont même pas un siècle, ce type de bande-dessinée est fondamental pour se rappeler de l'exploitation de toute une population pour le compte d'une autre.
Même si le propos et la toile de fond servent à raconter un drame familial, le contexte social et historique joue un rôle majeur dans le déroulement de l'intrigue et la psychologie des personnages. L'auteur s'en sert avec brio pour raconter une histoire proche du drame intimiste qui, malgré des ficelles plutôt évidentes, tient en haleine. C'est peut être même la seule chose à reprocher à la narration de ce titre. Édouard Chevais-Deighton avait matière à surprendre ses lecteurs en proposant d'autres types de rebondissements.
Mais peut être est ce là la véritable raison d'être du titre ? Peut être que son but n'est pas de surprendre, mais de simplement dresser un constat sociétal de cette époque au travers d'un drame ? Toujours est-il que les amateurs de tragédies familiales trouveront très certainement leur bonheur à la lecture de ce titre, mais ne seront probablement pas surpris par les réponses apportées par l'auteur. 



Le titre est dessiné par Antoine Ginier Belmonte dont c'est la première collaboration avec l'auteur. Pas toujours heureux, le trait du dessinateur peut sembler par moment grossier et ne rend pas toujours honneur au scénario. Le traitement des ombres notamment rend la plupart du temps difficile la lecture et l'identification de certains des protagonistes afro-américains. Les fonds quant à eux sont la plupart du temps plutôt réussis et permettent de planter un décor restituant assez bien l'image que l'on peut se faire de la Caroline du Sud des États-Unis à cette époque.
Le découpage du tome est, lui, assez brouillon. Les ellipses temporelles, assez nombreuses dans le récit, sont plutôt mal ammenées et rien, hormis la narration, n'indique que quelques semaines sont passées dans le déroulement de l'histoire. Les flashbacks ne s'en sortent pas mieux, n'offrant aucune cohérence graphique. En effet certains sont introduits par un fond sépia, indiquant que l'action se déroule dans le passé, alors que d'autres n'ont le droit qu'à une petite case qui donnera une indication temporelle.

À l'origine, Les Maîtres de WhitePlain part sur de bonnes bases en implantant son récit dans cette Amérique en plein développement et qui se batissait grâce au travail des esclaves. L'idée de se servir de cette toile de fond sociétale pour y introduire une tragédie familiale est également une bonne idée qu'il faut reconnaitre à Édouard Chevais-Deighton, son scénariste. 
Dommage que les rebondissements soient prévisibles, que le dessin de Antoine Ginnier-Belmonte soit aussi inégal par moment et que la temporalité soit aussi mal intégrée dans ce premier tome.
Si l'on accepte ces défauts, le titre reste plaisant à lire et le lecteur pourra attendre le second et dernier tome pour connaitre le fin mot de l'histoire de la famille Berthier.

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